2.2 Les notions de contrôle et d’empowerment

Nous pouvons alors nous interroger sur l’importance qu’a pour l’apprentissage, la façon dont les apprenants, ainsi que les enseignants, confrontés à une telle situation d’apprentissage, se perçoivent en tant qu’acteurs. Interviennent ici les notions de contrôle et d’empowerment, comme nous le montre le travail de Palfreyman 15  (2001, ch.1.2) : « ‘ …l’autonomie de l’apprenant peut être vue en tant qu’aspect particulier de concepts plus généraux, tels autonomie personnelle ou empowerment ; elle peut également être envisagée relativement aux concepts de ‘compétence’ ou de ‘citoyenneté’, ainsi qu’en opposition avec d’autres tels que ‘contrôle’ et ‘société’ ’». 

La notion d’empowerment peut être définie comme étant « l‘ a façon par laquelle l’individu accroît ses habiletés favorisant l’estime de soi, la confiance en soi, l’initiative et le contrôle ’ » Eisen 16 (1994). Autrement dit, la capacité de personnes à satisfaire leurs besoins, à régler leurs problèmes et à mobiliser les ressources nécessaires de façon à sentir qu’ils ont le contrôle de leur propre vie.

Le lieu de contrôle concerne le contrôle personnel qu’a l’individu sur les aspects importants de sa vie. Un lieu de contrôle interne réfère à une croyance générale à l’effet que les événements dépendent de son propre comportement, alors que le lieu de contrôle externe réfère à une croyance générale à l’effet que les événements dépendent de facteurs externes, hors de son contrôle, tels que le destin, la chance, ou le hasard.

En outre, dans la théorie de l’attribution, nous donnons un sens aux événements qui nous entourent selon le processus d’attribution que nous avons appris. Le style d’attribution est plutôt stable et répétitif, mais pas fixe. Certains styles d’attribution rendent la personne plus vulnérable. Ainsi, face aux problèmes, les attributions internes (C’est de ma faute), stables (Ça ne changera jamais) et globales (Tout va mal!) rendent plus vulnérable que les attributions externes (Ce problème s’explique par un contexte particulier), instables (C’est temporaire) et spécifiques (Cela va bien dans d’autres zones de ma vie).

Cette notion d’attribution est très importante car elle va avoir une influence déterminante dans les comportements à venir de l’individu, dans sa façon d’organiser son monde pour qu’il soit plus facilement prévisible. Il est possible de caractériser les quatre causes principales en fonction du lieu et de la stabilité du contrôle 17  :

  STABLE INSTABLE
INTERNE Habileté Effort
EXTERNE Difficulté de la tâche Chance

Cependant, il est important de souligner, comme le font Williams & Burden (1997), que chaque individu n’attribuera pas forcément les mêmes causes à un événement. Ainsi, ‘la chance’ peut être considérée comme quelque chose d’externe et d’instable (voir ci-dessus), mais également comme quelque chose d’interne et de stable (je suis né chanceux, ou malchanceux). Ceci nous permet de former un cadre dans lequel nous pouvons situer nos propres représentations ainsi que celles de nos élèves 18  :

Lieu de causalité Stabilité Contrôlabilité Exemple
1. Interne Stable Contrôlable « j’étudie toujours efficacement »
2. Interne Stable Incontrôlable « j’ai beaucoup d’habilité dans ce champ d’études »
3. Interne Instable Contrôlable « cette fois, j’ai étudié efficacement »
4. Interne Instable Incontrôlable « j’étais dans une bonne période »
5. Externe Stable Contrôlable « le professeur m’a aidé »
6. Externe Stable Incontrôlable « la question était facile »
7. Externe Instable Contrôlable « j’ai réussi à convaincre un ami de m’aider »
8. Externe Instable Incontrôlable « j’ai été chanceux »

Il devient alors évident, que nous devrions tous tâcher de percevoir nos réussites, ainsi que nos échecs, comme quelque chose d’instable et de contrôlable.

Une question importante se pose : si ces ‘attributions’ ne sont pas fixes, le fait d’être conscient de la façon dont nous regardons les événements, peut-il alors nous amener à modifier notre comportement ? Tant que nous ignorons la façon dont nous regardons les événements qui surviennent tout au long de notre existence, et plus spécifiquement dans le domaine de l’apprentissage, nous pouvons supposer que nous aurons plus de difficultés à modifier notre comportement.Zimmerman et al (2000), témoignent de l’importance de la théorie de l’attribution, en soulignant un point très intéressant : un apprenant qui réussit se sent efficace et personnellement responsable du contrôle de son apprentissage. Ce sentiment d’efficacité fait référence à son auto perception, et à sa conviction intime qu’il est capable d’apprendre et d’effectuer une tâche à un niveau défini. En effet, les recherches sur le développement de compétences spécialisées dans des domaines tels que les arts dramatiques, le sport, les échecs, montrent que les résultats obtenus dépendent davantage de la méthode d’apprentissage et de la pratique, que du talent (Zimmerman et al, 2000, p.20). De toute évidence, il semblerait qu’il importe de considérer l’apprentissage des langues dans cette optique.

Ainsi, nous avons vu comment les représentations et les styles d’apprentissage, la théorie d’attribution, les notions de contrôle et d’autonomie sont liés de façon très complexe. Puisque tous ces aspects semblent toucher profondément à la façon dont nous nous percevons en tant qu’individus, nous pouvons nous attendre à ce que de forts enjeux émotifs soient en place lors de tout apprentissage, et en particulier en ce qui concerne l’apprentissage d’une langue.

Notes
15.

“learner autonomy … may be seen as a particular aspect of more generalized concepts such as ‘personal autonomy’ or ‘empowerment’; it may also be seen in relation to concepts such as ‘skill’ or ‘citizenship’, and in opposition to ones such as ‘control‘ and ‘society‘.”

16.

Cité sur le site de l’Université de Montréal, CESAF : http://www.chez.com/brunofortin/sme1020/4.html