1.1. Mémoire à court terme (MCT) et mémoire à long terme (MLT)

1.1.1. Fonctions respectives des mémoires à court et long termes

Nous avons vu que la résolution d'un problème passe par une étape de planification de l'action, durant laquelle le sujet élabore une représentation mentale lui permettant de structurer et d'organiser les différents éléments du problème afin de solutionner ce dernier de façon adaptée et efficace. La construction d'une telle représentation requiert le stockage en mémoire de l'ensemble des informations traitées. Suivant la finalité et les contraintes liées à la tâche, le sujet devra stocker l'information de façon temporaire, très brève, ou de manière plus permanente. En parlant des représentations visuelles (nous discuterons plus bas des différentes formes de représentations mentales), Kaski (2002) explique que deux mécanismes de génération des représentations sont possibles : le matériel visuel peut être rappelé à partir d’une mémoire à long terme, ou les images nouvellement perçues peuvent être stockées dans une mémoire à court terme. Si nous prenons l'exemple simple de la reproduction d'un dessin qui nous intéresse plus particulièrement dans le cadre de la présente recherche, il est possible de demander au sujet de copier le modèle qui lui est présenté, ou de le restituer de mémoire, après un délai de quelques minutes séparant l'exploration de l'exécution. La réalisation de la tâche dans chacune des conditions venant d'être énoncées requiert l'intervention de systèmes (ou sous-systèmes) mnésiques différents. En situation de copie, la durée nécessaire au maintien en mémoire de l'information traitée est très courte, puisqu'elle n'excède pas quelques secondes. C'est alors la mémoire "primaire" qui est opérante. Seron (1993) explique que « la mémoire primaire renvoie au fait que toute activité psychologique, même très brève, a une durée qui dépasse l'instant présent. La cohésion de nos actions requiert en effet un minimum d'intégration temporelle. Ce type de fonctionnement qui accompagne nos activités quotidiennes en leur assurant un minimum de cohésion a été appelé la mémoire primaire, la mémoire à court terme et plus récemment encore la "mémoire de travail", [qui] stocke les informations le temps nécessaire à leur exploitation » (pp.50-51). La mémoire de travail (MDT) peut encore être définie comme « la capacité de maintenir à l’esprit une information pendant un cours moment, afin d’effectuer une tâche ou d’atteindre un but » (Petit & Zago, 2002, p.391). Ce système de mémoire, intervenant dans un décours temporel très réduit pendant le traitement de l’information, se distingue d’un autre système de mémoire opérant sur des durées temporelles beaucoup plus longues, appelé "mémoire à long terme" (MLT). Ce système mnésique contient l'ensemble des connaissances et savoir-faire que nous avons acquis de manière durable. Elle est à l'origine de l'activation de représentations ou de procédures automatisées lorsque le sujet se trouve face à un problème connu, déjà expérimenté, en présence duquel il dispose d'une solution toute prête. La MLT se subdivise en plusieurs sous-systèmes, dont un grand nombre d'auteurs postulent qu'ils fonctionneraient de façon autonome. Ainsi, Costermans (1998) relate la distinction entre la mémoire déclarative et la mémoire procédurale. Les connaissances procédurales renvoient aux programmes stockés en MLT (pas seulement moteurs, également ceux donnant forme à des représentations mentales), alors que les connaissances déclaratives correspondent à des données épisodiques ou autobiographiques. Pour Tulving (1983), les informations contenues au sein de la mémoire déclarative sont de deux types : d'une part, des données épisodiques, relatives aux événements antérieurement vécus par le sujet (et donc autobiographiques), d'autre part des données sémantiques, correspondant à l'ensemble des connaissances générales accumulées (on parle aussi de "mémoire encyclopédique"). A cet égard, Tulving soutient l'idée de deux mémoires distinctes, dans la mesure où l'on peut noter des différences dans les procédures d'apprentissage, dans les principes d'organisation et dans les conditions de récupération de l'information. Parmi les divergences pointées, il souligne à quel point la mémoire sémantique, contrairement à la mémoire épisodique, donne prise aux activités d'inférence ou de raisonnement. Aussi, si nous envisageons le cas de la reproduction d'un dessin complexe composé de figures géométriques élémentaires (cas qui nous intéresse tout particulièrement dans cette recherche), le sujet sera en mesure d'extraire aisément les différentes formes simples s'il en a connaissance, c'est-à-dire si ces dernières sont stockées (et donc récupérables) au sein de la mémoire sémantique de la MLT. La perception d'un stimulus connu est propice à l'appariement de la représentation mentale construite par le sujet et stockée en MDT à la représentation mentale antérieurement stockée en MLT qui lui correspond. Ce mécanisme s'apparente au processus de résonance ou encore à la fonction d'écho décrits par Hinztman (1986) dans son modèle de la mémoire à « traces multiples ». Dans la perspective de résolution de problèmes dans laquelle s'inscrit notre recherche, notre intérêt se portera exclusivement sur la mémoire sémantique.