La première grande conséquence de la systématisation des « entre deux personnes » est une conséquence quasiment par défaut. Elle consiste à conférer une importance primordiale aux deux couples amoureux, par rapport aux autres « entre deux personnes ». Les couples sont en effet le seuls « entre deux personnes » à participer du système tout en l’excédant largement. Il faut tenir compte ici de l’ordre d’enchaînement, autant que du nombre de séquences dans lesquelles apparaissent ces couples. Parce que les trois premières séquences de J’entends plus la guitare reposent sur le couple Marianne/Gérard [séq. 1] et le couple Lolla/Martin [séq. 2 et séq. 3], ces couples sont mis en exergue et distingués en tant que couples. Plus encore, dès ces trois premières séquences, ce sont des points de tension liés par essence au motif du couple qui s’imposent (avoir ou pas un enfant ensemble, aimer l’autre ou pas en entier). Ils donnent à comprendre combien le couple peut être source de désaccords et de « débats » 534 dans ce film. Le couple forme par là même une entité fragile que la suite du film se chargera largement de mettre à mal. En sus, dans la première partie de J’entends plus la guitare, les deux couples apparaissent chacun dans quatre séquences 535 , alors que tous les autres « entre deux personnes » ne figurent que dans une et une seule séquence. De ce fait, les couples amoureux émergent du lot, se détachant comme les motifs privilégiés de l’époque. Ce sont d’abord des affaires de couples qui ont lieu et c’est bien au cœur et à propos de ces couples que la hantise (de ne plus être aimé, de voir s’envoler l’autre) agit. Source d’amour, le couple est aussi le siège d’une peur profonde quant à la valeur du sentiment amoureux qui le fonde et à la pérennité de ce couple.
Selon Jean Douchet, l’œuvre de Philippe Garrel développe « quelques thèmes fondamentaux dont le principal est sans doute l’éternel débat de l’homme et de la femme. » Cf. Une caméra à la place du cœur, op. cit., p. 21.
Pour le couple Marianne/Gérard : séq. 1, séq. 6, séq. 7 et séq. 11 ; pour le couple Lolla/Martin : séq. 2, séq. 3, séq. 5 et séq. 6.