2.1.1. La distinction « quoi » (what) et « où » (where) dans le traitement des informations visuo-spatiales

Il a été établi, d’abord chez le primate non humain, que le traitement de l’information visuelle pouvait emprunter deux grandes voies neuroanatomiques distinctes, selon les propriétés visuelles ou spatiales à extraire. La recherche de Ungerleider et Mishkin (1982) sur les lésions chez des singes rhésus a permis de distinguer deux voies corticales dans l’analyse spatiale. Ces auteurs ont observé qu’une lésion du cortex temporal crée des perturbations dans la reconnaissance visuelle d’objets, alors qu’une lésion pariétale occasionne des troubles dans l’organisation spatiale. Ainsi, Ungerleider et Mishkin (1982) ont mis en évidence l’existence de deux voies, l’une ventrale, qui chemine le long d’un axe occipito-temporal (elle projette de V1 vers V2, V3, V4 et la partie postérieure de l’aire temporale inférieure, jusqu’au cortex temporal inférieur), l’autre dorsale, comprenant des régions situées sur un axe occipito-pariétal (elle projette de V1 vers V2, V3, l’aire médio-temporale et l’aire temporale supérieure, jusqu’au cortex pariétal postérieur). La voie ventrale est donc spécialisée dans le traitement de la forme, et plus largement des caractéristiques figuratives des objets et des visages. Elle répond à la question « quoi ? » (« what ? ») ou « qui ? » (« who ? »). La voie dorsale est engagée dans la localisation des objets et l’analyse des attributs spatiaux des scènes perçues. Elle répond à la question « où ? » (« where ? »). Haxbi, Grady, Horwitz, Ungerleider, Mishkin, Carson, Herscovitch, Schapiro et Rappoport (1991) ont par la suite confirmé, avec la TEP, cette dichotomie chez l’Homme. Ils ont montré que, durant le traitement des visages, les activations se répartissent sur un axe occipito-temporal, jusqu’au gyrus temporal inférieur et fusiforme. En revanche, durant la localisation d’un point, le débit sanguin augmente dans des régions occipito-pariétales s’étendant jusqu’au lobule pariétal supérieur. Aguirre et D’Esposito (1997) ont mené une étude en IRMf pour tester les différences entre les systèmes « quoi » et « où » dans l’apprentissage d’un environnement. Après avoir appris un environnement virtuel, les sujets devaient répondre à des questions concernant l’apparence ou les relations spatiales (position) relatifs à l’environnement. Pour les questions portant sur les aspects figuratifs (apparence) de l’environnement, les sujets devaient dire si le mot présenté correspondait ou non à l’image de la partie de la scène visuelle qu’ils avaient explorée. Pour les questions portant sur la localisation spatiale, l’expérimentateur donnait au sujet une image et le nom de l’endroit qu’elle représentait, puis le nom d’un autre endroit de l’environnement. Le sujet devait indiquer la direction pour rejoindre le nouvel endroit. Les résultats montraient que les patterns d’activation pour chacune des tâches se situaient au niveau des voies ventrale et dorsale pour les questions portant sur l’apparence et la position, respectivement. L’étude de Zeki et Shipp (1988) a révélé cependant que ces deux voies convergeraient dans une aire des structures postérieures des lobes pariétaux, qui supporterait le stockage en MDT des représentations visuo-spatiales (Stein, 1992). Cela explique pourquoi les processus perceptifs peuvent emprunter des voies parallèles séparées, mais le fait qu’ils aient une destination commune dans le cortex est cohérent avec le fait que les représentations contiennent à la fois les propriétés de forme et de localisation.