6.3. Effort cognitif

Savoir si les aides logicielles à l’écriture constituent réellement des facilitations procédurales, soulève le problème de l’articulation du processus et du produit.

Il existe incontestablement un lien direct entre le produit et les processus, néanmoins, comme le rappelle Bereiter & Scardamalia : ‘ " [Si] à l’écrit toute régularité qui apparaît doit avoir sa contrepartie dans l’esprit du rédacteur […] l’inverse est loin d’être aussi évident …" ’ (Bereiter & Scardamalia, 1987 : 41).

En d’autres termes, il n’existe pas de recouvrement global et il subsiste une certaine indépendance entre processus et produit. Il faut donc distinguer la qualité du produit et la qualité du processus. Ainsi, dans le cas qui nous intéresse ici, une interaction animée, où se manifestent confrontations, mises en question, conflits de connaissances, peut inférer négativement sur le produit de cette interaction. Par conséquent, la seule observation du produit ne permet pas de répondre à notre problématique. Il est donc indispensable de mettre en rapport ce produit et les négociations verbales qu’il a occasionnées entre ses producteurs.

Nous procèderons donc, à un repérage général du déroulement de l’interaction verbale par rapport aux différents énoncés qui constituent le produit écrit final.

La mise en rapport du produit et des processus nous permet de répondre à la question du coût interactionnel de chaque unité discursive. Ce coût interactionnel se substitue en situation de production discursive interactive, au coût en temps, tel qu’on peut le mesurer dans les situations de production solitaire. Pour le calculer, nous prendrons comme unité le tour de parole à l’oral, et à l’écrit, la phrase. Nous avons regroupé dans un tableau chaque phrase et son coût interactionnel, en nombre de tours de parole, pour chacun des textes (cf. annexe 5).

Il est certain que ce comptage global dissimule un certain nombre de phénomènes. Toutes les interactions qui précèdent même immédiatement l’inscription d’un énoncé ne sont pas forcément consacrées uniquement à cet énoncé. Des négociations générales peuvent avoir lieu à ce moment, ou encore des opérations matérielles partiellement verbalisées (recherche d’information dans le dictionnaire par exemple). Cependant, on peut juger que c’est l’avancement du travail global, à ce point du discours produit, qui contextuellement et situationnellement a ces conséquences sur le déroulement de la tâche et sur l’interaction.

Le coût interactionnel est donc indicatif non pas du coût cognitif de la (re)formulation, mais du coût sociocognitif de la (re)production d’un énoncé et de son insertion dans un contexte.

L’analyse révèle que la production de certaines phrases connaît un temps de gestation plus long c'est-à-dire un coût interactionnel plus élevé, soit un effort sociocognitif plus important. Nous allons donc observer plus précisément ces séquences indiquées par une montée du coût interactionnel.