1.5 Opportunités pour un rôle éditorial

Dans le chapitre précédent, nous avons vu comment les bibliothèques ont entamé le processus d’intégration des ressources électroniques dans les fonds des BU comme une stratégie réactive à leur désintermédiation. Cependant, les limites de cette stratégie pourrait déjà se retrouver dans son qualificatif, elle est « réactive ».

Les bibliothèques ne peuvent pas se contenter de réagir à des stratégies économiques des acteurs de la chaîne d’information. Elles doivent à leur tour proposer une stratégie - pourquoi pas offensive - capable de les positionner comme des acteurs économiques. La propriété intellectuelle, pièce maîtresse autour de laquelle s’équilibre l’économie de l’édition et des bibliothèques, « balise les échanges »315 et apporte aux bibliothèques l’opportunité de se construire un positionnement économique à l’intérieur de la chaîne d’édition.

Une possibilité éditoriale s’ouvre donc aux bibliothèques. Elle se conquiert autour de la propriété intellectuelle et s’inscrit dans le contexte plus large de l’évolution de la publication scientifique par le numérique. Celui-ci amène les modèles de la publication traditionnelle à s’interpénétrer, ouvrant par ce fait des possibilités éditoriales aux bibliothèques316. Aujourd’hui, les activités traditionnelles de la presse scientifique et de la bibliothèque ont tendance à s’entrelacer dans la mise en accès des documents. Les éditeurs proposent des collections, les bibliothèques ont aujourd’hui l’opportunité de proposer de la publication institutionnelle.

Les thèses, production académique par excellence, et ayant fait l’objet de réflexions ultérieures317, sont le premier vivier pour la publication institutionnelle. En France, on note une implication déclarée des politiques publiques. La publication du rapport Claude Jolly318 sur la diffusion électronique des thèses en 2000, à l’instar d’autres rapports qui ont jalonné l’univers du monde des BU319, marque un tournant en proposant un cadre réglementaire, basé sur le partenariat avec les auteurs (droit privé) et l’institution universitaire (droit institutionnel), qui va favoriser la mise en place de chaînes de diffusion électronique dans les universités :

‘« L’objectif poursuivi est de redéfinir un cadre organisationnel et technique du cycle de vie de ces documents le plus efficace possible par rapport aux exigences des auteurs, des lecteurs et des professionnels »320.’

La fonction éditoriale des bibliothèques va s’imposer comme une continuité de leur missions premières.

‘« Détentrices des fonds à numériser, les bibliothèques apparaissent souvent comme des opérateurs naturels pour procéder à leur mise en valeur par le biais de l’électronique. Leur confier en outre la numérisation de travaux universitaires représente une extension légitime de leur mission de communication de fonds »321.’

Une « politique de production et de mise en ligne » s’est déployée dans plusieurs et différents établissements, à une échelle nationale : Thèses et rapport de l’INRIA322, ThesesEnLigne323, CITHER324, PASTEL325.

Malgré un démarrage lent en France, les dispositifs d’accès à l’offre académique connaissent une dynamique amplifiée par les politiques publiques qui jouent un rôle important pour fédérer ces projets, les mobiliser et les mettre au service de la diffusion de la production universitaire et des logiques de développement des campus numériques.

Notes
315.

- Salaün, Jean-Michel. - « Peut-on préciser les contours d’une bibliothèque électronique ? : le cas de la bibliothèque de l’Ecole nationale supérieure des sciences de l’information et des bibliothèques (Enssib) », in : Document numérique, 1998, vol. 2, n°3-4, pp. 145-160

316.

- Idem.

317.

- Les premiers projets remontent à 1987 à l’université de Virginia Technology, le réseau NLTD (Networked Library of theses and Dissertations) et dans le monde de la francophonie, le projet Cyberthèses.

318.

- Jolly, Claude. – Rapport sur la diffusion électronique des thèses. Paris : Ministère de l’Education Nationale – SDBD, 2000. <http//195.83.249.62/bib/acti/These/jolly/entete.html>. (Consulté le 23 octobre 02)

319.

- Miquel, Laissus, VanDooren,…(voir bibliographie).

320.

- Chartron, Ghislaine. – « Rapport sur les thèses numériques », in : Bulletin des Bibliothèques de France, t.46, n°2, 2001.

321.

- Ockret-Manville, Christine. – Le développement du numérique : un facteur d’intégration des bibliothèques dans les établissements d’enseignement supérieur, in : Chartron, Ghislaine. – Les chercheurs et la documentation numérique : nouveaux services et usages, Paris : Editions du cercle de la librairie, 2002. - 268 p.

323.

- Mis en place par le CCSD en collaboration avec la cellule MathDoc du CNRS : < www.mathdoc.ujf-grenoble.fr/theses/tel.html >.

324.

- Projet de Doc’Insa (Lyon), < http://csidoc.insa-lyon.fr/these/index.html >.

325.

- Projet utilisant le logiciel Eprint, il réunit les écoles d’ingénieurs de la région parisienne (Paris Tech).