J’entends plus la guitare
Apparaissent et disparaissent sur un fond bleu, les mentions génériques en lettres jaunes : le nom des interprètes principaux, celui du réalisateur. Puis le titre du film sans majuscule : j’entends plus la guitare.
- Première époque.
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- Séquence 1. Int. Jour. → Ext. Jour. → Int. Jour. Chambre, terrasse, chambre à Positano.
« Entre deux personnes »
- Plan rapproché de Marianne. Elle dort dans une position proche de la position du fœtus, filmée en plongée, la caméra quasiment en position zénithale (à angle droit avec son corps). Elle porte une veste en jean, dont le bleu ressort sur les draps blancs du lit. Plan totalement silencieux. Seuls – peut-être – se laissent entendre très légèrement le moteur de la caméra et, comme une vague rumeur que l’on devine plus qu’on ne l’entend, le flux et le reflux des vagues.
- Gros plan de Gérard avançant sur une terrasse qui surplombe la plage et le bas de Positano. Son corps et son visage se détachent d’abord sur le fond blanc uni du mur, puis sur le fond mélangé de pierres et d’arbustes qui forment la nature de l’hémicycle rocheux de Positano, puis sur fond de ciel diaphane, à la lumière un peu sale. Située en haut du premier tiers de l’image en partant du bas, on distingue à peine la ligne d’horizon qui sépare le ciel et la mer. La caméra cadre Gérard de dos quelques instants, en très légère contre-plongée. Puis Gérard tourne sa tête vers la gauche du cadre. La caméra panote alors en très légère diagonale descendante vers la mer, comme irrésistiblement attirée par elle. Le sac et le ressac de la mer se font entendre très nettement : et dans ses nappes sonores, quelques pépiements d’oiseaux.
- Plan rapproché de Marianne qui s’étire : elle sort donc de sa sieste. Elle pose le dos de ses deux mains sur son front, regarde hors-champ en trouvant sans hésiter la cible de son regard puis, au bout de quelques instants, retourne dans le lit, en se couvrant jusqu’en haut des cuisses. Elle continue de regarder hors-champ. Le bord du volet en amorce à la gauche du cadre et la fine bordure de la fenêtre à droite créent un effet léger de cadre dans le cadre avec un effet de représentation centripète sur Marianne. Au bout de quelques secondes, elle baisse la tête et la relève très légèrement, en regardant de biais vers l’extérieur. Elle rit, puis après s’être repositionnée, elle déclare : « L’homme, la mer. » En voix hors-champ, Gérard (mais rien encore ne nous dit que c’est sa voix, puisque nous ne l’avons pas encore entendu parler) lui répond : « L’homme. » Marianne répète « L’homme », mais en bougeant les lèvres sans que, pratiquement, aucun son ne sorte de sa bouche, puis enfouit sa tête entre ses bras. Gérard poursuit : « La mère ? » Marianne regarde à nouveau dans sa direction, tête baissée, puis relève la tête.
- Gros plan de Marianne et Gérard au lit. Au départ du plan, ils se regardent les yeux dans les yeux. Marianne sourit, alors que Gérard conserve un air de sérieux et de gravité. Puis Gérard vient poser son visage contre la poitrine de Marianne. Il relève alors la tête avec l’intention de dire quelque chose à Marianne, mais retient sa parole un instant, comme s’il réfléchissait à la meilleure manière de dire ce qu’il a à dire. Marianne lui fait un baiser et il dit : « Tu veux me faire un enfant ? » Les deux visages sont à quelques centimètres l’un de l’autre, et semblent chercher à réduire au maximum la distance qui les sépare, mais aussi à conserver cette distance minimale nécessaire pour qu’ils puissent se voir. Du point de vue figuratif, les deux visages se détachent sur le fond blanc des draps, fond neutre qui a pour vertu d’accentuer le relief des figures et de souligner les visages comme sous l’effet d’un détourage.
- Séquence 2. Ext. Jour. Terrasse à Positano.
« Entre deux personnes »
- Gros plan de Lolla, seule à l’image, son visage de profil se détachant sur fond de mer et de ciel. La ligne d’horizon est visible : elle fend le fond de l’image en deux pans inégaux. Celui constitué par le bleu de la mer rend, par contraste, le bleu du ciel presque blanc. Le vent fait onduler les cheveux de Lolla. Elle sourit très légèrement, ses yeux s’éclairent, puis elle finit par arborer un large sourire. Son regard et ses yeux chargent le hors-champ d’une présence encore virtuelle, mais sensible. Puis la caméra panote sur la droite, en suivant exactement la diagonale du regard de Lolla, dans laquelle s’inscrit exactement le regard de l’autre protagoniste dévoilé : Martin. Martin est en position de « contre-plongée » par rapport à Lolla, en état de contemplation, la tempe droite posée sur sa main droite repliée. Situé plus bas que Lolla, dans le fond de l’image le rapport entre ciel et mer s’est inversé : c’est désormais le pan de mer qui occupe les deux tiers de l’image. Martin se met à rire et dans le coin supérieur gauche du cadre, une mèche de cheveux de Lolla apparaît, comme si elle se rappelait fugitivement à la représentation, au point que la caméra, comme harponnée par cette mèche, remonte alors, en suivant dans le sens inverse la même diagonale que précédemment, pour venir cadrer les deux visages ensemble. Le visage de Lolla occupe tout le coin supérieur gauche du plan ; celui de Martin le coin inférieur droit.
- Séquence 3. Int. Jour. Pièce de la maison à Positano.
« Entre deux personnes »
- Plan moyen qui démarre sur le coin intérieur d’une pièce. Ce début de plan est une image très composée. Se donnent à voir à gauche le bout d’une porte vitrée, au centre du cadre, dans l’angle de la pièce, une sorte de grand chevalet et sur la gauche un rideau ou un drap noué vers le bas : effet de nature morte. Pendant cette image, un dialogue entre deux voix hors-champ se fait entendre : les voix de Lolla et Martin (mais qui peuvent ne pas encore être identifiées comme telles, puisque le spectateur n’a pas encore entendu les protagonistes parler). La voix de Lolla paraît plus éloignée que celle de Martin. En bruit de fond, comme dans tous les plans précédents, on entend le sac et le ressac de la mer. Après une réponse de Martin – « Ouais, du lait » –, Lolla entre par la porte vitrée, deux bols à la main. En voyant Martin (toujours hors-champ), elle sourit et ferme la porte derrière elle. Elle avance, et tend un bol à Martin, toujours hors-champ, qui lui répond « Grazie mille ». La caméra commence par séparer les deux protagonistes. Une fois que Lolla a tendu son bol à Martin, elle la délaisse pour venir cadrer Martin assis sur un lit posé à même le sol, un clope au bec. Lolla, en passant devant l’objectif de la caméra, occulte un bref instant Martin en transformant entièrement l’écran en écran noir (plus exactement bleu marine). Après que Lolla a demandé à Martin s’il ne travaillait pas aujourd’hui, la caméra se déporte sur elle. La neutralité du fond de mur bleu ciel sur lequel les figures se détachent accentue leur relief, accusé par l’ombre des corps projetée sur le mur. L’ombre portée de Martin est très volumineuse : elle double son corps de manière quasi « expressionniste ». « Pourquoi tu ferais pas un tableau de moi ? » : après cette question de Lolla, la caméra se déporte sur Martin et s’avance en tournant presque imperceptiblement autour de lui. Elle repasse sur Lolla après que Martin a dit : « une infinité de degrés différents ». La caméra fait ensuite un léger travelling arrière-droit et vient cadrer les deux visages au moment où Martin dit « proche d’elle ». Puis, au moment où Lolla prononce « c’est pour ça que tu me dis jamais que tu m’aimes », elle s’éloigne de Martin et lui tourne le dos. La caméra la suit. Martin entre alors dans le cadre par la droite pour venir demander à Lolla : « Qu’est-ce que ça veut dire aimer ? » La caméra tourne autour de leurs deux têtes, pour finir par venir cadrer en très gros plan le profil de Martin et le visage de face de Lolla. Martin baisse la tête, et la caméra reste sur Lolla. Martin remonte et apparaît dans le bord droit du cadre après que Lolla a dit « Moi quand je parle, c’est pour dire quelque chose à quelqu’un. » Il se rapproche d’elle, réduisant au maximum l’« espace entre » qui les sépare. Elle le rejette en arrière : « si tu crois que tout se résout en baisant », et la caméra cadre alors Martin. Lolla, hors-champ se lève et s’en va. La caméra reste sur Martin, qui se retrouve dans une position proche de celle qu’il avait au début.
- Séquence 4. Ext. Jour. → Ext. Jour. Une ruelle en escaliers à Positano, la plage.
« Entre deux personnes »
- Plan moyen. Gérard et Martin descendent un escalier à Positano. Le dialogue semble enchaîner immédiatement avec la séquence précédente : « Tu devrais faire le portrait de Lolla », affirme Gérard. Un air de violon et piano en off commence dès le début du plan. Le plan enchaîne contre-plongée puis plongée par un panoramique.
- Plan de demi-ensemble. Contre-plongée. Martin et Gérard, très éloignés, s’avancent près de la caméra en discutant de l’impossibilité, selon Martin, de jamais trouver la femme idéale. Les parois des murs qui bordent l’escalier créent un effet d’encadrement important. Arrivés à proximité de la caméra, Gérard qui a enlevé ses espadrilles tout en marchant, frappe Martin d’un grand coup, ce qui provoque l’hilarité de ce dernier.
- Plan de demi-ensemble. Contre-plongée. Un peu plus bas, Martin et Gérard terminent leur balade. Martin assure à Gérard que Marianne ne le quittera pas, sauf s’il le veut.
- Insert : plan d’ensemble. Juste après que Martin a dit « sauf si tu le veux », contre-plongée sur le village de Positano. La rumeur du village se fait entendre de manière très importante : rumeur faite essentiellement de voix humaines, de bruits de fourchettes contre des assiettes, etc.
- Plan moyen de Gérard et Martin, devant la mer, à quelques mètres de barques accostées sur le sable à leur droite, tournant le dos à la caméra. Martin lit un journal. Le bruit de la mer se fait entendre, ainsi que quelques voix anonymes hors-champ.
- Insert : plan d’ensemble. Nouvel insert en contre-plongée du village de Positano, légèrement différent du premier, la caméra étant à peine plus proche des façades des maisons.
- Séquence 5. Ext. Nuit tombante. Terrasse à Positano.
« Entre deux personnes »
- Gros plan. À la tombée de la nuit. Au début du plan, on ne voit que Lolla et Martin, en plan poitrine. Lolla est de profil, un peu masquée par Martin de dos. Martin entame la récitation d’un poème. Lolla regarde face à elle, hors-champ. Seul se fait entendre alentour le bruit du sac et du ressac de la mer. Martin ne se souvenant pas de la suite du poème, se lève pour aller la vérifier dans un livre. La caméra le suit en pano-travelling à droite en le filmant en contre-plongée. Puis, tout en continuant de cadrer Martin, la caméra panote légèrement vers le bas : Gérard, assis à l’autre bout de la table, face à Lolla, apparaît à l’image. La caméra, comme aimantée par sa présence, délaisse alors Martin pour venir le cadrer. Martin entre à l’intérieur de la villa. Gérard, qui au moment où il apparaît regarde en direction de Lolla, détourne la tête et regarde en direction de la mer, quand Martin sort définitivement.
- Cut. Plan moyen sur Lolla, toujours assise à la même place, qui regarde en direction de Gérard. En son hors-champ, on entend le bruit de la fourchette de Gérard dans son assiette.
- Séquence 6. Ext. Jour (petit matin). Terrasse de Positano × Int. Jour. Chambre à Positano.
« Entre deux personnes » × « Entre deux personnes »
- Plan poitrine sur Martin, en haut de pyjama blanc, la tête légèrement baissée, l’œil vague, sur fond de mur de pierres très apparentes. Il baisse un peu plus la tête pour venir sentir une carafe de café. Un bout de bras de Lolla apparaît dans le coin inférieur droit du cadre. C’est le petit déjeuner, comme nous le confirme le « Tu as bien dormi ? » de Lolla. La caméra reste sur Martin, Lolla est cantonnée pour le moment dans le hors-champ. Hors-champ, la voix de Marianne se fait entendre et vient peser sur tout l’espace sonore, en raison de son intensité. C’est une voix hors-champ très singulière : avant que la suite de la séquence apprenne au spectateur son statut hors-champ, elle peut donner le sentiment d’être une voix-over.
- Plan moyen sur Marianne et Gérard, dans une des pièces de la villa, en train de se disputer. En voix hors-champ, c’est Lolla que l’on entend cette fois – « Il est froid ou chaud ? » –, mais avec une intensité sonore qui ne laisse aucun doute, cette fois, sur son caractère hors-champ. Marianne trépigne, va et vient, et c’est elle qui assigne les mouvements panoramiques gauche/droite de la caméra : Gérard se retrouve un court instant délaissé dans le hors-champ. Si Marianne effectue des allers-retours, Gérard, lui, campe quasiment immobile dans le coin de la pièce dans lequel il se trouve.
- Sur « Je vois pas pourquoi tu dis ça » énoncé par Gérard, changement de plan : on repasse du côté du couple Martin/Lolla. Gros plan sur Lolla, regard tourné vers le hors-champ gauche, en direction de Martin. Elle boit une cuillère de café, puis se met à sourire. Un bout du visage de Martin apparaît dans le coin supérieur gauche du cadre, suffisamment pour qu’on l’aperçoive très distinctement rire. Son visage ne cesse de faire des allées et venues, d’entrer et de sortir à l’intérieur du cadre de l’image. Après le « t’es bête » de Lolla, la caméra panote légèrement vers la gauche, pour venir inscrire plus franchement le visage de Martin dans l’image. Son visage envahit d’ailleurs tout le premier plan de l’image, au moment où il avance la tête pour manger sa tartine au-dessus de son bol.
- Plan moyen. Retour sur le couple Marianne/Gérard (idem plan 16). La séquence termine sur eux, après que Gérard a dit « fourré mon amour, pas coincé ».
- Séquence 7. Int. Jour. → Ext. Jour. → Int. Jour. Chambre, escalier, chambre à Positano.
« Entre deux personnes »
- Plan rapproché en plongée sur Gérard et Marianne. Marianne somnole. Gérard enlève délicatement son bras gauche qui entourait le cou de Marianne et sort du lit. La caméra, qui a suivi Gérard un instant, cadre en fin de plan Marianne, dos nu, le bras gauche relevé au-dessus de sa tête.
- Plan de demi-ensemble. Gérard, filmé en contre-plongée, un sac en cuir marron à la main, remonte un escalier de Positano.
- Plan rapproché (idem fin du plan 19) de Marianne endormie qui n’a pas changé de position.
- Séquence 8. Ext. Jour. Terrasse à Positano.
« Entre deux personnes »
- Très gros plan sur le visage de Martin. Hors-champ, la voix de Marianne se fait entendre, sans que l’on ne puisse du tout savoir à quel endroit celle-ci se trouve. Mais l’intensité de sa voix – ou plus exactement le sentiment de proximité sonore – suffit à convaincre le spectateur que Marianne se tient dans l’immédiat hors-champ. Le fond sur lequel se détache le visage de Martin est totalement neutre : forte mise en relief de la figure humaine. Son visage est légèrement penché vers l’avant. Après que Martin a dit « Pourquoi veux-tu ? », la caméra descend en panoramique, légèrement en diagonale vers la gauche et nous découvre le visage de Marianne, la tête posée sur les jambes de Martin, la main contre le visage. La caméra remonte sur Martin pendant que Marianne affirme : « Moi, j’ai toujours l’impression qu’il est comme un oiseau, prêt à s’envoler. » Après le « sans doute » de Martin, la caméra redescend sur le visage de Marianne, en effectuant un léger travelling circulaire qui tourne autour de son visage pour venir la cadrer de trois quarts face. Au bout d’un court instant, Martin se lève et sort totalement du champ, pendant que Marianne se relève à son tour et s’assoit contre le mur. Martin passe devant le visage de Marianne et l’occulte un instant, ses jambes saturant tout le premier plan. Pendant ce temps, la caméra opère un travelling circulaire autour du visage de Marianne, dans le sens inverse du travelling précédent. Elle interrompt son mouvement lorsque le visage de Marianne est cadré en gros plan à côté (à gauche du visage) d’une tache d’écaillage dans le mur, presque aussi grosse que son visage. Marianne regarde Martin hors-champ, les yeux tournés vers la gauche du cadre. Martin, en réfléchissant à « ce qu’on veut aujourd’hui », repasse devant la caméra et vient s’asseoir à la gauche de Marianne, à droite à l’image. La caméra panote légèrement vers la droite pour cadrer les deux visages côte à côte dans le même plan. Une fois que Marianne a trouvé la réponse – « Aimer, aimer, aimer » – elle reprend sa position initiale, la tête sur les jambes de Martin, la caméra la suivant dans l’exécution du mouvement.
- Séquence 9. Ext. Jour. Terrasse à Positano.
« Entre deux personnes »
- Gros plan de Marianne et Lolla. Marianne est au premier plan, vraisemblablement couchée sur le ventre et se tenant sur les coudes, ce qui a pour effet de surélever son visage ; Lolla est au deuxième plan, également couchée sur le ventre, mais le visage plus bas que celui de Marianne, son menton reposant sur ses deux bras croisés. Les deux femmes ne se regardent pas, Marianne les yeux vers le bas, Lolla vers le côté droit du cadre. Dans ce plan fixe, chacune des deux femmes se retourne deux fois vers l’autre. Une seule fois, leurs regards se croisent et se rencontrent.
- Séquence 10. Int. Jour (pénombre). Chambre à Positano.
- Plan rapproché. La musique – violon – démarre dès le début du plan. Marianne est seule dans sa chambre, les volets mi-clos. La pénombre règne dans la chambre. Par contraste, l’obscurité intérieure accentue le rôle dissolvant de la lumière blanche et sale de Positano, lorsque Marianne sort sur le balcon. Marianne est accroupie, portant une simple robe courte bleue marine. Il est impossible de savoir ce qu’elle fait exactement : ses gestes sont hors-champ. On la voit seulement enduire ses doigts d’un peu de salive et frotter le sol. Lorsqu’elle se relève, elle tient à la main un bougeoir orné d’une bougie blanche. Elle sort de la pièce et va sur le balcon, entrouvrant un peu plus le volet gauche. La caméra effectue alors un léger travelling sur la gauche, pour venir recadrer Marianne au centre de l’image, doublement encadrée, puisque les battants du volet forment un cadre à l’intérieur du cadre. La lumière a ici une action défigurante et brouille quelque peu les contours du corps de Marianne. Après avoir vidé par-dessus le balcon quelques rognures de bougies, Marianne revient dans la pièce, s’accroupit à nouveau, pose le bougeoir, ramasse des livres posés au sol et s’avance près du recoin de la pièce où semble se trouver une plante posée sur le sol. Elle se met alors à feuilleter un livre. Le coin d’espace dans lequel elle se trouve est particulièrement sombre. L’absence de lumière rend ici Marianne peu distincte, plutôt ombre parmi l’ombre qu’autre chose. Marianne repose son livre et semble chercher quelque chose. Elle s’avance alors sur la gauche, la caméra la suit et on découvre que le coin dans lequel elle se tenait était au bord de son lit à même le sol. Elle fouille dans les draps, mais ne trouvant pas ce qu’elle cherche, elle se retourne, ramasse un objet, puis sort à nouveau, pour disparaître derrière le volet droit. En passant devant la vitre de la fenêtre, son reflet apparaît fugitivement. La caméra effectue un léger travelling sur la gauche en continuant de cadrer le volet gauche. Marianne, hors-champ dit « Oh, ce n’est pas possible », puis revient dans le cadre, portant un bol bleu ciel à la main. Elle revient vers le coin sombre de la pièce et pose le bol au sol, s’accroupit à nouveau et finit un morceau de banane qui traînait là.
- Séquence 11. Int. Jour. Chambre à Positano.
« Entre deux personnes »
- Gros plan. Marianne fait la lecture à Gérard. En début de plan, l’image est quasiment abstraite. Avant une représentation figurée, c’est d’abord un ensemble de taches colorées qui se donne à voir : le bleu marine de la robe de Marianne, son bras et son genou de couleur plutôt rose, la tache blanche formée par les draps du lit et le blanc des pages du livre que tient Marianne. En voix hors-champ, Marianne démarre la lecture d’un poème en allemand. La caméra remonte au bout d’un moment le long de son bras gauche pour venir cadrer son visage de trois quarts dos, à peine de profil. Lorsqu’elle a finit sa lecture, elle adresse un sourire à Gérard, invisible dans le hors-champ à gauche. Au moment où elle se lance dans la traduction en direct du poème, la caméra suit le trajet de son regard et vient cadrer le visage de Gérard, allongé sur le lit. Gérard regarde Marianne, silencieusement, presque religieusement. Au moment où Marianne dit « mais ça n’est pas grave », commence une fermeture au noir.
Fermeture au noir
(inachevée)
967
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- Deuxième époque.
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- Séquence 12. Ext. Jour. Rue à Paris.
« Entre deux personnes »
- Plan d’ensemble. Marianne et Gérard à Paris, dans la rue. La rue dans laquelle ils marchent est relativement déserte. En arrière-plan passent seulement une voiture et quelques passants. Ils avancent frontalement à la caméra, en discutant. Arrivés à hauteur de la caméra, ils tournent vers une porte d’entrée. La caméra les suit en panoramique à droite et interrompt son parcours sur le visage de Marianne, qui trahit une certaine appréhension. Elle sonne. Ils attendent que la porte s’ouvre : ils entrent. Le plan se termine sur la porte blanche de l’immeuble qui se referme et sur laquelle on voit un fer forgé qui mêle un entrelacs à une croix dont les branches sont en diagonale.
- Séquence 13. Ext. Jour. × Ext. Jour. Pièce donnant sur l’extérieur × cour intérieure d’un immeuble.
« Entre deux personnes » × « Entre deux personnes »
- Plan moyen. Marianne et la grand-mère du fils de Marianne discutent. Marianne est à gauche du cadre, la grand-mère à droite. Un effet de cadre dans le cadre, constitué du côté gauche par des plantes vertes et du côté droit par un pan de mur gris, concentre l’attention sur les deux femmes. Marianne est vêtue de bleu marine, la grand-mère d’un manteau rouge : les deux couleurs forment un contraste visuel très net. Les deux femmes se détachent sur un fond de pièce relativement gris et neutre – presque absent. Les deux femmes sont chacune agrippées à la veste en jean de Thomas. Marianne est mal à l’aise, sur la défensive.
- Gros plan. Thomas, filmé en plongée légère, baisse un peu la tête. Son visage est parsemé d’ombres propres, reflets de ses cheveux blonds éclairés par la lumière du soleil.
- Contrechamp. Plan poitrine. Gérard est filmé en légère contre-plongée et à plus grande distance que ne l’est Thomas. Gérard, silencieux comme l’est Thomas, écarquille les yeux et sourit au petit garçon, pour essayer de créer avec lui un contact. Alors qu’il est encore à l’image, on entend la forte respiration de Thomas en son hors-champ.
- Retour sur Thomas (idem plan 28), le temps de l’entendre poser à Gérard la question qui manifestement lui brûlait les lèvres : « Après demain tu seras encore là ? »
- Retour alors sur Gérard (idem plan 29). Le dialogue se poursuit sur lui.
- Retour sur Thomas (idem plan 28) au moment où Gérard répond : « Je le sais parce que je le veux. »
- Retour sur les deux femmes (idem plan 27). La grand-mère a gagné la bataille symbolique et silencieuse : c’est elle qui tient des deux mains et lève bien haut la veste en jean de son petit-fils, en l’appelant pour l’enjoindre de venir mettre sa veste. Et Marianne, qui au départ regarde dans la direction de Thomas, finit par baisser les yeux sur cette veste bleue qui lui a échappé.
- Séquence 14. Ext. Jour. Rue de Paris.
« Entre deux personnes »
- Plan taille. Gérard se tient devant la vitrine d’une pâtisserie, le sac à dos de Marianne sur l’épaule. À l’intérieur du magasin se trouvent Marianne et Thomas, comme leurs voix hors-champ le laissent entendre. Marianne et Thomas sortent de la pâtisserie et se dirigent vers la porte d’entrée de l’immeuble de la grand-mère, suivis en travelling par la caméra. Un air de piano et de saxophone démarre lorsque Thomas sort de la pâtisserie. À la porte, Marianne s’accroupit pour embrasser son fils, en l’entourant de ses deux bras. La caméra continue quelque peu son mouvement en s’éloignant en travelling arrière. Gérard reste hors-champ. Au moment où Marianne renvoie Thomas dans le couloir, on entend hors-champ une voix de femme. Marianne referme la porte de l’immeuble, Gérard n’ayant que le temps de surgir à nouveau dans le plan pour envoyer son « salut » à Thomas qui est déjà loin. Marianne récupère son sac à dos et pleure en rangeant son porte-feuille à l’intérieur. Gérard, lui, reste silencieux et retient presque Marianne au moment où elle lui prend la main pour partir, pensif.
- Séquence 15. Int. Jour. Cuisine de l’appartement de Marianne et Gérard.
« Entre deux personnes »
- Plan moyen. La musique continue au début de ce plan. Un coin de pièce : on est à l’intérieur de l’appartement de Marianne et Gérard. La porte est encadrée par l’interphone et le compteur d’électricité. La porte s’ouvre difficilement. Marianne entre alors, traverse le champ et passe immédiatement dans le hors-champ. Gérard, lui, reste présent à l’écran et referme avec difficulté la porte. Gérard reste planté quelques longues secondes devant la porte, tête baissée, puis se retourne en direction de Marianne.
- Contrechamp. Marianne, en plan rapproché, assise à la table du coin cuisine, un paquet de cigarettes posé à côté d’elle, se lève et se fait couler un verre d’eau, qu’elle commence à boire.
- Champ (idem plan 35). La musique s’interrompt au début de ce plan. Gérard reste encore campé quelques secondes silencieux, un rien fébrile, devant la porte, regardant d’abord en direction de Marianne, puis à nouveau vers la porte. Il pose alors la question qui lui brûlait les lèvres : « Pourquoi on prend pas Thomas avec nous ? Il serait plus heureux ». La réponse de Marianne commence hors-champ…
- …puis continue dans le contrechamp (idem plan 36). Marianne se rasseoit et commence à fumer une cigarette, sans regarder Gérard, ne lui montrant que son profil. Hors-champ, Gérard continue de parler.
- Champ (idem plan 35) montrant Gérard sur : « Personne peut t’empêcher d’avoir ton enfant, avec toi. »
- Contrechamp sur Marianne (idem plan 36) sur « Arrête de m’embêter avec ça ». Entendant que Gérard veut « juste comprendre », elle détourne le visage, excédée, refusant de le regarder.
- Séquence 16. Int. Jour. → Int. Jour. → Int. Jour. Lieux indéterminés.
« Entre deux personnes »
- Gros plan sur Gérard, un joint à la main. Son visage paraît exprimer toute la misère du monde. Hors-champ, la musique du Velvet Underground se fait entendre. La caméra panote alors sur la droite, et nous dévoile peu à peu la présence de Lolla à ses côtés. Elle est placée devant une toile où domine un bleu proche d’un bleu Klein. On peut supposer que c’est une toile de Martin. Elle est manifestement en train de rouler un joint, mais ses mains sont hors-champ. Elle regarde sept fois en direction de Gérard, lançant de petits coup d’œil furtifs et finit par sourire, avant de regarder en face d’elle. Mais que voit-elle ?
- Peut-être Martin que le plan suivant nous montre de profil en très gros plan, tête baissée, un keffieh enroulé autour du cou. Mais de nombreux indices laissent entendre que cette vision de Martin n’est pas ce que voit Lolla. En effet, aucune musique ne se fait plus entendre ici. Et le fond sur lequel Martin se détache est sombre, ce qui cadre mal avec le lieu plutôt clair dans lequel Gérard et Lolla se trouvaient. La caméra descend en panoramique sur les mains de Martin : il est en train de rouler un joint.
- Gros plan de face de Marianne, l’air ailleurs. Elle bouge un peu les yeux, puis se lève. La caméra, plutôt que de la suivre, recadre par un léger panoramique descendant, le haut du dossier de la chaise sur laquelle elle se trouvait : la caméra paraît comme retenue par l’absence symbolisée par cette chaise vide. Hors-champ, on entend très légèrement le bruit des pas de Marianne et, sans doute, le bruit d’une porte.
- Séquence 17. Int. Jour. Appartement de Marianne et Gérard.
« Entre deux personnes »
- Plan de demi-ensemble. Marianne rentre dans l’appartement qu’elle occupe avec Gérard. La caméra est placée à l’intérieur de la pièce et accueille Marianne, qui vient de l’extérieur. Marianne s’y reprend à plusieurs fois pour fermer la porte, puis fait quelques pas pour traverser la cuisine, la caméra la suivant en panoramique gauche.
- Plan moyen dans le couloir de l’appartement. Marianne filmée face caméra avance jusqu’à entrer dans sa chambre : la caméra la suit en panoramique à droite, et reste quelques instants sur la porte entr’ouverte.
- Plan poitrine sur Marianne, adossée contre la paroi d’un mur nu, presque délabré, la tête penchée sur sa droite, vers la gauche du cadre. Son visage reste parfaitement immobile : seuls ses yeux et ses paupières animent ce masque de pierre, seule la respiration fait que ce corps n’est pas statue.
- Gros plan de Gérard, filmé de dos, qui ouvre doucement la porte de la chambre et se tient, totalement silencieux, dans l’encadrement de la porte. Il regarde vers le sol sur la gauche, vers Marianne.
- Gros plan en légère plongée sur Marianne. Ce plan pourrait être considéré comme un plan subjectif de la vision de Gérard. Mais le regard de Marianne – qui sans doute possible regarde Gérard hors-champ – n’est pas exactement un regard adressé à la caméra. Une larme coule de l’œil droit de Marianne, puis son regard se met à suivre Gérard, hors-champ, qui tourne autour d’elle. L’ombre portée de Gérard vient se projeter sur son visage. Marianne est désormais de profil : elle fixe Gérard, silencieuse, le visage parfaitement impassible et fermé. Puis, par un panoramique descendant, la caméra vient cadrer la main de Marianne, que celle de Gérard vient serrer. Hors-champ, Marianne demande à Gérard s’il l’aime.
- Il répond « Oui » dans ce plan. Plan moyen de Marianne de face, adossée contre le mur et Gérard de profil, dans la position dans laquelle ils étaient dans le plan précédent, vus sous un autre angle. L’un des points notables visuellement, pendant tout ce dialogue, c’est l’ombre portée de Gérard sur Marianne, qui assombrit parfois son visage. Manifeste consternation de Marianne lorsque Gérard lui affirme qu’il l’aime mortellement. Peu avant la fin du plan, Marianne, qui est restée immobile jusqu’ici, tend les bras vers Gérard, en appel à venir l’embrasser. Mais devant l’absence de réaction immédiate de celui-ci, elle ferme les yeux et ramène ses mains sur son visage, non sans avoir levé ses mains en un signe d’arrêt fugitif, mais net. Ses deux mains masquent alors le bas de son visage. Et Gérard à son tour se prend le visage entre les deux mains.
- Séquence 18. Int. Jour. Cuisine de l’appartement de Marianne et Gérard.
- Plan moyen. Gérard entre dans l’appartement, la caméra l’accueillant à l’intérieur. Il ferme la porte, avance vers la caméra, attiré par quelque chose posé sur la table, jusqu’à être filmé en très gros plan, le visage baissé, fixant l’objet qu’il a trouvé. Il reste quelques instants debout, comme interdit, puis s’assoit, les jambes coupées par ce qu’il vient de découvrir. La caméra reste quelques secondes sur son visage, puis descend en panoramique en suivant le trajet de son regard et tombe sur l’objet regardé : une feuille de papier blanc, avec deux colonnes. C’est une liste comparative terme à terme entre deux hommesCette information ne peut être connue qu’à la lecture du scénario avant-tournage. En effet, si le spectateur peut apercevoir deux colonnes, il lui est impossible de distinguer les éléments qui y sont distribués. Première colonne : Gérard = vieille histoire, absence, Lolla et Martin, pauvreté, paroles, ADIEU. Deuxième colonne : Boris = nouvelle histoire, présence, personne (de connu), luxe, musique, MARIANNE. Cf. op. cit., p. 14. : Gérard et Boris.
- Séquence 19. Int. Jour. Un café.
« Entre deux personnes »
- Plan rapproché. Gérard et Martin sont dans un café. Au début du plan, Gérard est filmé de trois quarts face, Martin se tient au premier plan de l’image de trois quarts dos. En fond, la façade vitrée du café dans lequel ils se trouvent : une belle lumière bleu ciel s’en dégage. Après que Gérard a dit « c’est incroyable », travelling ou zoom avant, qui délaisse peu à peu Martin pour venir cadrer Gérard en très gros plan.
- Contrechamp. Gros plan sur Martin à « Toi, ça va ? » Gérard est à peine visible, de dos, en amorce gauche. Le fond qui se détache derrière Martin est sombre, tout en boiseries qui entourent un grand miroir. Contraste saisissant avec le fond précédent qui était derrière Gérard. Pendant qu’il parle, la caméra effectue un très léger recadrage sur la droite, pour inscrire le visage de Martin au centre du plan.
- Champ (idem fin du plan 51). Retour sur Gérard pour le voir dire : « Ce sera même mieux qu’avant, en un sens, comme dirait “Yeah man”. »
- Contrechamp (idem plan 52). Retour sur Martin à : « Gouré ? » Léger travelling avant, qui vient le cadrer en gros plan, en excluant totalement Gérard du champ.
- Champ (idem plan 51). À la fin de « moins surpris », retour sur Gérard.
- Contrechamp (idem plan 52). Retour sur Martin à « comment ça ? »
- Champ (idem plan 51). Après « c’est une femme », retour sur Gérard.
- Séquence 20. Int. Jour. Salon de l’appartement de Gérard.
« Entre deux personnes »
- Plan rapproché sur une cheminée dans laquelle brûle un feu. En amorce du cadre, dans le coin inférieur droit, on aperçoit les deux mains de Gérard, tenant un morceau de bois. La caméra, en panoramique droit, remonte jusqu’à son visage. Une fois à sa hauteur, les pieds d’une femme franchissent la porte attenante au mur de la cheminée. Comme aimantée par eux, la caméra se laisse emporter par leur mouvement. Le bruit des pas sur le parquet donne un aspect irrésistiblement théâtral à cette scène. Les pieds de la femme avancent un peu dans la pièce, puis s’arrêtent.
- Gros plan sur Gérard, filmé de dos, en légère plongée. Au bout de quelques instants, il se retourne en direction de celle qui se tient derrière lui.
- Contrechamp : c’est Lolla, filmée en légère contre-plongée, cadrée en plan poitrine. Elle reste totalement silencieuse.
- Champ. Retour sur Gérard (idem plan 59), qui se retourne vers la cheminée. Hors-champ, on entend les pas de Lolla.
- Gros plan sur Lolla, filmée en contre-plongée, puis en plongée lorsqu’elle s’accroupit près de la cheminée, seule à l’image, si ce n’est quelques mèches de cheveux de Gérard.
- Séquence 21. Int. Jour. Chambre de l’appartement de Gérard.
- Plan moyen sur Gérard, tout habillé sur son lit, en train de dormir sur le dos. On voit distinctement dans ce plan que le mur du fond est par endroit défoncé. Il soupire.
- Séquence 22. Int. Jour. Chambre de l’appartement de Gérard.
« Entre deux personnes »
- Plan moyen sur Gérard au lit, enroulé dans le drap blanc, pensif. Une femme – Linda – assise au bas du matelas, enfile ses chaussures. L’ombre de son corps se projette sur Gérard.
- Gros plan sur Linda, de profil. Dialogue avec Gérard hors-champ. Elle commence à s’avancer vers la porte de la pièce – la caméra la suit en panoramique gauche – puis s’arrête dans l’encadrement de la porte, pour parler en direction de Gérard, dans le hors-champ à gauche. Puis elle sort, repasse la tête dans l’encadrement de la porte pour lui dire « salut », puis repart. Elle s’interrompt alors un bref instant, indécise – on ne voit qu’un bout de sa robe et quelques mèches de ses cheveux frisés – avant de partir définitivement.
- Séquence 23. Int. Jour. Appartement de Gérard.
« Entre deux personnes »
- Plan rapproché. Gérard, tout habillé, affalé sur son lit sur le ventre, filmé en plongée. On entend frapper hors-champ. Il soupire.
- Gros plan. Martin entre dans l’appartement, silencieusement. Encore une fois la caméra est déjà à l’intérieur. Martin entre et avance, la caméra le suit en travelling arrière et panoramique gauche.
- Gros plan. La caméra le récupère à l’entrée de la chambre, dans l’ombre. Il voit Gérard sur le lit, s’assoit à côté de lui. Il reste silencieux quelques instants, puis propose à Gérard d’aller prendre un café.
- Plan sur Gérard (idem plan 66) qui réagit, mais ne parvient pas à sortir de sa torpeur.
- Séquence 24. Int. Jour. Lieu indéterminé (sans doute l’appartement de Gérard).
« Entre deux personnes »
- Très gros plan sur la ceinture d’une robe rougeUne scène, proche mais très différente, se trouve dans le scénario qui laisse à penser que cette robe est celle de Linda (désignée dans le scénario sous le patronyme de Mme Lederman) : « On avait frappé. Madame Lederman parut à la porte. Son visage était doux et blanc et ses yeux remplis de tendresse. Il la tira à l’intérieur et l’embrassa sur la bouche. Elle avait passé un manteau de fourrure (c’était l’hiver) et elle lui fit immédiatement penser à une abeille (ma petite abeille, il pensa en lui ôtant doucement son manteau). Il la fit entrer dans la première chambre, la coucha sur le matelas qui se trouvait par terre et sans cesser de l’embrasser, descendait la fermeture éclair de sa jupe. “Attends”, dit-elle, et elle commença à se dévêtir. Il fit sauter la ceinture de son pantalon et après qu’elle ait ôté son soutien-gorge et sa culotte, il se coucha sur elle et la pénétra doucement. » Cf. op. cit., p. 21. à fleurs blanches, nouée à l’avant. Les mains de Gérard tentent de défaire le nœud. Mais devant sa maladresse, les mains de la femme prennent le relais. Gérard commence à déboutonner la robe.
Fermeture au noir
(inachevée, ce qui a pour effet de « révéler » l’extérieur de la pièce, qui passait relativement inaperçu pendant l’exécution du geste).
- Troisième époque.
-
- Séquence 25. Int. Jour. Salon de l’appartement de Gérard.
- Plan rapproché sur l’encadrement délabré d’une porte. Ce plan donne d’abord à voir une brèche. Hors-champ, la sonnerie d’un téléphone. Deux sonneries avant que Gérard n’entre dans la pièce et se dirige vers le téléphone, tout proche de l’entrée de la pièce, suivi en panoramique à droite par la caméra. Il décroche à la troisième sonnerie. Le téléphone est posé sur le rebord de la cheminée, au-dessus de laquelle on aperçoit parfois, en amorce, le miroir d’une grande glace. La voix de Marianne au téléphone est parfaitement audible. Dans le miroir, tout à fait en bord cadre, le profil de Gérard se reflète. Pris en tenaille entre le coin de la porte et la bordure du cadre du miroir, un léger effet de cadre dans le cadre concentre l’attention visuelle sur Gérard. On sent que Gérard est parfois au bord des larmes, complètement interloqué par ce coup de fil de Marianne. Après avoir raccroché, il reste accoudé contre le bord de la cheminée, se frottant le bas du visage avec son poing. Interdit.
- Séquence 26. Ext. Jour. → Int. Jour. Palier de l’appartement de Gérard, toilettes de l’appartement, salle de bains de l’appartement.
« Entre deux personnes »
- Plan rapproché sur la face extérieure de la porte d’entrée de l’appartement de Gérard, sale et bleue. En son hors-champ, presque imperceptibles, on entend les pas de Gérard qui s’avance. Dans le coin supérieur droit du cadre, quelques mèches blondes de Marianne apparaissent et témoignent de sa présence hors-champ, qui resterait, sans ce petit indice, parfaitement inaperçue. Gérard ouvre la porte. Il reste interloqué un court instant, puis esquisse un léger sourire. Sur celui-ci démarre la musique – piano plus violon – qui va courir sur toute la séquence et prendre en écharpe les quatre plans qui la constituent. Il regarde encore un instant Marianne, puis jette un œil vers les pieds de celle-ci, puis regarde à nouveau Marianne, plus interrogatif. Hors-champ, Marianne dit : « Il est en prison ». Après « Tu viens vivre ici en attendant qu’il sorte » et alors que la réponse de Marianne est comme en suspens, un léger travelling arrière, doublé d’un panoramique à droite, commence, qui fait apparaître un tout petit peu plus Marianne de dos dans le champ, alors que Gérard est de plus en plus masqué par la bordure du cadre d’entrée du couloir.
- Gros plan sur Marianne après sa réponse, filmée légèrement de biais sur sa gauche. Un zoom avant fait passer le plan d’un gros plan à un très gros plan.
- Plan moyen des toilettes de l’appartement. Marianne, assise, sur la cuvette des w.-c., embrasse Gérard accroupi près d’elle et qui lui tient la main. Marianne commence à uriner, tout en continuant à être embrassée par Gérard. Elle se met à rire. Leurs deux visages s’éloignent alors quelque peu l’un de l’autre. Gérard ne lâche pas la main de Marianne, pendant qu’il ferme les yeux pour mieux entendre le bruit du jet d’urine de Marianne et qu’elle le regarde. Gérard rouvre les yeux au moment où le bruit de l’urine ne se fait plus entendre. Gérard ne lâche la main de Marianne qu’au moment où celle-ci ramasse le cylindre de carton d’un rouleau de papier toilette usagé et le déchire pour pouvoir s’essuyer. Une fois fini, elle se relève pour remonter sa culotte, tire la chasse, puis s’accroupit pour embrasser Gérard qui n’a pas changé de position. Elle reprend un peu de distance par rapport à lui : le plan s’achève sur les deux protagonistes accroupis, se regardant les yeux dans les yeux.
- Plan rapproché. Dans la salle de bain, filmée en plongée légère, de trois quarts dos, Marianne déplie une dose d’héroïne. Près d’elle, posée sur un rayon d’étagère, une lame de rasoir. Une fois ouverte, elle appelle Gérard. Une fois celui-ci dans le hors-champ immédiatement contigu au champ (comme la présence de son ombre portée dans le champ nous l’apprend), elle lui tend la dose.
- Gros plan sur Gérard de profil : il prend la dose d’héroïne hors-champ et reste silencieux, passant du regard de la dose à Marianne, toutes deux hors-champ.
- Séquence 27. Int. Jour. Une rame de métro.
« Entre deux personnes »
- Gros plan de Gérard, la raie sur le côté, assis dans une rame de métro qui file vers la gauche. Arrivé à la station, il est interpellé en descendant de la rame par une voix hors-champ : on reconnaît la voix de Martin. Le plan reste sur Gérard pendant toute la conversation. Après la fermeture des portes, la caméra reste accrochée au visage de Gérard qui s’éloigne sur la droite : le visage de Martin, de profil, entre alors dans le cadre, filmé en très gros plan. Il esquisse un léger sourire. La caméra reste braquée sur lui jusqu’à la fin du plan.
- Séquence 28. Int. Soir (pénombre). → Int. Soir. → Int. Soir. → Int. Soir. Chambre de l’appartement de Marianne et Gérard, cuisine, chambre, autre chambre.
« Entre deux personnes »
- Plan poitrine. Dans la pénombre, Marianne coud. Le téléphone sonne hors-champ : Marianne tourne la tête vers la gauche du cadre en l’entendant. À la deuxième sonnerie, on entend Gérard décrocher hors-champ. Marianne poursuit sa couture. En entendant Gérard dire : « je suis avec Marianne », Marianne se gratte légèrement le cou, en signe d’un léger malaise qui commence à la poindre. Gérard vient demander à Marianne si Linda peut passer chez eux. La caméra reste sur Marianne pendant toute la durée du plan.
- Plan moyen dans l’entrée de l’appartement, où se tiennent dans la pénombre, Gérard et Linda. Ils sont tous les deux silencieux, Gérard se grattant le dos pour se donner une contenance, rendu nerveux et mal à l’aise par la situation.
- Plan taille. Marianne, filmée en plongée légère, est accoudée sur le lit sur le côté. Hors-champ, on entend les bruits de pas de Gérard et Linda qui s’avancent. Après que Gérard a dit « Marianne, je te présente Linda », la caméra panote en diagonale ascendante sur la gauche pour venir cadrer Gérard et Linda qui se tiennent dans l’encadrement de la porte. Gérard, à peine a-t-il dit « Linda, Marianne », s’éclipse. Linda salue Marianne en allemand, et la caméra fait le trajet inverse pour revenir cadrer Marianne, qui lui répond en français. Le plan dure un moment sur cette image, où l’on voit Marianne esquisser un sourire dans lequel semble pointer une certaine ironie.
- Plan moyen. Filmés au ras du sol, Gérard et Marianne sont assis dans leur lit, dans la pénombre. Gérard dit à Marianne d’aller demander à Linda de venir dormir avec eux. Marianne s’exécute, Gérard reste seul un moment, puis Marianne revient en affirmant que Linda ne veut pas venir. On remarquera que l’on n’a rien entendu du tout dans le hors-champ, pas le moindre bout de parole échangé entre les deux femmes. Marianne dit que Linda a dit qu’elle veut Gérard. Gérard se lève pour aller retrouver Linda, mais Marianne le supplie de rester avec elle.
- Plan poitrine sur Linda, dans une grande obscurité qui la fait être ombre parmi l’ombre. Elle est accroupie au sol, adossée contre le mur. Au bout de quelques instants, on entend les pas de Gérard hors-champ. Puis, toujours hors-champ, il lui demande de venir avec eux. Après le « Moi, j’ai besoin de toi ce soir », Gérard s’accroupit près de Linda. La caméra panote légèrement vers la droite pour venir cadrer les deux personnages et voir Gérard s’asseoir. La caméra vient recadrer uniquement Linda, qui montre à Gérard les coups que son mari lui inflige. Puis, après quelques secondes de silence, Linda se lève après le refus de Gérard de la baiser et la caméra panote pour venir cadrer Gérard, presque invisible dans la pénombre.
- Séquence 29. Ext. Jour. → Int. Jour. Cour intérieure de l’immeuble de l’appartement de Marianne et Gérard, chambre de l’appartement.
« Entre deux personnes »
- Plan rapproché. Gérard est assis sur le perron de la porte du couloir de l’immeuble qui mène à son appartement. Il sniffe un peu d’héroïne à même une dose, à l’aide d’un billet roulé. Les deux narines y passent. Il s’essuie le nez. Jette un œil autour de lui pour être certain que personne ne l’observe, replie soigneusement la dose, lèche l’intérieur du billet pour ne rien laisser perdre, puis se lève et rentre chez lui.
- Très gros plan sur Marianne alitée, le visage bouffi par les pleurs et la douleur qui la tenaille, le drap remonté jusqu’à la hauteur de son menton : elle est en pleine crise de manque. En entendant Gérard arriver, elle semble reprendre vie et s’empresse d’ouvrir la dose qu’il lui a tendue. La caméra reste sur son visage jusqu’à : « Que ça ? »
- Contrechamp sur Gérard, près d’elle, filmé en très gros plan et en contre-plongée.
- Champ (idem plan 84). Retour sur Marianne pour : « Rends moi le fric. »
- Contrechamp (idem plan 85). Retour sur Gérard pour : « Calme toi. »
- Champ (idem plan 84). Retour presque immédiat sur Marianne. Au moment où Gérard approche sa main près de son visage, Marianne se lève précipitamment et sort de la pièce.
- Contrechamp (idem plan 85). Retour sur Gérard. On entend hors-champ Marianne pleurer et s’éloigner.
- Séquence 30. Int. Jour. Cuisine de l’appartement de Marianne et Gérard.
« Entre deux personnes »
- La musique démarre au début du plan. Gros plan de Marianne, dans la cuisine, filmée de profil. Le visage penché en avant, le regard perdu. Au bout de quelques instants, elle tourne la tête vers Gérard, derrière elle, dans le hors-champ à gauche. Pendant tout le plan, Marianne refait à plusieurs reprises ce mouvement, pour à chaque fois reprendre sa position initiale. Au fur et à mesure de la conversation, le visage de Marianne exprime de plus en plus l’exaspération devant les réponses de Gérard. Mais elle esquisse un sourire lorsque Gérard lui annonce qu’elle vient de donner la définition de l’amour la plus exacte qu’il ait jamais entendu. Le plan reste sur elle jusqu’à « Tu sais je crois que ça c’est vrai. »
- Gros plan sur le repas en train de cuire. « Et moi ? Tu penses que je t’aime vraiment ? » entendons-nous hors-champ. Changement de plan immédiatement à la fin de cette question.
- Plan rapproché. Panoramique gauche de la main de Marianne au visage de Gérard, que l’on découvre assis à une table derrière Marianne. Près de Gérard, on distingue quelques volutes de la fumée d’une cigarette, tandis que Gérard tient un stylo blanc à la main. Gérard a, le plus souvent, le visage tourné vers Marianne hors-champ. Le plan demeure sur lui jusqu’à son terme.
- Séquence 31. Int. Jour. Atelier de peinture de Martin.
« Entre deux personnes »
- Gros plan sur Martin, de trois quarts face, les yeux baissés. Derrière lui, des cadres de toiles de peinture retournés contre un mur. Martin lit la lettre de Gérard adressée à Marianne. En panoramique, la caméra descend le long du corps de Martin, croise la lettre blanche qu’il tient entre ses mains, mais ne s’y arrête pas un instant pour continuer son mouvement et venir cadrer la longue table de travail de Martin, sur laquelle se trouvent posés un pinceau, un pot de peinture fermé, un petit bol d’eau marron et cinq tubes de gouache. La table est parsemée de vieilles taches de peinture séchées qui paraissent former une toile tachiste, multicolore et abstraite. Le plan dure un tout petit peu plus longtemps que le temps de la lecture de la lettre.
- Plan poitrine sur Gérard, qui explique à Martin que Marianne est retournée vivre en Allemagne. Le coin de la pièce dans laquelle il se trouve est assez sombre, pas assez cependant pour nous empêcher de distinguer le fond : vraisemblablement un tapis indien ou d’Amérique du sud. L’ombre portée et mobile de Martin qui bouge sur le visage de Gérard nous apprend qu’il se tient à la droite de son ami, dans le hors-champ à gauche. Le plan change de nature après « Je te l’avais dit que tu partirais » : la caméra effectue un mouvement de travelling circulaire sur la droite qui peu à peu vient cadrer Martin en tournant autour de son buste et en rejetant Gérard hors-champ. Martin est assis à même le sol juste devant un miroir qui paraît posé de biais sur le sol. Dans la glace se reflète un coin du hors-champ, mais si flou et si abstrait qu’il est impossible d’y distinguer autre chose qu’un ensemble d’aplats bleutés. Le plan demeure sur Martin jusqu’au bout, Gérard le quittant excédé après « T’as qu’à attendre, toi ».
- Séquence 32. Int. Jour. Parquet d’un lieu indéterminé, sans doute l’appartement de Gérard.
- Très gros plan en plongée sur une dose d’héroïne dépliée et consommée et une seringue usagée dans laquelle on distingue le rouge pâle d’un peu de sang, posées à même le sol, sur des lattes d’un parquet sur lesquelles se trouvent des débris de plâtre et de peinture écaillée. Au bout de quelques secondes, la main de Gérard ramasse le tout et le peu de son ombre portée qui apparaît dans le champ nous fait comprendre qu’il se lève et s’éloigne.
- Séquence 33. Int. Jour (pénombre). Cuisine de l’appartement de Martin.
« Entre deux personnes »
- Plan moyen. Dans une cuisine où règne la pénombre, Martin tourne le dos à la caméra. Il essuie de la vaisselle. Gérard, légèrement précédé de son ombre portée, entre par le côté droit du cadre, en déambulant nonchalamment, vient se poster à la droite de Martin, puis passe dans son dos pour venir s’adosser contre la paroi du mur à sa gauche. Le plan se termine sur cette situation : Gérard, au bord d’étouffer, incapable de mettre des mots sur le malaise qu’il ressent, Martin, en arrêt, ne sachant trop quoi penser de l’état dans lequel se trouve son ami.
Fermeture au noir
(celle-ci est presque achevée, mais il demeure jusqu’au bout un rien de lumière, notamment dans le coin supérieur gauche).
- Quatrième époque.
-
- Séquence 34. Ext. Jour. → Int. Jour. Place de la République, le balcon d’un appartement, l’appartement.
« Entre deux personnes »
- Plan d’ensemble en plongée, caméra postée très en hauteur par rapport au sol. Ce plan donne à voir un des angles de la place de la République à Paris. De nombreuses voitures passent dans le champ, puis viennent s’arrêter au feu rouge devant un passage pour piétons, traversé par une femme. Autour, quelques arbres agrémentent le paysage urbain. La caméra entame alors un mouvement panoramique sur la droite, légèrement ascendant pour suivre la ligne de crête des arbres, découvrant au bout de quelques secondes la statue principale fichée au centre de la place, pour finir par s’interrompre lorsque cette statue se trouve à l’extrême gauche du cadre. On entend la rumeur de la ville, essentiellement constituée de bruits de moteurs.
- Plan taille sur Gérard, adossé sur le mur d’un balcon, baillant en jetant un regard désabusé autour de lui, d’abord en bas, puis en hauteur. Au bout d’un moment, il fait un demi-tour sur lui-même pour rentrer à l’intérieur. Là encore, c’est le bruit de la rumeur de la ville qui domine, dans lequel on reconnaît la pétarade caractéristique d’une mobylette.
- La rumeur sonore n’est pas interrompue de façon nette et franche, mais, en une sorte de fading sonore très bref, mais sensible. Plan moyen. Gérard dans une cuisine, en train d’allumer le feu d’une gazinière pour faire chauffer une cafetière. Cette cuisine contraste fortement avec tous les autres lieux que l’on a pu voir pour le moment – signe que c’est un appartement tout à fait différent de celui qu’il occupait avec Marianne – avec son lave-vaisselle, son pan de mur rouge, la clarté de la lumière qui baigne ce lieu. Gérard fait presque un tour complet sur lui-même, en s’interrompant au moment où il se trouve en face du coin où l’on devine que loge la fenêtre, puis s’avance vers la caméra, tourne devant elle et va légèrement entrouvrir la porte d’entrée de l’appartement. La caméra accompagne son geste, en donnant à voir sa main tirant sur la serrure. Puis Gérard fait demi-tour et retourne s’occuper de la cafetière dans la cuisine. Le cadre vide de la porte de la cuisine forme un cadre dans le cadre net.
- Gros plan sur la porte bleu-nuit entrebâillée. Ce début de plan constitue quasiment une toile abstraite, comme une toile monochrome bleue fendue verticalement par le milieu. En hors-champ, on entend le tintement caractéristique d’une petite cuillère, au moment même où un corps vient opacifier une partie de la fente lumineuse. C’est Aline qui, après un très court laps de temps d’immobilité, ouvre la porte en regardant sur la droite du cadre, entre tout de suite en laissant derrière elle la porte légèrement entrebâillée, comme elle l’avait trouvée. À peine a-t-elle eu le temps de se retourner que le plan change.
- Gros plan sur Gérard, de profil, dans la cuisine, tête baissée, vraisemblablement en train de préparer le café. Il tourne ostensiblement le dos à la porte de la cuisine. Voix hors-champ d’Aline : « Bonjour ». Gérard met plusieurs secondes avant de se retourner, comme s’il y mettait toute la mauvaise volonté possible, comme s’il retardait au maximum l’instant de la voir. Puis il se retourne, prend le temps de regarder Aline, ne lui rend aucune formule de politesse, se tourne à nouveau vers le mur du fond de la cuisine et finit par demander à Aline si elle veut un café. Gérard, anticipant la réponse d’Aline – même si on ne le voit pas, on se rend compte que c’est ce qu’il est en train de faire dans l’immédiat hors-champ – se met en position de servir un café. Mais c’est un « Non » qu’Aline lui répond au bout d’un temps plus long que n’en nécessite cette réponse – ce qui fait poindre sur le visage de Gérard un signe manifeste d’agacement.
- Contrechamp sur Aline, en plan poitrine, qui se tient dans l’encadrement de la porte. Sa vaste ombre portée se projette sur le mur blanc proche d’elle. L’espace exigu dans lequel elle se trouve est constitué de blanc et de bleu. Elle annonce à Gérard qu’elle est une amie de Catherine.
- Champ. Retour sur Gérard (idem plan 101). Il tourne toujours ostensiblement le dos à Aline, en tête-à-tête avec le mur devant lui, buvant son café dans une tasse. Il pose sa tasse et soupire, comme excédé par la présence de cette femme dans son dos et dans le même espace de vie que le sien. En son hors-champ, on entend les pas d’Aline s’éloignant en faisant craquer doucement les lattes de ce qu’on devine être un vieux plancher.
- Séquence 35. Int. Jour. L’appartement.
- Plan taille. Montage cut entre les deux plans. À l’intérieur de la salle de bains, la caméra filme le coin où se trouve le cadre de la porte d’entrée de la pièce. Aline – dans une attitude qui finit par lui être caractéristique, puisque c’est la deuxième fois qu’on la voit l’adopter : passer le corps à travers une ouverture, en se tenant par les deux mains sur chacun des pans du mur sur lequel est troué l’espace du passage – demande à Gérard, hors-champ, s’il veut manger. La caméra panote alors en suivant la diagonale de son regard et interrompt son mouvement sur un plan moyen nous montrant Gérard, assis dans la baignoire, en train de prendre un bain. La réponse de Gérard à la proposition d’Aline est positive. Gérard se trouve dans une baignoire blanche, cernée tout autour de carreaux noirs. Hors-champ, on entend Aline s’éloigner. À l’image, Gérard tourne fugitivement la tête en direction d’Aline, tout en se frottant les cuisses dans son bain. Au moment où Aline revient, il est en train de frotter une savonnette contre la paume de ses mains. Aline lui tend alors une assiette de pommes de terre, munie d’une fourchette. Aline se tient encore pour l’essentiel hors-champ : seul son bras droit apparaît dans le plan et un pan de sa robe à fleurs. Elle tend l’assiette à hauteur du visage de Gérard, ce qui a pour effet de le masquer en partie. Gérard lâche alors sa savonnette dans l’eau, s’essuie les mains contre ses cuisses, tend les deux mains pour prendre l’assiette et attrape au passage le poignet d’Aline. Celle-ci se baisse aussitôt. C’est alors leur premier vrai échange de regards. La caméra panote très légèrement pour venir recadrer les deux personnages ensemble dans la même image. Ils s’embrassent, Gérard tenant toujours son assiette de pommes de terre à la main, bien à l’horizontale. Puis Aline se relève et sort. Gérard se met à manger avec avidité quelques rondelles de pommes de terre. Au bout de quelques fourchetées, il pose son assiette sur le rebord de la baignoire, s’asperge le visage d’eau et le frotte à deux mains. Il finit alors par se lever, fait le tour de la pièce du regard, sort de la baignoire et enfile encore mouillé sa chemise. Il enfile son pantalon et sort de la salle de bain, à la recherche d’Aline.
- Gros plan, en plongée légère, sur Gérard dans la pénombre, sans doute assis à même le sol, les cheveux mouillés et une goutte d’eau perlant au bout de son nez, le regard tourné vers le hors-champ droit.
- Plan taille d’Aline et de Gérard, filmés en panoramique gauche, tirant ensemble un matelas à même le sol, pour le faire passer d’une pièce dans une autre. Ils le disposent alors contre un mur blanc, porteur de nombreuses moulures. La caméra focalise son attention sur Aline qui reprend un instant son souffle accroupie au bord du matelas, puis se relève et sort. La caméra vient alors en panoramique gauche cadrer Gérard, assis sur le lit, adossé contre le mur. Il regarde quelques instants en direction d’Aline puis, l’air totalement perdu, jette un oeil dans la direction opposée, avant de retourner à nouveau la tête de l’autre côté, en entendant les bruits de pas d’Aline approchant. La caméra effectue alors un mouvement panoramique en diagonale ascendante vers la droite et repart en sens inverse au moment où Aline entre dans le champ et s’avance vers le lit, en chemise de nuit blanche, une paire de draps à la main. Elle fait le lit en vitesse – un drap sur l’autre, simplement étendus – puis se glisse dans le lit. La caméra, qui ne l’a pas quittée, effectue un panoramique sur la gauche, pour inclure Gérard dans le cadre, qui entre à son tour, tout habillé dans le lit, pendant qu’Aline regarde sans discontinuer son visage. Alors Aline s’accoude, sa tête reposant sur sa main droite ; Gérard fait de même. Ils se regardent silencieusement. Mais si Aline paraît tout à fait sereine, immobile, stable dans la position qu’elle a adoptée spontanément, Gérard lui paraît plus intranquille, plus mal à l’aise, plus angoissé et pour tout dire plus adolescent : comme s’il s’apprêtait à faire l’amour avec une femme pour la première fois. Aline, au bout de quelques secondes, se rapproche un peu plus de Gérard, qui finit par oser lui caresser le bras et – on ne voit pas très bien – peut-être même les seins.
- Insert : plan d’ensemble de ciel bleu dans lequel flotte une épaisse masse nuageuse blanche. Au premier plan de l’image, dans le tiers inférieur, le haut d’un fer forgé de fenêtre. À gauche, le bout du toit d’un immeuble, avec cheminées et antennes de télévision.
- Plan rapproché d’Aline et Gérard dans le lit. Elle a la tête posée sur ses jambes et contre son torse. Il est assis contre le mur et ose à peine la toucher de ses deux mains. Il tourne la tête vers la gauche du cadre, puis la regarde à nouveau. Elle pose son bras gauche un peu plus haut sur lui. Il pose une main sur sa main, l’autre sur son épaule.
- Très gros plan sur leurs deux visages tournés l’un vers l’autre. Aline dort, Gérard a les yeux ouverts. Au bout de quelques instants, il se lève, découvrant légèrement le sein droit d’Aline. Le plan dure encore quelques instants sur Aline endormie.
- On retrouve Gérard, cadré en plan rapproché, regardant à travers la vitre d’une fenêtre, rendu au mutisme de la nuit. Il finit par poser son front contre la vitre, puis se retourne vers le hors-champ droit, son visage presque entièrement masqué par une ombre portée, puis recommence à regarder par la fenêtre. Dehors, seule lueur dans le noir, une pointe de lumière jaune et rouge, qui paraît réchauffer la nuit.
Ouverture au noir.
- Séquence 36. Int. Jour. Salle à manger d’un appartement.
- Plan poitrine. Aline, assise à une table, tient un petit bébé dans ses bras : le petit Ben, son fils. Derrière eux, un mur relativement neutre, couleur crème. Le bébé joue avec une serviette posée sur la table. Aline se frotte le nez contre le crâne de son enfant. En hors-champ, dans le coin inférieur droit, on aperçoit le bout de la manche d’une veste bleu marine. La caméra panote sur la droite et vient cadrer Gérard seul. Il regarde en direction du bébé, désormais hors-champ. En tendant les bras et en agitant le bout des doigts, Gérard fait signe à Aline, hors-champ, de lui passer le bébé.
- Plan d’ensemble. On retrouve Gérard avec le bébé dans les bras, en fond de champ, assis en bout de table, Aline à sa droite, c’est-à-dire à gauche du cadre. Autour d’eux, une femme et deux enfants déjà grands. À l’autre bout de la table, en face de Gérard, au premier plan de l’image, une autre assiette attend son convive. Tous les regards sont tournés vers le petit enfant, véritable « foyer de fascination », point de convergence qui appelle tous les regards. La femme à la gauche de Gérard détourne cependant un instant le regard pour voir l’enfant qui est assis à sa gauche, semble avoir un coup d’œil furtif vers la caméra, puis regarde son assiette.
- Gros plan sur un homme. Il trinque avec les autres convives hors-champ, faisant tinter son verre de vin rouge en l’entrechoquant avec les autres verres. En fond de plan on peut remarquer un poste de télévision éteintDans le scénario, cette séquence est beaucoup plus développée, agrémentée d’indications nettement plus précises que celles qui subsistent dans le film. On apprend ainsi que c’est chez le frère d’Aline que Gérard et elle déjeunent. Quant à la télévision, elle devait donner occasion à un bref échange dialogué qui donne la teneur du caractère un peu « beauf » qui devait se dégager du personnage de Robert (le frère), finalement complètement gommé dans le film : « Robert : Oh, dites donc, si ça ne vous ennuie pas j’allume. Y’a France-Écosse qui commence dans deux minutes. Si on gagne, c’est le Grand Chelem. Le fils : Et après, il y a Proust. Robert : Prost, imbécile. » Cf. op. cit., p. 45. . Il apprécie la qualité du vin.
- Gros plan sur l’enfant qui se tient à la droite d’Aline à table. À la droite du cadre, apparaît au début du plan le visage d’Aline. Apparaît aussi le bras de l’homme à la gauche de l’enfant, qui coupe le rosbif et fait la distribution des tranches autour de lui. L’enfant ne cesse de jeter des regards hors-champ, dans toutes les directions, et sourit.
- Retour sur l’homme (idem plan 113). Il continue de couper la viande, interroge du regard Gérard puis Aline hors-champ, et finit par donner la tranche qu’il vient de couper à Aline.
- Gros plan en plongée sur le bébé dans les bras d’Aline, la moitié du corps caché par le plateau de la table. Aline tient la main droite de son bébé. Le silence règne autour d’eux, sinon quelques bruits atténués de vaisselle.
- Séquence 37. Int. Jour. Cuisine de l’appartement d’Aline et Gérard.
« Entre deux personnes »
- Plan moyen. Aline se tient de dos, la tête penchée vers l’avant et Gérard, près d’elle, lui fait passer quelque chose qu’il vient d’égoutter : ils sont manifestement en train de préparer le repas dans la cuisine. Le mur du fond est d’un blanc terne. À gauche, une fenêtre qui ouvre le plan sur un en-dehors plus verdoyant : on entend le pépiement de quelques oiseaux à l’extérieur. Gérard fait un aller-retour droite-gauche dans le cadre. Aline interrompt tout à coup ce qu’elle était en train de faire, se retourne vers Gérard, dit « Chut » et, tout en essayant d’écouter au maximum, lui demande s’il n’entend pas. Gérard se met à écouter, fait signe qu’il n’entend rien et Aline finit par dire : « Non, ce n’est rien. » Le temps pour Gérard d’égoutter encore un légume, de le tendre à Aline : le téléphone se met à sonner. Il sonne une deuxième fois avant que Gérard ne décroche, hors-champ. À chaque sonnerie, Aline imite la sonnerie. Après qu’il a décroché, la voix de Gérard ne se fait pas entendre pendant la conversation. Celle de Marianne, en revanche, possède une intensité sonore absolument non-réaliste, tout à fait artificielle, qui vient occuper le premier plan de l’image. La voix hors-champ de Marianne envahit ici tout le premier plan sonore, alors qu’à l’image Aline se tient de dos, continuant la préparation du repas. En même temps que Marianne dit à Gérard « Je suis triste », Aline demande « Qui est-ce ? », toujours tournée contre le mur. Gérard entre quelques secondes plus tard dans le champ, le téléphone collé à l’oreille et annonce à Aline que c’est Marianne. La caméra panote légèrement pour l’inclure un peu plus dans l’image. Il ajoute qu’elle est au café en face ce qui, on le notera, n’a pas été dit par Marianne dans ce qui est donné à entendre au spectateur. Aline se retourne alors le visage tombé de trois étages, l’air totalement consterné dans lequel il est possible de lire aussi de la peur. Elle paraît avoir le souffle coupé. Finalement, elle dit à Gérard de la rejoindre au café parce qu’elle ne veut pas la voir. Dans cette image, Gérard se tient en amorce du cadre, sur le côté gauche, devant le cadre de la fenêtre. Gérard dit à Marianne, encore dans le champ, qu’il arrive, puis sort du champ. L’image est maintenant nettement séparée en deux parties distinctes presque égales : la partie gauche, avec la fenêtre ouvrant sur le vert d’une végétation luxuriante, la partie droite, blanche, dans laquelle se tient Aline. Elle finit par s’appuyer contre le mur, comme pour réaliser la nouvelle qui vient de lui tomber sur la tête.
- Séquence 38. Int. Jour. Café.
« Entre deux personnes »
- Plan moyen, en plongée légère. Marianne, vêtue de noir, est accoudée au bar d’un café. Hors-champ, les pas de Gérard se font entendre : il entre dans le cadre par la droite. Marianne tourne la tête vers lui l’instant avant qu’il pénètre dans le champ. Petit sourire timide et ému de Marianne. Gérard l’embrasse sur la joue. Du visage infiniment pâle de Marianne, se sont surtout ses deux yeux noirs qui ressortent. Gérard s’assoit à la gauche de Marianne ; elle ne cesse de le fixer du regard pendant qu’il commande. Pendant le reste du plan, Gérard est de trois quarts dos, Marianne de trois quarts face. Pendant que la discussion s’amorce, le barman sert Gérard et apparaît fugitivement du côté gauche du cadre. Gêné, ne sachant pas quoi dire, Gérard baisse la tête, toussote. Et Marianne lui présente la lettre qu’il lui avait écrite au moment de la quitter et que Martin lui a remise. Gérard ose à peine regarder Marianne en face et quand il la regarde, ne trouve rien à lui dire.
- Très gros plan sur Marianne pour « Bon, on y va ? ». C’est là que le noir qui entoure ses yeux apparaît le plus, comme un rimmel de pur tristesse. Point d’orgue de la déception qu’elle éprouve.
- Séquence 39. Ext. Jour. Rue et façade d’un hôtel.
« Entre deux personnes »
- Plan devant l’entrée de l’hôtel Auguste. Marianne et Gérard entrent dans le cadre par la gauche. Hors-champ, la rumeur de la ville, la voix d’une petite fille qui dit « Papa ». Gérard laisse Marianne devant l’hôtel et sort du cadre par la gauche. Marianne entre dans l’hôtel.
- Séquence 40. Int. Jour. Salon de l’appartement d’Aline et Gérard.
- Plan moyen, en plongée légère, d’Aline au téléphone, assise à l’extrême droite de son canapé. Elle téléphone à Marianne. Gêne extrême d’Aline. Elle propose tout de même à Marianne une rencontre.
- Séquence 41. Int. Jour. Chambre d’hôtel de Marianne.
« Entre deux personnes »
- Plan rapproché sur Marianne, entièrement vêtue de noir, un bandeau noir dans les cheveux, en train de se préparer un joint. Bord cadre, à droite, un petit verre de cognac. Le haut d’une bougie allumée dépasse de la partie basse du cadre. Deux coups à la porte hors-champ. Marianne s’empresse de camoufler ce qu’elle est en train de faire. La caméra panote à droite, en mouvement ascendant. Un air de musique, où se mêlent piano et saxophone, démarre. Une fois que Marianne a dit « Oui », Gérard entre, sourit en voyant Marianne se rouler un joint, désormais hors-champ.
- Plan rapproché sur Marianne. Gérard se penche pour l’embrasser. Court dialogue à propos d’Aline qui le cherchait, Gérard franchit le champ de droite à gauche, en masquant au passage Marianne. Le plan demeure fixe sur Marianne jusqu’à « avant de me coucher », puis panote sur la gauche, d’abord à l’horizontale, puis en diagonale ascendante pour venir cadrer Gérard en gros plan, de profil. La nouvelle du départ le lendemain de Marianne laisse Gérard interdit.
- Séquence 42. Int. Jour. Café.
« Entre deux personnes »
- Face-à-face Marianne/Aline dans un café. Filmées en plan taille de profil, leur deux silhouettes se découpent sur un fond de tapisserie particulièrement sinistre, d’un beige terne, avec des motifs de fleurs noires. On remarquera que Marianne est vêtue d’un pull noir et qu’Aline est vêtue d’un pull blanc : effet de contraste total qui accentue le caractère de l’opposition et de la confrontation. Les deux femmes ont toutes les deux le regard baissé. Marianne la première lève les yeux et au bout de quelques secondes entame la conversation avec Aline. Aline ne se décide à lever les yeux qu’après avoir formulé sa première question : « Comment tu m’imaginais ? » Mais ensuite, c’est Marianne qui baisse longuement les yeux, et Aline qui la regarde longuement.
- Nouveau plan après « à quel point Gérard a changé ». Travelling circulaire qui démarre en gros plan sur le visage d’Aline de profil, alors que Marianne est hors-champ puis qui, peu à peu, délaisse Aline pour venir cadrer en gros plan Marianne uniquement. Après « non, ça n’a pas changé », plan en contre-plongée légère sur le visage d’Aline, qui finit par se lever et sort du cadre. Le plan dure quelques instants sur sa place laissée vide. La musique du Velvet Underground se lève. Retour en gros plan sur Marianne, le visage trempé de larmes, qui au bout de quelques secondes, tourne son visage légèrement vers la gauche du cadre.
- Plan noir. En son hors-champ, une rumeur urbaine avec le bruit de coups tapés contre une vitrine, bande-son qui se poursuit dans le plan suivant.
- Séquence 43. Ext. Jour. Vitrine d’un café.
- Flous, Aline et Gérard passent devant la vitrine d’un café, à l’intérieur duquel sont assises deux jeunes femmes filmées en plan poitrine. Le point est fait sur elle. La jeune femme la plus à gauche du cadre se retourne en direction du hors-champ gauche. Aline et Gérard viennent leur dire bonjour, restant hors-champ. Au moment où Gérard et Adrienne se serrent la main, la caméra effectue un léger panoramique droit sur Adrienne, rejetant le visage de son amie dans le hors-champ. Pendant tout le plan, l’activité de la rue se reflète dans la vitrine.
- Séquence 44. Int. Jour. Café.
« Entre deux personnes »
- Très gros plan sur le visage d’Adrienne, qui se détache sur fond rouge. Son regard se porte hors-champ, sur la gauche. Ses cheveux noirs sont coupés comme ceux de la Loulou de Pabst. Elle porte des créoles en or aux oreilles. En son hors-champ, quelques bruits de voitures. Et surtout la voix de Gérard, avec lequel elle dialogue.
- Séquence 45. Int. Jour. Salle de bains de l’appartement d’Aline et Gérard.
- Plan moyen. Aline et Ben dans la salle de bains. Un pan de mur mange en partie le côté gauche du cadre. Gérard entre dans le champ par la gauche en venant du fond de l’avant-champ. Le cadre de la porte de la salle de bains forme un cadre dans le cadre net. La lumière qui émane de la fenêtre devant laquelle ils se trouvent les éclaire légèrement en contre-jour : ainsi, lorsque Gérard avance vers le premier plan de l’image, il devient plus ombre que figure. Aline commence à changer le bébé. Gérard finit par sortir du cadre, excédé par le « tape-moi dessus si ça peut te faire plaisir » d’Aline. La caméra demeure sur elle. Elle colle alors son bébé fortement contre elle pour l’embrasser – il se met à pleurer.
- Séquence 46. Int. Jour. Salon de l’appartement d’Aline et Gérard.
« Entre deux personnes »
- Plan moyen sur le cadre d’une porte : une sorte de monochrome blanc. Les croisements de la porte vitrée de l’entrée, que l’on ne voit pas, sont projetés en ombre portée déformée, contre le mur du fond. Gérard ouvre la porte, entre et referme la porte. Tout de suite son regard est attiré vers un point précis du hors-champ. Il s’avance vers ce point : la caméra le suit en panoramique à droite. La pièce est entièrement blanche, renvoyant ici ou là la lumière par flaques lumineuses, qui donnent un caractère scintillant à cette pièce. En voix hors-champ, Aline lui annonce que Marianne est morte. Gérard reste quelques instants interdit, puis dit un « Hein ? » qui témoigne du coup de massue qu’il vient de recevoir sur la tête. Un tiers de l’image est ici composée par un pan de fenêtre à carreaux. Après « Comment c’est arrivé ? », panoramique légèrement descendant sur la droite, pour venir cadrer Aline assise sur le canapé. Après « sur le côté de la route », mouvement inverse pour revenir cadrer Gérard. Comme étouffant, Gérard se met à tourner à aller et venir, se rapprochant et s’éloignant du mur. Son mouvement est doublé par celui de son ombre portée (légère) qui se reflète sur le mur. Il finit par se tenir sur le mur. Après le « non » (elle n’a pas eu d’accident) d’Aline, la caméra revient sur elle. Après le « heu » de Gérard et sa difficulté à respirer qui devient de plus en plus marquée, la caméra revient sur lui. Il finit par se mettre à pleurer.
- Séquence 47. Ext. Jour. → Ext. Jour. → Ext. Jour. Gare, cimetière, endroits de Berlin.
- Plan rapproché en contre-plongée sur Gérard, dans un wagon de train (allemand comme l’indiquent les inscriptions sur la porte vitrée) qui s’avance dans le couloir.
- Plan d’ensemble d’Aline sur le quai de la gare, avançant vers la caméra, alors que le train part. Un long instant, elle est masquée par un bagagiste dont le bleu de travail sature le premier plan de l’image. Dans le train et en arrière-plan, des bras qui s’agitent pour des « au revoir ». Un air de saxophone démarre lorsque Aline apparaît dans l’image en plan américain large. Une fois Aline sortie du champ, le plan demeure quelques instants flou sur le train en partance.
- Plan rapproché. Au premier plan sur le côté droit, une partie du dos de Gérard, au deuxième plan, le coin d’une dalle mortuaire noire, sur lequel le point est fait et en fond, qui l’entoure, de la végétation verte et luxuriante. La musique continue. Puis la caméra effectue un mouvement de panoramique ascendant pour venir cadrer l’arrière de la tête de Gérard, un pull bleu ciel enroulé autour du cou. Cut.
- Retour sur l’image du début du plan 133.
- Plan d’ensemble. Dans une rue de Berlin, Gérard, valise marron à la main, marche du côté gauche de la rue, là où l’immeuble projette son ombre. Plan fixe, avec une grande profondeur de champ.
- Plan d’ensemble sur la Spree à Berlin.
- Plan d’ensemble. Gérard, toujours valise à la main, au milieu d’un pan de route à deux sens, qu’il traverse.
- Séquence 48. Int. Jour. Chez Martin en Allemagne.
« Entre deux personnes »
- La musique s’achève quelques secondes après le début du plan. Très gros plan sur le visage de Martin, le regard pensif. Gérard dialogue avec lui hors-champ.
- Contrechamp sur Gérard, après « sans avoir autre chose à faire que ma peinture ». Gérard détourne un instant la tête vers la gauche, puis regarde à nouveau Martin, lorsqu’il l’interpelle. Au bout de quelques instants, la caméra effectue un panoramique sur la droite pour venir cadrer Martin.
- À « sur la vie te retire tout ce que tu retiens pas », contrechamp sur Gérard, en légère contre-plongée, de trois quarts face, en contre-jour. Son visage est à peine visible. Derrière lui, sur le bord gauche du cadre, une fenêtre qui constitue un pan de lumière blanche diaphane et lactescente. Le plan est sur Gérard, qui parle de son fils à Martin, qui l’interrompt pour lui proposer à boire.
- Séquence 49. Ext. Jour. Rue de Paris.
- Plan de demi-ensemble d’une rue. Un taxi blanc s’avance, encadré des deux côtés par une rangée de voitures garées. À l’intérieur, comme le dialogue nous le fait comprendre, se trouvent Adrienne et Gérard. Le taxi stoppe : Gérard et Adrienne sont éclairés à contre-jour, apparaissant uniquement comme des silhouettes dans l’ombre. Adrienne sort, ils s’embrassent par la fenêtre, puis la caméra reste sur elle en panoramique. Le taxi démarre et Adrienne entre dans l’immeuble. Fin du plan une fois que la porte de l’immeuble d’Adrienne s’est refermée.
- Séquence 50. Ext. Jour. Cour intérieure de l’immeuble d’Aline et Gérard.
« Entre deux personnes »
- Ouverture du plan par un gros plan sur une masse noire, avec une légère fente de lumière : c’est la porte d’entrée de l’immeuble de Gérard, qu’il ouvre pour rentrer. Gérard fait deux pas, puis s’arrête en apercevant quelque chose hors-champ, en face de lui. Des bruits de pas de quelqu’un qui s’avance. Gérard se gratte le front. Arrivée à sa hauteur, mais toujours hors-champ, Aline lui dit que ce serait bien s’il la quittait. La caméra reste sur Gérard et Aline fait son entrée dans le champ à « Quand je t’ai connu t’étais au plus bas. » Gérard, après un court instant où ils sont ensemble à l’image, quitte le champ après « pas pour ce que tu pourrais être un jour » sur la droite. Gérard repasse dans le champ après « cet homme il pourra jamais la quitter », vient se poster quelques instants derrière Aline, puis repasse à ses côtés pour lui dire qu’elle est « salope ». Gérard entre à nouveau dans le champ pour « si je reste avec toi c’est uniquement pour Ben », va se poster quelques instants dans le dos d’Aline, sort du champ puis repasse à côté d’elle. Gérard entre à nouveau dans le champ, pour un face-à-face où il baisse la tête en respirant fort et où Aline le regarde fixement, avant qu’il finisse par lui dire qu’elle prend des risques. La caméra le suit lorsqu’il sort pour dire « On croirait entendre ma mère, hein. » Il ouvre la porte et sort. Dernière image sur la porte fermée, où se donne à nouveau à voir une fente de lumière. La musique du générique de fin démarre après le bruit du claquement de la porte.
Carton lettres blanches sur fond noir : « ce film est dédié à Nico ».
Générique de fin.
Mentions génériques en lettres blanches sur fond noir.
Notes
967.
On peut noter en effet que la plupart des fermetures au noir sont inachevées dans J’entends plus la guitare, au sens où l’effet de noir n’est pas complètement mené à son terme. Un peu de la luminosité du plan qu’elles sont censées fermer transparaît encore à travers le noir. Il est possible de considérer qu’il s’agit là d’un des symptômes de ce goût pour l’inachèvement que confesse volontiers Philippe Garrel. Cf.
Une caméra à la place du cœur, op. cit., p. 101.