1. Mises en rapport morphologique

« Il ne faut pas craindre, si l’on se veut attentif aux acteurs, de mettre les jeux et les corps en regard. […] Au cœur des films mêmes sont à étudier les formes multiples que prennent les rapports de présence. »
Jacqueline Nacache.

Du point de vue de la réception, la co-présence de deux corps est avant tout une mise en rapport des caractéristiques morphologiques propres à chacun des corps. Il y a là sans doute moins une différence qu’une inflexion par rapport à la co-présence envisagée dans le tissu de la réalité sociale, parce que la co-présence n’est pas immédiatement considérée en tant que micro-structure ouvrant pour les micro-siocologues à l’étude théorique des formes de la sociabilité, mais d’abord reçue comme une configuration visuelle porteuse de caractéristiques esthétiques. Dès lors que l’on aborde la problématique de la co-présence dans le champ du cinéma, c’est d’abord la présence conjointe d’« hommes visibles » qui forme la première couche dans l’ordre de la réception, expression dont on sait qu’elle est de Béla Balázs et qu’on entendra ici dans un sens fort mais dénué de la dimension prophétique ⁵⁶⁸ que pouvait lui donner le théoricien hongrois. Or, sans qu’il soit besoin de retomber dans les belles utopies de la « physionomie », là encore exaltée en son temps par Béla Balázs ⁵⁶⁹ , Jacqueline Nacache soutient que « ce qui n’évolue guère, c’est l’inévitable don du cinéma pour faire signifier les apparences. » ⁵⁷⁰ Parce que les apparences sont filtrées et reconfigurées par le médium cinématographique qui inscrit les êtres et les corps dans un état d’images, « l’absence de sens ne demande qu’à devenir sens » ⁵⁷¹ au cinéma.