1.1.2. La spécialisation fonctionnelle du cortex visuel

Une fois l’information visuelle parvenue en V1, celle-ci va transiter dans d’autres aires, spécialisées dans l’intégration de propriétés spécifiques. Concernant V1, il a été démontré en TEP que cette aire (appelée également le cortex strié en raison de son aspect au microscope) possède une organisation rétinotopique : « à chaque point du cortex correspond un point du champ visuel » (Reppas, Dale, Sereno & Tootell, 1996, p. 54). La partie centrale du champ visuel est représentée sur la rétine dans une région appelée fovéa, elle-même représentée sur la partie postérieure de l’aire V1 dans la profondeur et sur les berges de la scissure calcarine (la scissure calcarine est un long repli, ou sulcus, assez rectiligne, qui part du pôle arrière et traverse le lobe occipital. L’aire V1 est logée dans ce repli, les autres aires visuelles se situant à proximité, en dessus et en dessous). Inversement, la rétine périphérique est représentée sur la portion la plus antérieure de V1. Autrement dit, en progressant de la fovéa vers la périphérie de la rétine (c’est-à-dire du champ visuel central vers le champ visuel périphérique), on progresse d’arrière en avant le long de la scissure calcarine.

Les autres aires pour lesquelles une telle organisation a été démontrée chez l’Homme sont dénommées V2v (voie ventrale), V2d (voie dorsale), V3, VP, V3A, V4 et V5. Plus une aire visuelle est éloignée de V1, moins son organisation rétinotopique est précise. De plus, le champ visuel central occupe une aire corticale beaucoup plus importante que le champ périphérique, expliquant la différence d’acuité entre la vision centrale et la vision périphérique.

Outre cette organisation rétinotopique des aires visuelles, la spécialisation fonctionnelle du cortex visuel a été mise en évidence. Ainsi, l’aire dédiée au traitement de la couleur a été localisée sur la face interne de la jonction temporo-occipitale. Mellet (2002) rapporte que pour certains auteurs, cette aire est l’homologue de la région V4 chez le singe, également sélective pour la couleur. D’autres auteurs ont repéré chez l’Homme une aire V4v qui ne serait pas sélective à la couleur, contrairement à une aire située en avant de V4v : l’aire V8 (son existence reste à confirmer). Mais « quelle que soit la dénomination, V4 ou V8, les auteurs s’accordent pour localiser cette aire fonctionnelle dans le sillon collatéral séparant le gyrus lingual du gyrus fusiforme, à la face interne et inférieure du cerveau, région dont la lésion est responsable de la perte de la vision colorée, dite "achromatopsie" » (Mellet, 2002, p.406). Située au carrefour temporo-pariéto-occipital sur la face latérale du cerveau, l’aire V5 est quant a elle responsable de la perception du déplacement. L’existence d’une aire V5A, satellite de V5, a été suggérée. Sa petite taille n’a pas permis, à l’heure actuelle, de caractériser ses propriétés rétinotopiques. L’ensemble V5 et V5A est parfois désigné sous l’appellation MT+ (aire médio-temporale). Chez l’homme comme chez le singe, cette aire participe à la détection des mouvements (Reppas et al., 1996). Les aires MT+, V3A et SPO (aire supérieure occipito-pariétale) sont toutes trois impliquées dans la perception des mouvements, mais n’assurent pas des fonctions similaires. Reppas et al. (1996) indiquent le rôle de ces aires, à partir d’un exemple : « Quand un objet bouge devant nos yeux, ou lorsque nous nous déplaçons, le système visuel doit accomplir deux opérations assez distinctes. La première consiste à calculer la vitesse et la direction de déplacement des traits locaux de l’image, comme les contours. Cette information n’est pas explicite ; le cerveau doit la calculer d’après la manière dont l’intensité lumineuse change avec le temps en chaque point de la rétine. […] les aires V3A et MT joueraient un rôle privilégié dans ce calcul. Contrairement à l’aire SPO, toutes deux répondent en effet avec une sensibilité extrême à des mouvements à peine visibles pour l’œil humain, ce qui suggère leur importance dans la détection des mouvements locaux. Pour tirer pleinement parti de l’information sur le mouvement, le cerveau doit effectuer une deuxième opération, qui consiste à extraire le mouvement global de l’image. Ce flux optique global fournit de nombreux indices sur la manière dont nous bougeons. Par exemple, une scène visuelle qui s’agrandit nous apprend que nous avançons, et le foyer de cette expansion indique la direction de nos pas » (p. 55).