1.2.1 Achat temporaire ou achat permanent ?

La mobilisation des BU pour constituer des collections en commun met en évidence l’économie du temps, qui trouve donc toute sa pertinence pour l’usager :

‘« Repérer rapidement et facilement les documents utiles est hautement appréciable pour lui. La valeur ajoutée par la mise en collection est ainsi le temps gagné et l’efficacité supplémentaire que lui procure le document pertinent trouvé. Pour un lecteur en situation de travail, cette économie peut se mesurer à l’aune de la valeur de son travail » 149 .’

Dans le cadre de cette économie de la collection, les activités de PEB et de FDD contribuent à la politique globale de développement des collections mais ne constituent en aucun cas un substitutif. Or, les coûts élevés de la documentation ont conduit les professionnels des bibliothèques à interpréter les demandes faites par les usagers sous un angle économique.

C’est le coût de l’usage ou du non-usage du document qui oriente la politique documentaire de la bibliothèque. On opte soit pour l’acquisition du document (juste au cas où et donc mobilisation de l’économie de l’assurance) soit pour son accès (juste à temps et donc mobilisation de l’économie d’opportunité ou du temps). Faire un choix entre ces deux options, c’est positionner la bibliothèque dans une logique de conservation ou dans une logique de diffusion. Mais en définitif, c’est le calcul ou l’évaluation des coûts de l’une et l’autre des deux options qui dicte la décision à prendre.

Herbert S. White 150 , à l’origine du concept ‘« temporary and permanent acquisitions ’ » traduit et proposé en titre de cette sous-partie, alertait déjà dans les années 1980 le milieu des bibliothèques sur l’ampleur prise par cette dialectique. Or, la pratique est devenue courante dans les bibliothèques anglo-saxonnes et s’est imposée dans les mœurs des professionnels. Le contexte économique de la documentation scientifique donne à cette pratique une légitimité aux yeux des professionnels des bibliothèques :

‘« Le prêt entre bibliothèques devient la seule manière d’obtenir des documents que la bibliothèque ne possède pas et pour lesquels la faible demande n’exige pas d’acquisition. En ce sens, le prêt entre bibliothèques et la fourniture de documents peuvent, et devraient, être considérés comme l’un des aspects d’une politique d’acquisition » 151 .’

Des voix 152 se sont élevées pour contester un choix ‘« trop simple ’» et trouver plutôt l’équilibre entre les deux options, mais les activités des services du PEB sont parfois devenues la panacée pour toutes les difficultés budgétaires des bibliothèques. Une situation qui a fait du service un ‘« dogme qui ne peut être remis en cause ’» et contre lequel, en France, François Lapèlerie et Daniel Renoult ont tiré la sonnette d’alarme 153 . Charles B. Lowry 154 et Herbert S. White 155 , versés dans les questions de coopération et du partage de ressources constatent le même phénomène du côté anglo-saxon et rejoignent l’avis de Helen Wheelhouse :

‘« No-one would argue that libraries can any longer be self-sufficient, but it is worrying that throughout a large amount of the literature, this view is automatically coupled with the belief that resource sharing is the only answer to the problem » 156 .

Traduction : « Personne n’oserait avancer que les bibliothèques puissent être autosuffisantes. Cependant, il est inquiétant de constater que dans la littérature cette idée est automatiquement liée à la conviction que le partage de ressources est l’unique solution » (traduction personnelle). ’

Notes
149.

- Salaün, Jean-Michel. - Les deux économies de la bibliothèque, p. 35, in : Economie et bibliothèques.- Editions du cercle de la librairie, Paris, 1997, 234 p.

150.

- White, Herbert S.- « Interlibrary loan : An old idea in a new setting », in : Interlending and document supply, 1988, n°2, pp.43-45.

151.

- Cornish, Graham P. – « L’intérêt du prêt : le rôle du BLDSC en Europe », in : Bulletin des Bibliothèques de France, t.33, n°1-2, 1988, pp. 104-108

152.

- Green, Richard dans : Calenge, Bertrand.- Diriger une bibliothèque d’enseignement supérieur.- Québec : Presses de l’université du Québec.- 455 p.

153.

- Lapèlerie, François.- « Le prêt entre bibliothèques universitaires scientifiques existe-t-il ? », in : Bulletin des Bibliothèques de France, 1996, t.41, n°4, pp.56-72

154.

- Lowry, Charles B.- « Resource sharing or cost shifting ? - The inequal burden of cooperative cataloguing and ILL in network », in : College & Research Libraries, 1990, vol.51, n°1, pp.11-20.

155.

- White, Herbert S.- « Interlibrary loan : An old idea in a new setting », in : Interlending and document supply, 1988, vol.16, n°4, pp.43-45.

156.

- Wheelhouse, Helen.- « Resource sharing : a critical view of the literature », in : Interlending and document supply, vol.16, n°4, 1988, pp.136-143