2. Entremêlement du narratif et du figuratif

« Cela ne me panique pas d’avoir mis 20 ans pour arriver à la narration. C’est difficile de raconter une histoire. Déconstruire quand on ne sait pas raconter, cela n’apporte pas suffisamment. Je suis en train d’essayer de devenir un bon figuratif. »
Philippe Garrel.

Si l’on pousse le curseur un peu plus loin dans la conception générale que l’on peut se faire d’un récit, en dépassant le principe de la transformation on rencontre nécessairement la notion d’événement. Pas un théoricien du récit, semble-t-il, qui ne mette, peu ou prou, l’accent sur le concept. Sans employer le terme, la part d’événement que contient un récit semble en effet sous-entendue dans les définitions de Claude Brémond et d’André Gaudreault sous la dimension de « ce qui advient » 479 , même si les catégories de l’événement et de l’avènement sont loin de se recouvrir exactement. De même, Pascal Bonitzer insiste dans le cadre d’une problématique centrée sur l’écriture du scénario sur le rôle prépondérant que doit y jouer l’événement lorsqu’il affirme que « la première qualité d’un scénariste, ce devrait être d’avoir le sens de l’événement » 480 ou que l’auteur d’un scénario « essaie de dégager [des actions, passions, symptômes dont les personnages sont porteurs] la valeur d’un événement. » 481 Gérard Genette, à l’orée de ses analyses fondatrices de « Discours du récit » dans Figures III, recense les « trois notions » que recouvrent les divers sens du terme récit et chacune de ces notions, pour différentes qu’elles soient, font la part belle à l’idée d’événement 482 . Mais c’est Christian Metz qui confère à la dimension de l’événement une place prépondérante dans la définition générale du récit qu’il forge. Un récit est, selon cette définition, un « discours clos venant irréaliser une séquence temporelle d’événements » 483 . L’événement apparaît de ce fait pour Christian Metz comme le point nodal d’un récit.

Notes
479.

Claude Brémond, op. cit., pp. 99-100 et André Gaudreault, op. cit., p. 45.

480.

Pascal Bonitzer, Exercice du scénario, op. cit., p. 84.

481.

Les phrases exactes de Pascal Bonitzer sont : « Les personnages agissent, pâtissent, portent des symptômes. L’auteur essaie de dégager, de ces actions, passions, symptômes, la valeur d’un événement. » Ibid., p. 115. Souligné par l’auteur. Le chapitre dans lequel apparaissent ces deux phrases est symptomatiquement intitulé « Personnages et événements ».

482.

Gérard Genette, Figure III, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 1972, p. 71.

483.

« Un récit est un ensemble d’événements ; ce sont ces événements qui sont rangés en séquences ; ce sont eux que l’acte narratif, pour exister, commence par irréaliser ; ce sont eux enfin, qui, fournissent au sujet-racontant son nécessaire corrélat : il n’est racontant que parce que les événements-racontés sont racontés par lui. » Cf. Christian Metz, op. cit., p. 32.