Un cadre de référence évolutif

Depuis son origine, notre recherche s'est attachée à aider à la constitution d'une compétence professionnelle du formateur, en capacité à réinstaller chez les sujets-apprenants des principes d'action sur le mode du paradigme du "chantier".

Un soin particulier a été apporté pour signifier en quoi la personnalisation trouvait sa raison d'être :

  • en fonction des besoins de chaque sujet-apprenant, dans une démarche individuelle et/ou de groupe,
  • sans nécessairement impliquer l'individualisation qui, elle, s'adresse à des formateurs, isolément les uns des autres.

Cette réflexion a pris naissance dans la rencontre entre un intérêt personnel et une pratique professionnelle de Responsable de Formation en milieu entreprise. Le thème était présent dans notre mémoire de maîtrise, pour établir un nœud gordien entre un contenu (objet à transmettre) et des modalités spécifiques (stratégie cognitive, biographie de la personne, captation de ses attentes…). Par ailleurs, il augurait le fait de posséder une identité professionnelle clairement établie, qui balise un cheminement menant à une habilitation (reconnue par les institutions).

Au cours des années, notre question de départ s'est considérablement précisée :

  • En Octobre 1994, nous écrivions "à quelles conditions former des formateurs capables de gérer des systèmes flexibles ?"
  • Un an plus tard, en Décembre 1995, nous formulions : "comment former des formateurs susceptibles de gérer une formation personnalisée de qualité ?"
  • Au moment de l'écriture définitive, l'interrogation est devenue : "à quelles conditions former des formateurs susceptibles de gérer une formation personnalisée, en particulier dans la fonction commerciale ?".

De la même façon, les hypothèses se sont affinées dans le temps :

  • A notre point de vue, la gestion d'une formation personnalisée peut se réaliser, mais seulement avec une double exigence :
    • celle du sujet-apprenant, qui construit son histoire dans le champ des savoirs et des compétences. Par conséquent, elle ne saurait être que SINGULIERE, UNIQUE et, surtout, GLOBALE.
    • celle du formateur, qui se re-construit, se métamorphose, se commue en révélateur de l'autre, tout en "cheminant" lui-même, à partir d'une supervision qui l'incite à faire des allers et des retours entre les fondements de la formation personnalisée et les modalités applicatrices.

Hélène TROCME-FABRE 59 apporte une contribution significative à notre réflexion en confirmant : "Dans tout métier, celui qui "entre en apprenance" doit être accompagné vers la maîtrise des gestes et la capacité de décision qui sont le signe de l'autonomie des gens de métier. Pour ce faire, les rôles doivent être redéfinis. Le guidage, sous forme d'accompagnement, de médiation, de transaction, est destiné à rendre l'apprenance durable…"

En second lieu, une stratégie de personnalisation repose sur une construction et un échange. C'est par la reconnaissance et la mise en visibilité de toutes les compétences que l'on pourrait élargir le champ de l'intervention pédagogique. C'est par une meilleure gestion des savoirs, par l'invention d'une économie des connaissances, que nous pourrons projeter les contenus d'autres formes de prospérité et d'efficacité. Le savoir n'est pas seulement la richesse première du monde actuel. Vivant d'invention collective, de transmission, d'interpré- tation et de partage, la connaissance est l'un des lieux où la solidarité entre les hommes peut prendre le PLUS DE SENS, LE PLUS DE LIENS.

Le dispositif relatif à l'acte de personnalisation est tellement nouveau qu'il attire ou qu'il effraie. Il est même devenu une "tarte à la crème", alimentant certains colloques et discussions.

Il n'est qu'à interroger des sites Internet sur la "personnalisation" pour recevoir un "fourre-tout" d'informations mêlant progression, individualisation et modalités diverses de formation (cf.annexe). Dans son principe fondateur, la personnalisation constitue pourtant un signe avant-coureur qui annonce une lecture nouvelle d'un monde en plein changement. Il nous invite à sortir de nos catégories socio-politiques, héritées de la civilisation industrielle, et ouvre une nouvelle carte pour comprendre et agir sur le présent et l'avenir.

L'une des convictions résultant de notre recherche porte sur la position primordiale des sujets-apprenants. Ceux-ci doivent être non seulement les bénéficiaires privilégies de cette approche formative mais, surtout, les principaux révélateurs/stimulateurs d'une demande de plus en plus exigeante et affinée auprès de leur formateur et/ou de leur institution de formation. En effet, c'est sur les sujets-apprenants que convergent les conséquences abouties d'une formation personnalisée, qui gère la totalité de la personne, la réponse à sa demande, en intégrant les exigences, les problématiques (voire les turpitudes…) de son employeur (sans oublier que ce dernier est en charge du financement de la formation et, par là-même, en attente d'un "retour sur investissement").

A la question initiale, interrogeant les conditions nécessaires pour qu'une stratégie de personnalisation puisse se réaliser en entreprise, nous proposons une compréhension rationnelle de l'acte de personnalisation.

Au travers du décryptage des indicateurs de personnalisation, nous avons voulu apporter une contribution utile pour percevoir l'existence d'une corrélation entre le processus de transformation et la personne accompagnée, signifiant ainsi que l'apprentissage, dans le chantier, s'appuie sur la conviction que l'homme change en permanence pour répondre à sa pression biologique interne, et pour s'adapter à son environnement. C'est pourquoi apprendre est pour lui un passage vers la métamorphose.

Le formateur averti pratique volontiers l'art du questionnement, dépassant le simple objet de la transmission d'un contenu, pour engendrer cette métamorphose et donc influer sur les représentations et les comportements.

Notes
59.

TROCME-FABRE H. op. cité.