1.4.2.2 Un deuxième pôle de fourniture : l’INIST

L’INIST est le fournisseur et le recours le plus connu et le plus utilisé par les BU et les chercheurs français des milieux universitaire et industriel. Avec plus de 750.000 demandes de fourniture reçues par an, l’INIST s’impose comme le deuxième pôle de fourniture de documents après le réseau des BU. Il est le résultat de la fusion en 1988 des centres de documentation du CNRS – (Centre National de la Recherche Scientifique) dépendant du ministère de la recherche et de la technologie. L’INIST est également producteur des bases de données PASCAL pour les sciences et la santé et de la base de données FRANCIS pour les sciences humaines et sociales.

L’INIST est un fournisseur principal pour les bibliothèques scientifiques et médicales. Pour ces dernières, une étude scientométrique démontre que les fonds de l’INIST sont utilisés de la même façon que les fonds d’une bibliothèque de recherche 138  : la demande s’oriente en grande partie vers un nombre réduit de titres de périodiques.

Le fournisseur français de documents, perçu à ses débuts par les auteurs d’Outre-manche comme une création française 139 , trouve quelques années plus tard sa place internationale aux côtés du BLDSC – avec qui il est souvent comparé - et est considéré comme un important fournisseur de documents 140 . Du côté français, on s’est parfois interrogé 141 sur la possible coexistence en Europe de deux fournisseurs comme l’INIST et le BLDSC.

Pour le fournisseur français de documents, la maîtrise des délais de fourniture est une donnée prioritaire 142 . Ceci a largement contribué à faire de lui un des principaux fournisseurs des bibliothèques STM. Cet acteur incontournable du réseau français a été perçu par la majorité de nos interlocuteurs comme un partenaire documentaire et économique.

‘« Il y a des accords entre l’INIST et certaines BU, pour la suppression des périodiques, il y a concertation avant tout désabonnement de l’une des deux parties. C’est aussi d’ailleurs, un bon client » CA Sci.1. ’ ‘« l’INIST - avec qui nous avons signé une convention pour être une bibliothèque de recours - nous complète pour un nombre de plus en plus important de revues. l’INIST qui se désabonne des revues peu utilisés, se concerte avec notre service des périodiques pour ne pas se désabonner aux mêmes revues. Tous les ans la convention est revue et ils joignent une liste de titres sur lesquels ils peuvent s’appuyer chez nous. Pour notre part également bien que nous sommes très peu demandeurs, cependant il est notre principal fournisseur » CA Méd. 1’ ‘« Quand il ne possède pas la revue ou l’article il demande à ses bibliothèques de recours et tout aussi bien à l’Angleterre, et cela revient moins cher au lecteur car l’INIST à ce moment-là facture ses propres tarifs et non ceux du fournisseur britannique » Shs 1’ ‘« L’INIST est notre fournisseur pour tout ce qui est Congrès, parce que c’est plus difficile à localiser et qu’ils sont très riches, de plus quand on n’a pas besoin de demander à la British Library, ils demandent pour nous, ils font pour nous le travail tout en nous faisant leurs tarifs et non ceux de la BLDSC, c’est formidable. » Sci.1’ ‘« L’INIST nous utilise au même titre que nous l’utilisons nous-même, chacun y trouve son compte » Méd.1’

Pour cette raison, ce fournisseur, qui a la même place qu’une bibliothèque CADIST dans le réseau universitaire demeure néanmoins, un fournisseur de dernier recours :

‘« l’INIST est une bibliothèque de dernier recours au même titre que les CADIST, on utilise avant tout le réseau des bibliothèques universitaires dans le premier temps. Tout à la fin ce sont les bibliothèques de recours européennes, tel que le BLDSC. » Méd.1’

Les bibliothécaires apprécient la qualité des services de l’INIST qu’ils estiment être complémentaires aux leurs. D’autant plus que l’automatisation des opérations de fourniture, les moyens et le personnel dont dispose l’INIST 143 , permettent d’absorber un accroissement de la demande sans rencontrer les mêmes difficultés que celles des BU.

Pourtant, certaines opinions tendent à présenter l’INIST comme un concurrent des BU. Ce raisonnement que nous avons voulu creuser pour en comprendre les motivations, semble s’être construit sur la base d’une confrontation faite entre une logique publique de la bibliothèque qui la rend dépendante d’une politique ministérielle prudente voire hésitante face aux changements apportés par l’économie de l’électronique d’une part, et une logique considérée comme commerciale de l’INIST, qui justement veut être acteur et partie prenante dans cette nouvelle économie, développant pour ce faire des services et des compétences lui permettant de s’adresser à l’usager directement.

‘« Il y a la concurrence de l’INIST. Au niveau des laboratoires et du privé, ils font beaucoup de publicité, et c’est la facilité pour ces laboratoires parce qu’ils s’adressent à un seul fournisseur, ils ne se déplacent même pas à la BU. Je vais même jusqu’à dire que nous avons moins de demandes de pays tels que la Belgique, l’INIST qui fournit aux pays européens frontaliers nous prend aussi ces clientèles » CA Sci.1’ ‘« Ils ont une politique agressive, cela va nous apporter de l’ombre, tous les laboratoires CNRS ne passent plus par nous et en plus ils ont baissé les prix dernièrement. Ils nous font de la concurrence. Ils sont en train de s’ériger en BLDSC français.» Méd. 5’

On ajoute néanmoins que :

‘« C’est un maillon essentiel du réseau des BU, à présent » CA Sci.1’

L’INIST a saisi les enjeux du marché de l’information scientifique et a fait le choix de devenir un intermédiaire 144 , un ‘« agregator ’», selon l’appellation anglo-saxonne. Aujourd’hui le fonds de l’INIST est effectivement en cours de numérisation, et constitue aux dires des professionnels des bibliothèques ‘« un trésor de guerre ’» :

‘« Le trésor de guerre de l’INIST est d’avoir numérisé un certain nombre de titres sur un certain nombre d’années, ce sont des titres dont les éditeurs ne disposent pas sous forme électronique. » Méd.1’

Avec le portail ConnectSciences 145 que l’INIST a développé, son service ‘« Article@Inist ’» qui permet d’accéder à son catalogue et le système Ariel qui permet la livraison des documents, le fournisseur de documents se place dans les recours (en sciences, médecine, pharmacie) les plus dynamiques et réactifs du réseau français. Il peut donc à présent passer à un service complet de signalisation, de localisation et de fourniture électronique de documents dans le respect des droits d’auteur. Les laboratoires CNRS, sur lesquels il se recentre dans sa nouvelle politique avec des tarifs préférentiels (40% de réduction) en sont les premiers bénéficiaires. La même démarche est entreprise dans les unités de recherche non-CNRS. Il représente un véritable outil de valorisation de la recherche française 146 .

Un rôle moins marqué pour les SHS et le DSEG

Nous avons vu l’importance du fournisseur pour les bibliothèques des sections santé et sciences, son rôle de partenaire, ses capacités d’acteur dans le réseau qui ont pu lui valoir l’adjectif de concurrent. Comparé aux sections STM, l’INIST a un rôle de fournisseur moins important pour les BU de sections LSHS et DSEG. Cela s’explique par le fait que les fonds de l’INIST sont moins étoffés dans ces domaines que dans les sciences, la médecine ou la pharmacie. Les SHS et DSEG constituent 27% des fonds de l’INIST 147 .

‘« L’INIST n’est pas un grand fournisseur pour nous, il n’est même qu’un fournisseur occasionnel, c’est plutôt lui qui a recours à nous en tant que fournisseurs. » CA Shs3 ’ ‘« Vous savez, l’INIST est certainement un bon fournisseur pour les BU scientifiques et médicales, mais il reste un fournisseur accessoire pour les BU de SHS, nous continuons à nous approvisionner entre nous, chez les BM et à l’étranger, à cet effet le BLDSC est d’ailleurs beaucoup plus riche que l’INIST. Je pense d’ailleurs qu’il y a une volonté du CNRS de faire de l’INIST un fournisseur pour les sciences et la médecine.». Shs2’

Un des objectifs du fournisseur de documents est d’enrichir ses fonds SHS afin de conquérir cette partie du réseau. Les ressources numériques que le fournisseur de documents intègre dans ses fonds répondent à cette ambition.

Notes
138.

- Salaün, Jean-Michel, Lafouge, Thierry, Boukacem, Chérifa. – « How far does demand for scientific articles reflect development in electronic publishing ? An example from the Institut de l’Information Scientifique et Technique (France) », in : Scientometrics, 2000, vol. 47, n°3, pp.561-588

139.

- Barwick Margaret.- « Interlending and document suply : A review of recent literature : XXV », In : Interlending and document supply, 1994, n°1, pp.25-35

140.

- Gould, Sara.- « Interlending and document suply : A review of recent literature : XXXII », In : Interlending and document supply, 1997, n°1, pp.27-35

141.

- Lapèlerie, François. – « Le prêt entre bibliothèques universitaires scientifiques existe-t-il ? », in : Bulletin des Bibliothèques de France, t.41, n°4, 1996, pp.56-72

142.

- Rasolo, Magali.- « L’Institut de l’Information Scientifique et Technique à l’ère de la qualité », in : Bulletin des Bibliothèques de France, 1997, n°1, pp.39-41

143.

- Bequet, Gaëlle, dans : Arot, Dominique.- Les bibliothèques en France : 1991 - 1997.- Paris : Editions du cercle de la librairie, 1998. - 315 p.

144.

- Lupovici, Christian. – « Les bibliothèques et le défi de l’édition électronique », in : Bulletin des Bibliothèques de France, n°1, 1996, pp. 26 -31

146.

- Shöpfel, Joachim. – « A representation of efficiency : INIST-CNRS at Nancy, France », in : Interlending and Document Supply, 2003, vol.. 31, n°2, pp. 94 - 103.

147.

- Idem.