3. Une demande de récit inassouvie

« Le dialogue est rare, et ne croyons pas qu’il soit facile, ni heureux. […] Nous sentons bien que, pour ces deux personnes, pour l’une surtout, ce qu’il faut d’espace, et d’air, et de possibilité pour parler, est très près d’être épuisé. Et peut-être, si c’est bien d’un dialogue qu’il s’agit, en trouvons-nous le premier trait dans l’approche de cette menace, limite en deçà de laquelle le mutisme et la violence fermeront l’être. »
Maurice Blanchot.

C’est dans Le Vent de la nuit que la notion de malaise dans la coopération devient sans doute la plus décisive. Elle informe globalement la situation générale de dialogue qui s’instaure entre Serge et Paul lorsqu’ils se trouvent en co-présence l’un de l’autre. On peut, en effet, considérer que c’est un même dialogue intermittent qui se poursuit entre les deux hommes dans ce film, surtout au cours du voyage italien. Car en dépit des particularismes de tels ou tels moments, sur lesquels l’étude s’arrêtera d’ailleurs largement, des tendances dominantes dans la manière de s’engager dans le dialogue se dessinent de la part de Serge et de Paul. Elles donnent à la situation générale de dialogue une physionomie à peu près constante qui rend clair le malaise dans la coopération. Mais si ce malaise dans la coopération prend un tour si décisif, c’est parce qu’en s’étirant sur une large durée filmique, il n’est pas sans jouer un rôle essentiel sur le plan dramatique, au point d’expliquer peut-être le suicide de Serge, au point surtout de faire comprendre que, en dépit d’un échec dans la transmission de l’Histoire, c’est une éducation de Paul vers l’âge d’homme qui s’amorce dans Le Vent de la nuit.