Dans l’environnement numérique, la collection recèle la même importance et les mêmes enjeux pour la bibliothèque. Cependant, elle présente des caractéristiques immatérielles qui bousculent les repères traditionnels de la bibliothèque. L’un des plus évidents est le caractère « contractuel » de « l’acquisition » de la collection : la bibliothèque n’acquiert plus un document qui vient s’insérer dans une collection comme nous l’avons vu plus haut, mais un droit d’usage à ce document. Ce droit, négocié par les professionnels des bibliothèques avec les éditeurs est spécifié dans une licence d’accès : durée, conditions d’accès, etc. sont définies dans un cadre contractuel. La licence, renouvelable, amène les deux parties, éditeurs et bibliothèques à redéfinir les modalités d’usage des documents numériques. En outre, la conservation devient incertaine ; la bibliothèque traditionnelle est habituée à conserver dans ses murs des fonds physiques. Avec les collections numériques, l’archivage devient sujet de négociation, en termes de coûts et de durée.
Les fonds sous licence soulignent un rapport de force » bibliothèque – éditeurs », la force étant du côté de ces derniers. L’articulation en dérivation de l’édition et des bibliothèques permet encore moins dans ce contexte de définir les limites des uns et des autres. Pour Jean-Claude Guédon, « la bibliothèque devient un kiosque, le portail des institutions et perd ainsi une grande part de ses prérogatives : construire des collections, mettre en place des outils de repérage »291.
Nous ajouterons que les bibliothèques rompues à la coopération entre elles et cela à de nombreux niveaux de l’amont de la chaîne d’information (acquisition partagée, catalogage partagé,…) perdent leurs prérogatives de coopération en aval, notamment celles de la FDD. En effet la FDD n’est pas autorisée ou bien qu’à des conditions très restrictives par les éditeurs. Il est difficile pour les bibliothèques d’envisager de continuer à répondre à une demande par ce biais, du reste illégal, en vertu de la licence souscrite.
Les recettes réalisées par la FDD, désormais absentes, ne contribuent plus au financement de la documentation périodique dans les BU. Il est à craindre que le modèle économique de la bibliothèque dans le numérique ne les livre pieds et poings liés aux éditeurs.
- Guédon, Jean-Claude.- Repenser la communication savante en contexte numérique et à l’heure d’Internet. Séminaire du GIRSIC du 9 juin 2000, Paris.