1.1.2. L’imagerie mentale et la perception visuelles : des bases neurales communes

De nombreux éléments comportementaux, issus de la psychologie expérimentale, suggèrent que l’imagerie mentale et la perception visuelles partagent un certain nombre de propriétés et qu’elles mobilisent donc des processus neurocognitifs communs. Cette proximité se traduit par la mise en jeu de structures cérébrales communes à l’imagerie et à la perception. En particulier, la dichotomie, décrite en perception visuelle, entre les deux grandes voies fonctionnelles de traitement de l’information, est également valide dans le domaine de l’imagerie mentale. Plusieurs études en TEP ont en effet démontré que la voie dorsale (« où ? ») pouvait être mise en jeu en l’absence de toute entrée visuelle, lors de tâches spatiales effectuées sur des images mentales. Mellet (2002) rapporte une de ses expériences (Mellet et al., 1995), dans laquelle il était montré que l’exploration mentale d’une carte visuellement apprise provoque une activation du gyrus occipital supérieur droit et du sillon intrapariétal gauche, s’étendant jusqu’au précunéus, à la face interne du lobe pariétal. L’imagerie cérébrale fonctionnelle a ainsi permis de montrer que la voie anatomo-fonctionnelle occipito-pariétale, spécialisée dans le traitement perceptif de l’information visuo-spatiale, intervient également dans les aspects spatiaux de l’imagerie mentale. De la même façon, la voie ventrale occipito-temporale, qui joue un rôle majeur dans l’identification des objets (« quoi ? ») ou des visages (« qui ? »), est également impliquée lorsque ces objets sont évoqués sous la forme d’une image mentale. O’Craven et Kanwisher (2000) ont ainsi rapporté que, comme pour la perception, l’aire fusiforme du visage (fusiform face area, ou FFA) est activée durant l’imagerie mentale de visages tandis que l’aire parahippocampique des lieux (parahippocampal place area, ou PPA) l’est pendant l’imagerie mentale des lieux. Les régions de la voie ventrale, nécessaires à l’identification des informations visuelles, sont donc aussi engagées dans l’imagerie mentale, en dehors de toute entrée perceptive.

Ainsi, la dichotomie anatomo-fonctionnelle entre la voie dorsale et la voie ventrale, selon la nature spatiale ou figurative de la tâche d’imagerie mentale, se superpose à celle mise en évidence dans le domaine de la perception visuelle. Cette communauté de structure matérialise les analogies entre la perception visuelle et l’imagerie mentale observées en psychologie cognitive. D’autres recherches (Farah, 1984, 1988 ; Kosslyn, 1980, 1987, 1994) suggèrent que l’activité d’imagerie fait appel à des mécanismes normalement dédiés à la perception visuelle, en soutenant l’idée que le buffer visuel serait le support commun de l’entrée (input : le percept) et de la sortie (output : l’image mentale).

En outre, concernant la perception et l’imagerie visuelles, Mellet (2002) souligne que « le sens du flux d’information est […] opposé pour ces deux activités : des aires visuelles primaires vers les aires visuelles associatives, puis vers les aires intégratives (pariétales et frontales entre autres) pour le traitement perceptif ; des aires intégratives vers les aires visuelles associatives pour l’imagerie mentale. Le traitement est dit bottum-up en anglais (« de bas en haut ») pour la perception et top-down (« de haut en bas ») pour l’imagerie mentale » (pp. 423-424). Il soulève la question de savoir jusqu’où descend le traitement top-down nécessaire à la génération des images mentales : jusqu’aux aires visuelles associatives ou jusqu’à l’aire visuelle primaire (V1) ?