1.1.2. Résultats

Dans la mesure où dans le cadre de cette recherche nous nous centrons sur l’émergence du PEC, nous avons distingué deux cas concernant le type de stratégie d’exécution utilisé par les enfants dans chacune des conditions expérimentales : le recours au PEC ou l’adoption d’un autre procédé d’exécution. Les résultats sont indiqués dans le tableau de fréquences qui suit. Il est apparu que, quelle que soit la condition expérimentale, le PEC est la stratégie d’exécution à laquelle ont recours de manière privilégiée les enfants. En effet, ce mode d’organisation est adopté par au minimum 53% des enfants, et s’avère même exclusif dans certaines situations expérimentales. Les procédés d’exécution non centripètes adoptés par les enfants figurent en annexe 1.

Tableau 4 : Répartition des enfants suivant la stratégie d’exécution adoptée, pour chaque groupe d’âge, modèle-test et condition de tracé (V=visuelle ; VM=visuo-manuelle ; H=haptique ; A=en aveugle).
    Exploration visuelle Exploration haptique
    6 ans 8 ans 6 ans 8 ans
    PEC Autre PEC Autre PEC Autre PEC Autre
Exéc.
V
M1 14 1 15 0 11 4 13 2
M2 15 0 14 1 10 5 12 3
Exéc.
VM
M1 14 1 14 1 11 4 13 2
M2 13 2 13 2 12 3 11 4
Exéc.
H
M1 11 4 11 4 9 6 11 4
M2 10 5 11 4 8 7 10 6
Exéc.
A
M1 10 5 11 4 9 6 9 6
M2 10 5 12 3 9 6 10 5

Afin de déterminer si la stratégie d’exécution (S : PEC/autre) est liée à la modalité perceptive d’exploration (E), aux contraintes visuo-motrices de tracé (T), au modèle-test (M) ou/et à l’âge (A), nous avons procédé à l’analyse log-linéaire des données (pour un descriptif détaillé de cette technique, cf. Howell, 1998). Cette analyse permet l’examen de mesures de fréquences (effectifs), portant donc sur une échelle non continue (discrète). Tout comme l’analyse de la variance, elle permet également de tester les effets des interactions entre les différents facteurs expérimentaux (le principe général de cette technique résidant dans la transformation d’un modèle mathématique multiplicatif en un modèle additif s’apparentant au modèle de l’analyse de la variance, par le biais de la fonction logarithmique). Elle requiert néanmoins l’indépendance des données (raison supplémentaire pour laquelle les modèles M1 et M2 n’ont pu être reproduits par les mêmes sujets).

Les tests d’interactions simultanément nulles ont d’abord permis de montrer que les seuls effets principaux étaient insuffisants pour expliquer le schéma de fréquences observées, le modèle le mieux ajusté au tableau de fréquences comportant une ou plusieurs interactions à deux dimensions (2(18)=29,07 ; p<.05).

Ensuite, les tests d’association marginale et partielle (nous nous limiterons ici aux tests d’association partielle, plus précis) ont indiqué que, outre la fait que le facteur principal S contribue significativement à l’explication du schéma de fréquences (2(1)=129,60 ; p<.00001), témoignant de la dominance du PEC (le rapport de chances en faveur de l’utilisation de cette stratégie d’exécution comparativement au recours à un autre procédé d’exécution est de 376/104=3,62), les interactions SE (2(1)=9,78 ; p<.01) et ST (2(3)=21,03 ; p<.001) participent également à l’explication du tableau des effectifs. Le modèle le mieux ajusté au schéma de fréquences comporte donc les termes S, SE et ST. Par conséquent, le meilleur modèle est SE, ST (2(54)=11,45 ; p=1, avec ∆=0,5 en raison des faibles effectifs observés dans certaines conditions expérimentales). Nous pouvons en déduire qu’à la fois la modalité perceptive d’exploration des stimuli et les contraintes visuo-motrices de tracé ont un effet significatif sur le PEC. Ce dernier s’avére plus prégnant en exploration visuelle qu’en exploration haptique (le rapport de chances est de 198/168=1,18). De plus, la fréquence d’usage du PEC est significativement plus élevée en conditions d’exécutions visuelle et visuo-manuelle qu’en conditions de tracé haptique (on relève respectivement 2(1)=12,48 ; p<.001 et 2(1)=9,09 ; p<.01) et d’exécution en aveugle (2(1)=13,42 ; p<.001 et 2(1)=9,91 ; p<.01). Ainsi, les contraintes visuo-motrices de tracé conditionnent également l’émergence du PEC. En revanche, l’effet de l’âge n’est pas significatif, le PEC s’avèrant stable entre 6 et 8 ans. De même, le modèle ne semble aucunement déterminer l’émergence du PEC. Les positions relatives des différentes formes élémentaires ne conditionnent donc pas l’organisation du tracé des dessins, l’ordre d’exécution des figures géométriques simples privilégié par les enfants suivant une progression centripète. Ainsi, la stratégie d’exécution préférentiellement adoptée par les enfants n’est pas liée à la difficulté de tracé des formes élémentaires constituant chacun des dessins-tests. La position au sein du dessin du cercle, du rectangle, du triangle et du losange, que l’enfant est capable de tracer respectivement à partir de trois, quatre, cinq et sept ans (Henry, 2001 ; Broderick & Laszlo, 1987) ne constitue pas un élément intervenant dans le choix de l’ordre d’exécution des formes élémentaires (aucun enfant n’a eu recours au mode d’organisation de l’exécution correspondant à l’ordre d’acquisition génétique des figures géométriques élémentaires).