1.2.1 Le PEB et le modèle économique élargi de la bibliothèque
Jean-Michel Salaün 65 a représenté l’élargissement du modèle bibliothéconomique avec un schéma représenté par la figure 4. Il confronte les bibliothèques à l’économie de la collectivité et à l’économie du document et par ce fait, à celle de sa circulation. Dans cette articulation, les éditeurs jouent le rôle de fournisseurs. Ce sont eux qui alimentent les collections des bibliothèques.
La croissance des activités dans les services de PEB, particulièrement celle les activités de FDD constitue un point de tension dans cette articulation et place les bibliothèques en concurrentes des éditeurs. En effet, avec le papier, le modèle de vente est lié à l’abonnement ou à l’achat, une formule forfaitaire pour des usages que les éditeurs ne sont pas en mesure de contrôler une fois que le périodique intègre la collection de la bibliothèque 67 .
En fournissant aux bibliothèques, par le biais des abonnements, des titres de périodiques, les éditeurs commerciaux fournissent les articles de périodiques qui alimentent les activités de FDD dans les services de PEB. Les éditeurs participent donc implicitement à une ‘« dynamique économique de circulation des articles ’» 68 , organisée par les bibliothèques. Or, cette circulation de documents, parallèle à celle des éditeurs, leur échappe. Dès les années 1960, ils en prennent conscience et dénoncent cette ‘« usurpation économique ’». L’augmentation des coûts des abonnements de périodiques et de façon moins sensible celle des ouvrages, a rapidement suivi comme le souligne John St Aubyn :
‘« Photocopying started in the mid-1950s shortly after the 1956 Copyright Act came into force, but it was not until the late 1960s that journal publishers began to see a connection between falling subscriptions and photocopying » 69 .Traduction : « La photocopie a débuté dans les années 1950, peu après la définition du Copyright, en 1956. Cependant, ce n’est qu’à la fin des années 1960 que les éditeurs ont fait le lien entre le phénomène de la photocopie et les désabonnements » (traduction personnelle).’
Les éditeurs scientifiques commerciaux mesurent le manque à gagner dont ils se disent déficitaires à l’aune du ‘« marché de la fourniture de documents ’». Dans le déroulement de ce raisonnement, les bibliothèques jouent un rôle important. Elles sont introduites dans une économie d’accès parallèle, et par conséquent, concurrente à celle des éditeurs. L’augmentation régulière et croissante des tarifs des périodiques est censée justifier les pertes des éditeurs. Elle a pour conséquence d’agir sur les budgets des bibliothèques qui se désabonnent, réduisant encore les marges bénéficiaires des éditeurs. C’est ce qui a été désigné comme la spirale infernale par Jean-Michel Salaün 70 . Toutefois, si les éditeurs ont renoncé à un contrôle de cette économie parallèle de la circulation des documents, ils prennent toutes les précautions pour que cela ne se reproduise pas avec l’électronique 71 .
Nous préciserons à cet effet que notre raisonnement suit l’évolution d’une circulation de documents scientifiques et lui associe par nécessité l’évolution de son modèle éditorial. Nous serons donc conduits à axer notre raisonnement sur la fourniture d’articles scientifiques. De plus, l’évolution du modèle éditorial de l’article scientifique connaissant une reconfiguration sans précédent, il sera au centre de nos préoccupations.