2.1. Rôle du codage verbal dans la reproduction de dessins complexes (expérience 7)

Cette expérience, conduite auprès d’enfants de 7, 9 et 10 ans invités à effectuer un tâche de copie ou de rappel d’une série de dessins complexes composés de formes élémentaires emboîtées, vise à répondre aux questions suivantes :

  1. Le codage verbal facilite-t-il le maintien en mémoire (MDT) des informations visuo-spatiales, et de quelle façon au cours du développement ?
  2. Les processus en jeu dans l’adoption d’une organisation de l’exécution des dessins suivant un mode centripète sont-il de même nature dans les tâches de copie et de rappel ? Quelle est l’impact de la mobilisation du système mnésique ou représentationnel sur l’organisation de l’exécution des dessins ? Quelle est en outre l’influence, au cours du développement, du recours possible au codage verbal sur l’utilisation d’un procédé d’exécution selon une organisation centripète, dans chacune de ces deux épreuves ?

Les hypothèses que nous émettons en lien avec chacune de ces questions sont :

  1. Le recours à un « double codage » (Paivio, 1986), imagé et verbal, est susceptible de faciliter le rappel des informations visuo-spatiales. En particulier, le processus d’autorépétition de la boucle phonologique (Baddeley, 1986, 1992 ; Baddeley & Hitch, 1974) permettrait d’améliorer ou de renforcer le maintien en MDT des données encodées. Toutefois, nous prédisons que l’effet facilitateur du double codage sur le rappel des dessins sera variable suivant l’âge des enfants (interaction âgecodage), dans la mesure où la stratégie de codage verbal des informations visuo-spatiales s’accroît au cours du développement, les jeunes enfants (avant 7-8 ans) privilégiant le codage visuel, tandis que les enfants plus âgés et les adultes recourent préférentiellement au codage verbal (Bailleux & al., 2000 ; De Ribeaupierre & al., 2000 ; Fenner & al., 2000 ; Hitch & al., 1988, 1989 ; Miles & al., 1996 ; Pelizzon & al., 1999).
  2. L’utilisation d’un mode d’organisation centripète de l’exécution pourrait être sous-tendue par des mécanismes différents selon la tâche effectuée : elle reflèterait avant tout le mode d’appréhension perceptive des stimuli explorés en situation de copie, alors qu’en situation de rappel, elle assurerait une fonction de maintien en mémoire des informations encodées et d’élaboration de représentations unifiées des dessins intégrant l’ensemble des données relatives aux stimuli explorés. Seule la reproduction de mémoire nécessiterait donc un travail d’intégration en mémoire des propriétés visuo-spatiales, en vue de l’élaboration d’une stratégie d’exécution organisée (et donc efficace) favorisant le rappel des dessins. L’utilisation d’une organisation de l’exécution suivant un mode centripète résulterait alors de mécanismes ayant trait au système représentationnel, relatifs à l’intégration en mémoire des informations visuo-spatiales et à l’opération de planification de l’action résidant dans l’établissement de règles d’exécution, définies à partir des caractéristiques des dessins. Nous nous appuierons sur la méthode du fractionnement développemental déjà exposée (cf. expérience 2) afin de déterminer si les deux tâches mettent en jeu des mécanismes de nature différente. Si tel est le cas, alors nous devrions constater une évolution différente au cours du développement selon la tâche (interaction âgetâche significative) quant à la fréquence d’usage d’un procédé d’exécution suivant un mode d’organisation centripète. De plus, nous formulons l’hypothèse que le recours au double codage, verbal et imagé, serait propice à la mise en œuvre d’une stratégie d’exécution selon une organisation centripète dans le rappel des dessins. En favorisant le maintien en mémoire des informations visuo-spatiales, le double codage renforcerait la stabilité des représentations élaborées, et faciliterait ainsi le travail de planification de l’action, ce dernier s’appuyant sur les propriétés d’ensemble des dessins stockées en mémoire, qui déterminent la stratégie d’exécution adoptée. Le recours à un double codage étant par ailleurs conditionné par l’âge des enfants, nous prédisons par conséquent une triple interaction âgetâchecodage significative.