3. Le foyer

« […] ils sont de profil, et entre eux, au fond, on voit brûler du feu dans l’âtre. »
Michel Chion, à propos de Gertrud de Carl Dreyer.

S’intéresser à la dimension de l’« espace entre » deux personnes dans les films de la quatrième période, c’est en dernière instance être amené à retrouver une hypothèse de Serge Daney. Il la formulait dans la citation avec laquelle nous avons ouvert cette étude. Cette hypothèse, c’est celle du foyer. Il n’est pas inutile de répéter ici les propos du critique :

‘« Dans ton film, il y a un homme et des femmes autour de lui. Rien n’existe que l’espace toujours très raréfié entre deux personnes. Ce qui compte c’est l’espace circonscrit, c’est Georges de la Tour. Tout ton cinéma est fait sur la possibilité de créer un foyer dans tous les sens du terme. »’

On voit que si le foyer doit être entendu, selon Serge Daney, de manière polysémique, l’idée première qui le conduit à formuler son hypothèse est ce qu’il nomme « l’espace toujours très raréfié » puis « l’espace circonscrit » entre deux personnes. C’est donc très exactement sur l’« espace entre » deux personnes que Serge Daney s’appuie pour tirer un fil qui le mène à la notion de foyer via l’entremise de Georges de la Tour. Pour Serge Daney, l’« espace entre » est un interstice générant un foyer. Même si sa formulation prend par la suite un tour plus général, il est clair que cet auteur pense surtout à l’« espace entre » un homme et une femme. C’est le point de départ de son propos et c’est pourquoi ce seront exclusivement ces « entre deux personnes » que nous privilégieront.