1.2.2. Imagerie mentale visuelle et mémoire de travail

L’imagerie mentale visuelle permet de générer, d’inspecter et de transformer une représentation visuelle en l’absence d’entrée (input) perceptive. Comme nous l’avons signalé auparavant, la mémoire de travail visuelle est un type de mémoire à court terme permettant le maintien d’une information visuelle ou visuo-spatiale lorsque l’entrée perceptive n’est plus disponible. Cette mémoire contribue à l’analyse exploratoire des images, grâce au calepin visuo-spatial, et à leur transformation, par le biais de l’exécuteur central (Baddeley, 1986, 1992 ; Baddeley & Hitch, 1994). Même si ces deux fonctions cognitives (imagerie mentale et mémoire de travail visuelle) sont sous-tendues par des processus cognitifs non strictement communs (Andrade, Kemps, Werniers, May & Szmalec, 2002), tels que le mécanisme de génération, paraissant propre à l’activité d’imagerie, elles partagent néanmoins la plupart des processus qui les constituent.

Cette proximité cognitive trouve une traduction au niveau neural. En effet, l’imagerie mentale visuelle n’est pas sous-tendue par une région corticale unique, mais par un ensemble de zones conjointement activées selon les exigences de la tâche. Si les aires visuelles sont naturellement impliquées dans l’activité d’imagerie visuelle, d’autres régions, non spécifiquement visuelles, participent également à cette activité. Ainsi, dans le cas de l’imagerie mentale spatiale, les activations pariétales s’accompagnent systématiquement d’une activation frontale bilatérale, démontrant que cette forme d’imagerie s’appuie sur un réseau pariéto-frontal. Il se trouve que ce réseau est rigoureusement identique à celui connu pour être activé dans les tâches de mémoire de travail visuo-spatiale (Mellet et al., 1995, Mellet et al., 2000, Courtney et al., 1998, cités par Mellet, 2002). Ainsi, le réseau sous-jacent à la mémoire de travail visuo-spatiale et à l’imagerie est similaire. Il matérialise les processus cognitifs partagés par ces deux activités. Toutefois, cette architecture n’est pas figée, mais susceptible d’incorporer des régions supplémentaires conduisant à l’émergence de propriétés nouvelles. Si la tâche d’imagerie visuelle spatiale s’applique à une image simple, comportant un nombre limité d’items (par exemple, imaginer trois croix disposées de telle sorte qu’elles occupent les sommets d’un triangle équilatéral), on peut supposer que le réseau pariéto-frontal de la MDT sera suffisant. Ce réseau peut être considéré comme le plus petit ensemble de régions nécessaires au traitement des représentations spatiales, que l’on se situe dans le cadre de la mémoire de travail ou de l’imagerie mentale. En revanche, si la représentation spatiale intègre un grand nombre d’items et doit respecter une métrique, alors ce réseau doit incorporer de nouvelles aires cérébrales. Ce phénomène a été observé par Mellet (2002), dans une étude en TEP (tomographie par émission de positons) sur le déplacement mental. Dans cette recherche, un premier groupe de sujets apprenait un environnement en s’y déplaçant réellement, un deuxième groupe l’apprenait par l’intermédiaire d’une carte et un troisième construisait une représentation topographique de cet environnement en lisant un texte descriptif. Dans la caméra TEP, les trois groupes de sujets effectuaient la même tâche : à l’écoute d’un couple de repères, ils parcouraient mentalement la distance les séparant. Pour tous les groupes, une activation de la voie dorsale a été mise en évidence, témoignant de la nature spatiale de la tâche. Cependant, seuls les sujets ayant bénéficié d’un apprentissage visuel (par déambulation ou par carte) ont présenté une activation de la partie interne du lobe temporal droit dans une région intervenant dans le processus d’orientation, localisée entre l’hippocampe et le parahippocampe. En outre, le fait que les sujets qui n’ont eu à leur disposition qu’une description verbale de l’environnement ne présentent pas d’activation dans cette région, durant le déplacement mental, suggère que la partie interne du lobe temporal droit n’est mobilisée dans le rappel des représentations topographiques que lorsqu’un contact visuel a eu lieu avec l’environnement, et que le support neural de la représentation élaborée est donc fonction de la modalité d’apprentissage.

Dans la présente recherche, nous nous intéressons tout particulièrement au rôle de la MDT dans le traitement des informations visuo-spatiales. Aussi, un certain nombre de chercheurs se sont récemment penchés sur les propriétés fonctionnelles du calepin visuo-spatial, en tentant d’isoler et de spécifier les composantes de ce système.