1. Parole et échange de paroles : agents fondamentaux du lien

Avant d’être porteuses de sens, nombre de paroles entre deux personnes dans les films de la quatrième période valent d’abord pour leur nature conjonctive. La parole fait du lien. Non pas que ces paroles soient hors sens 803 . Mais tout en véhiculant un sens, il est sensible qu’elles tissent d’abord un fil de paroles entre deux personnages. La parole est alors parole-lien.

Notes
803.

Il est des occurrences, cependant, où le sens des paroles émises restent de l’ordre de l’énigme pour le spectateur, ce qui ne fait que mettre encore un peu plus au premier plan leur dimension conjonctive par rapport aux autres effets de sens. Ainsi, dans La Naissance de l’amour, la première séquence dans laquelle apparaît le personnage d’Ulrika en fournit un bon exemple [séq. 6]. Après un gros plan sur Paul, que rien encore ne permet de dire en co-présence avec un autre personnage, apparaît le plan d’une femme dont le spectateur apprendra par la suite qu’elle se nomme Ulrika. Seule à l’image en début de plan, prenant un bain, rien ne permet de dire non plus qu’Ulrika est en co-présence avec Paul. Mais elle dit très vite : « Paul, viens je suis bête. » Des raisons pour lesquelles Ulrika est « bête », le spectateur ne sera jamais informé et le sens d’une telle parole se perd en grande partie dans l’énigmatique. Mais de ce fait, c’est la valeur conjonctive d’une telle parole qui passe au premier plan et se donne à constater dans son caractère performatif : après avoir été appelé par Ulrika, Paul entre dans la salle de bain et vient la rejoindre, comme harponné par la parole-lien.