1. Bases anatomo-fonctionnelles des modalités visuelle et haptique

1.1. La modalité visuelle

1.1.1. Le cheminement de l’information visuelle de la rétine au cortex visuel primaire

Les premières étapes du traitement de l’information visuelle se situent avant l’aire visuelle primaire (V1) du cortex cérébral. Aux stades les plus précoces, « l’architecture fonctionnelle visuelle est une image inversée du champ perceptif qui se trouve projetée sur la rétine » (Mellet, 2002, p. 403). La structure de la rétine réside dans la superposition de trois couches : les cellules réceptrices, les cellules bipolaires et les cellules ganglionnaires. Initialement, le traitement visuel se situe au niveau des cellules réceptrices, constituées des cônes, sensibles à la couleur et traitant la zone centrale du champ visuel, et des bâtonnets, qui recueillent l’information provenant du champ visuel périphérique. Les cônes et les bâtonnets convoient l’information visuelle aux cellules ganglionnaires, via les cellules bipolaires. Mellet (2002) précise « qu’à cette connectivité verticale se superpose une connectivité horizontale assurée par les cellules amacrines et les cellules horizontales » (p.404). La majorité des cellules ganglionnaires se répartissent dans deux classes distinctes : les cellules M, très sensibles au changement de contraste lumineux, et les cellules P, responsables de l’acuité et de la vision des couleurs. Les axones des cellules ganglionnaires convergent pour donner naissance au nerf optique. Les fibres issues du champ visuel temporal de chaque œil (correspondant au champ nasal sur la rétine) croisent au niveau du chiasma optique et constituent un tractus optique. Après le chiasma, l’information visuelle en provenance de l’hémichamp visuel gauche chemine donc dans le tractus optique droit, et vice versa.

Les tractus optiques droit et gauche se projettent sur trois structures : 1) le colliculus supérieur, impliqué dans le contrôle des mouvements oculaires, 2) le prétectum, intervenant dans le contrôle du diamètre pupillaire, et 3) le corps géniculé (ou genouillé) latéral (CGL) au sein duquel font relais environ 90 % des axones ganglionnaires. Cette dernière structure, thalamique, est l’ultime relais avant l’aire visuelle primaire (V1). A propos du CGL, Mellet (2002) ajoute qu’il « préserve une certaine topographie fonctionnelle : les axones issus des cellules ganglionnaires P se projettent sur les cellules des couches dites « parvocellulaires » sensibles au contraste coloré, les axones issus des neurones M se projettent sur les couches « magnocellulaires » sensibles au contraste de luminance. Ainsi, la ségrégation fonctionnelle entre des cellules M sensibles aux faibles contrastes de luminance, capables de suivre des changements rapides du stimulus, et des cellules P sensibles aux contrastes colorés et préservant la finesse de détails de l’image, est maintenue de la rétine jusqu’à l’aire visuelle primaire, premier relais cortical du traitement visuel » (p. 404). Comme nous le verrons ultérieurement, cette séparation fonctionnelle se retrouve bien en aval de l’aire primaire V1, donnant naissance aux voies corticales ventrale et dorsale spécialisées, respectivement, dans le traitement des aspects figuratifs (forme) et spatiaux (localisation) des scènes visuelles.