Le passage sociologique

Sous la double pression due à l'effort de modernisation technologique associé aux drames des plans sociaux, les responsables de ressources humaines recherchent, au travers des programmes de formation, une double tâche :

Cela équivaut à se confronter à un double défi qui est, à certains égards, presque contradictoire :

A ce titre, l'analyse sociologique des programmes et conduites de formation d'adultes doit aussi prendre en compte une double dynamique d'apprentissage et de transformation, pour en apprécier les véritables effets de socialisation.

Selon SAINSAULIEU 50 , le paradigme de l'effet formation peut revêtir quatre processus observables.

  1. Tout d'abord, l'effet formation consiste à développer une "promotionsociale d'individus" qui prennent appui sur leurs connaissances nouvelles pour accompagner des projets de carrière hiérarchique ou d'évolution vers des emplois différents. Il ressort le constat de la très forte interdépendance au sein de processus évolutifs de changement dans les organisations comme dans des exploitations rurales. La formation technique et générale propulse l'adulte dans une stratégie ascensionnelle.
  2. Le second effet peut être nommé "ouverture de système socio-organisationnel". En effet, introduire des stages, des périodes de formation, peut créer des désordres organisationnels et créatifs. Les périodes de formation accentuent les échanges et la compréhension de l'organisation comme système social de relation collective. Elles représentent des lieux où se nouent des amitiés inter-services, métiers et grades. Bref, des solidarités de promotion se développent. Cela représente un soutien pour ces périodes de développement rapides.
  3. Un troisième effet social introduit une "conscience critique de l'acteur" dans le développement des organisations. Les échanges entre apprenants et formateurs, autant que les efforts cognitifs liés à la pédagogie pour adultes, entraînent une analyse plus fine des réalités techniques et sociales. On s'interroge sur son travail et sur celui des autres, on a même des idées sur l'avenir de son métier ou, pour un ingénieur commercial, on devine l'impact des nouvelles technologies et les avantages d'une optimisation du temps.

Cette attitude critique de l'apprenant impliqué retournant dans son service crée de nombreuses tensions et favorise souvent une sorte de consensus mou sur la "formation récompense" plutôt que sur la "formation compétence".

  1. Le quatrième effet social de la formation d'adultes se rapprocherait plutôt du "monde de l'imaginaire et de la créativité". Il est stimulé par des stages et des cours passionnants, au cours desquels les salariés apprennent à voir le monde autrement. Une formation bien élaborée ouvre le regard sur les autres et sur soi, stimule les projets d'évolution personnels et, parfois, donne l'idée d'aller voir ailleurs. De ce point de vue, l'acteur social devient plus indépendant et parfois plus mobile.

Des observateurs, N.ALTER et C.DUBAR 51 , montrent que l'entreprise modernisée, réactive et en constante réorganisation, induit une différenciation forte :

On peut même en conclure et parler d'effet promotion à l'endroit des élites, au détriment du plus grand nombre. Cependant, l'ouverture du système et le développement des communications, intra et inter services, jouent énormément pour les innovateurs, qui :

Sur le plan culturel, l'accès à la formation entérine le décalage entre anciens bloqués et modernes "surchauffés". L'imagination créatrice –soutenue par l'adaptation de la formation continue- ne concerne guère que le milieu des mobiles et des innovateurs.

Cependant, une vague prégnante vient contrecarrer cette ouverture culturelle ; il s'agit d'un climat de "pressions contingentes et aléatoires" sur les entreprises. Une sorte de dictature de la réactivité, qui attribue désormais sa raison d'être au fait d'évoluer dans un environnement technologique et concurrentiel à très grande vitesse. Le management de l'entreprise est alors dicté par la rapidité des choix stratégiques.

Conséquence récente de ce phénomène :

Le salarié et les entreprises doivent ré-apprendre à jouer leur socialisation sur deux scènes :

Observons également l'élasticité de l'effet formation sur la création d'entreprises, l'essaimage, le coaching ou le changement de métiers techniques vers toujours plus de commercial et de service clientèle.

Observation récente de cette posture :

Les individus deviennent acteurs de leur propre évolution et de leur parcours, sans quoi l'implication est faible et les résistances au changement et à toute formation deviennent le signe fort de la réalité mal traitée.

Notes
50.

SAINSAULIEU R. – Sociologie de l'organisation et de l'entreprise – Presses de la FNSP et DALLOZ – (1991)

51.

DUBAR C. – La socialisation – Construction des identités sociales et professionnelles – ARMAND COLIN p.22-23 (1991)