1.4. Discussion générale

Ces trois premières expériences ont permis de mettre en évidence la nature des processus sous-jacents à l’émergence du PEC dans la copie et la résolution du problème de coordination d’informations locales, ainsi que l’évolution de ces mécanismes au cours du développement.

Dans la tâche de copie, l’adoption du PEC serait liée à l’appréhension perceptive des stimuli. Les mécanismes sous-jacents à l’émergence du PEC seraient donc essentiellement sensoriels, ce qui expliquerait l’usage massif de cette stratégie d’exécution dès 6 ans et sa stabilité au cours du développement (expériences 1 et 2) et sa prégnance en dépit de capacités attentionnelles réduites (expérience 3).

La mise en œuvre du PEC dans la résolution du problème de coordination d’informations locales mettrait quant à elle en jeu une activité inférentielle, visant à établir les positions relatives des formes élémentaires constitutives des dessins-cibles. Alors que nous avons émis l’hypothèse selon laquelle la coordination des données issues des deux images présentées implique une capacité de maintien en mémoire des informations visuo-spatiales, les résultats de l’expérience 3 suggèrent que l’activité inférentielle sur laquelle se fonde la tâche n’implique pas la construction de représentations unifiées ou globales des dessins-cibles. En effet, l’absence de différence significative quant à la mise en œuvre du PEC entre les enfants présentant un THADA et ceux sans trouble attentionnel est en faveur de l’idée selon laquelle l’adoption de la stratégie de l’exécution centripète dans la résolution du problème de coordination d’informations locales n’est pas liée à la capacité de rétention des informations encodées. Aussi, l’augmentation de la fréquence d’usage du PEC entre 6 et 10 ans (expérience 2) dans cette même tâche s’expliquerait ici non pas par l’accroissement de la capacité de maintien en mémoire des informations (Case, 1985 ; Gallina, 1998 ; Pascual-Leone, 2000 ; Siegler, 2001), mais avant tout par une évolution relative à la planification de l’action, définie sur la base d’inférences spatiales.

Cependant, si la résolution du problème de coordination d’informations locales n’apparaît pas dépendre de la capacité de construction de représentations globales ou de « modèles spatiaux » (Blanc & Tapiero, 2000 ; Johnson-Laird, 1983 ; Kulhavy, Stock, Verdi, Rittschoff & Savenye, 1993 ; Perrig & Kintsch, 1985 ; Van Dijk & Kintsch, 1983) des dessins-cibles, c’est sans doute parce que la tâche contient un nombre restreint de données et d’inférences. Une seule inférence est ici suffisante, puisque chacune des deux images d’un même item contient trois des quatre formes géométriques élémentaires du dessin-cible, la forme géométrique manquante figurant sur l’autre image, ce qui permet à l’enfant de déduire sans difficulté les positions relatives des figures géométriques simples, et n’incite donc pas la construction de représentaions globales des dessins-cibles. L’augmentation de la quantité d’informations à encoder (nombres de formes élémentaires constitutives des dessins-cibles) et/ou du nombre d’inférences (augmentation du nombre de formes élémentaires manquantes dans chacune des images devant être coordonnées et/ou du nombre de ces dernières), autrement dit de la charge de travail en mémoire, pourrait permettre de mettre en évidence une relation (corrélation) entre le nombre d’observations du PEC et la capacité de maintien en mémoire des informations (nombre d’items correctement rappelés). Dès lors, la mise en œuvre du PEC ne pourrait s’appuyer sur la déduction des positions relatives des formes élémentaires sur la base d’indices perceptifs (par simple comparaison des images), mais requièrerait l’élaboration de représentations unifiées des dessins-cibles, englobant l’ensemble des propriétés de ces derniers.