2.3. Discussion générale

Les résultats des expériences 4 et 5 suggèrent que les enfants seraient sensibles aux irrégularités visuelles des formes géométriques simples constitutives des dessins explorés, lorsque ces dernières sont associées à des variations relatives à la saillance perceptive des différentes parties des stimuli. En effet, seules les irrégularités visuelles induites par la plus forte prégnance visuelle (accentuation de la saillance) de l’une des formes simples à l’intérieur d’un stimulus (expérience 4) s’avère avoir un effet sur l’organisation de l’exécution des dessins (émergence du PEC), alors que lorsque la saillance visuelle des figures élémentaires est maintenue constante, les irrégularités visuelles distinctives de forme et de couleur (expérience 5) ne conditionnent pas le procédé d’exécution des dessins. Une première interprétation pouvant expliquer l’effet perturbateur de la saillance visuelle sur le PEC serait que celle-ci détermine le mode d’appréhension perceptive des stimuli (et l’organisation de l’exécution qui en découle), le sujet étant susceptible de focaliser son attention sur l’information locale la plus prégnante visuellement. Or l’usage du PEC serait lié à un traitement holistique des stimuli découlant de l’association ou de la combinaison des caractéristiques d’ensemble des dessins explorés, qui donnerait naissance à une propriété émergente conduisant les sujets à appréhender les stimuli de façon cohésive (comme des touts indivisibles). L’apparition de cette propriété émergente dépendrait du caractère homogène des différentes parties constitutives des stimuli. Celle-ci résisterait à des irrégularités visuelles de faible intensité, c’est-à-dire à des variations dimensionnelles (telles que la forme et la couleur) n’induisant pas une différenciation ou une gradation de la valeur perceptive des informations locales. En revanche, elle serait sensible à des irrégularités dimensionnelles de plus forte amplitude telle que la saillance visuelle, à l’origine d’une discrimination des éléments constitutifs des stimuli en fonction de leur prégnance, les parties les plus saillantes ayant un « poids perceptif » plus élevé que les parties moins saillantes, qui pourrait alors entraîner une hiérarchisation dans le traitement des informations. Ainsi, les variations de saillance visuelle seraient enclines à induire un traitement analytique (séquentiel) des informations. L’adoption privilégiée du PEC reflèterait donc l’existence d’une propriété émergente déterminée à la fois par les propriétés spatiales, configurationnelles (un emboîtement de formes élémentaires) et visuelles (caractéristiques perceptives des formes élémentaires) des stimuli.

En outre, la disparition dans l’expérience 5 de l’effet de l’âge observé dans l’expérience 4 pourrait être due à une reconnaissance ou une discrimination perceptive plus aisée des formes géométriques élémentaires dans l’expérience 4, en raison de la mise en couleur de ces formes simples et de la suppression de points de tangence entre certaines d’entre elles. Dès lors, l’extraction perceptive des différentes parties des dessins mobiliserait de façon moindre les capacités attentionnelles des enfants (les formes élémentaires pouvant être encodées de manière automatique), qui pourraient ainsi appréhender les stimuli dans leur globalité (traitement holistique) au lieu de devoir se concentrer sur les différentes parties de chacun d’eux afin de recomposer une totalité (traitement analytique).