La constitution d’une collection, de « fonds propres » renvoie à la nature même du travail des bibliothèques. L’importance de la collection permet de justifier à elle seule la coopération entre bibliothèques, écrit Jean-Michel Salaün285. Naturelle chez les bibliothèques et exacerbée par le contexte économique, la coopération permet dès lors d’envisager la constitution de la collection dans une démarche associative.
Les bibliothèques mettent leurs fonds en interdépendance. La coopération documentaire devient essentielle et amène au renouvellement des pratiques pour constituer la collection la plus large à proposer aux usagers grâce à des acquisitions partagées. Autrefois entreprise solitaire, le poids du contexte documentaire et économique va faire que la collection se constitue dans un esprit collectif et partagé afin de pouvoir, par accumulation et en complémentarité, couvrir de la façon la plus large possible la littérature scientifique publiée. Ainsi, la collection ne s’envisage plus comme une entreprise individuelle mais au travers d’une démarche de mobilisation collective, partagée entre différentes bibliothèques partenaires, pour une couverture optimale. De fait, la collection constituée par le biais de la coopération « est l’extension de la structure du modèle originel à un réseau de partenaires »286.
Les enjeux de cette démarche (cohérence, complémentarité et homogénéité des collections partagées) paraissent dès lors évidents pour les bibliothécaires qui ont pour objectif de proposer une couverture en adéquation avec les besoins de leurs usagers et l’offre de littérature scientifique. Ces derniers sont favorisés par la mise en place d’une opportunité de consultation de collections morcelées mais complémentaires, « partagées » mais « augmentées »287. L’enjeu de cette « collection collective » dépasse donc son intérêt scientifique intrinsèque pour être consultée, mise à la disposition d’un public, lui aussi élargi, et délocalisé.
Le réseau, pour sa part, est devenu un lieu commun pour organiser et structurer cette coopération. Réaction « naturelle » des bibliothèques, le réseau a été transposé sur différentes activités des bibliothèques, catalogage, acquisitions, … Jalel Rouissi288, dans sa thèse, parle de parenté ontologique entre les bibliothèques et le réseau.
Proposer l’accès à la collection la plus élargie possible, fait partie des impératifs de l’offre de services en base-avant. Dans les termes de Florence Muet289 que nous reprenons, cela veut dire que la base-avant a déterminé la base-arrière. L’une des conséquences directes est que les services de base des bibliothèques se sont décuplés par cette mutualisation des fonds. Jalel Rouissi explique que :
‘« Le réseau peut justement être un facteur décisif dans l’évolution de la structure de l’offre de services dans les bibliothèques (…). Le réseau peut être assimilé, de cet angle, à un service périphérique transversal dont l’objectif est d’améliorer l’ensemble des services de base offerts par chaque bibliothèque participant au réseau »290. ’L’inflation des coûts de la documentation contribue à cette articulation et la renforce. En réduisant les acquisitions des bibliothèques, elle met les collections des bibliothèques dans une dépendance exacerbée qui développe les activités du service du PEB. Celles-ci vont se structurer et se déployer autour de cette infrastructure réseau qui s’étoffe et s’affirme à mesure que les politiques publiques marquent leur engagement pour l’amélioration de la diffusion de l’information scientifique et technique.
Comme nous l’avons mentionné plus haut, cela rejoint complètement la constitution des bibliothèques CADIST en 1980, désignées pour réaliser des acquisitions supplémentaires mais cohérentes avec le paysage documentaire national afin de faire face à une demande explosive de FDD et une demande régulièrement croissante de PEB. A ce titre, le réseau des CADIST, n’a cessé de se renforcer par le biais de catalogues collectifs, de l’installation de la messagerie et de subventions augmentées.
- Salaün, Jean-Michel. – Les deux économies de la bibliothèque, in : Economie et bibliothèques.- Editions du cercle de la librairie, Paris, 1997, 234 p.
- Salaün, Jean-Michel (Dir.).- Les deux économies de la bibliothèque, p. 32, in : Economie et bibliothèques.- Editions du cercle de la librairie, Paris, 1997, 234 p.
- Idem.
- Rouissi, Jalel. – L’évaluation des effets du réseau en bibliothèques : pour une meilleure prise en compte des coûts et avantages qualitatifs de la coopération, Thèse de doctorat 3ème cycle, 2001.
- Muet, Florence. - La bibliothèques en tant qu’organisation de service, pp.47-57, dans : Salaün, Jean-Michel. - Economie et bibliothèques.- Editions du cercle de la librairie, Paris, 1997, 234 p.
- Rouissi, Jalel. – L’évaluation des effets du réseau en bibliothèques : pour une meilleure prise en compte des coûts et avantages qualitatifs de la coopération, Thèse de doctorat 3ème cycle, 2001.