J’entends plus la guitare

Marianne : L’homme… La mer.

Gérard : L’homme… La mère ? 987

Gérard : Tu veux me faire un enfant ?

Marianne : Non…

Gérard : Ah, bon…

Marianne : Non… Il faut attendre.

Gérard : Attendre quoi ?

Marianne : Attendre… Tout de suite l’amour, mais pas tout de suite l’enfant.

Gérard : Pourquoi ?

Sans dialogue.

Lolla : Martin, tu veux quelque chose ? Tu veux quelque chose ?

Martin : Heu, heu… Ouais, du lait. Grazie Mille.

Lolla : Tu travailles pas aujourd’hui ?

Martin : Non.

Lolla : Pourquoi tu ferais pas un tableau de moi ?

Martin : Trop réelle…

Lolla : Moi ?

Martin : Hmm…

Lolla : Mais comment est-ce qu’on peut-être trop réel ? On est réel ou pas, c’est tout.

Martin : Ah, non… Non, non, non, non, non ! Tu te fourvoies, tu te trompes, tu t’abuses… Y’a plein de degrés de réalité, énormément… Une infinité de degrés différents.

Lolla : Tu veux dire qu’il y a des choses plus ou moins réelles ?

Martin : Non. Tout est également réel, mais c’est nous qui sommes plus ou moins accessibles à la réalité… plus ou moins proches d’elle… Et moi je suis trop proche de toi pour même être capable de te regarder, de te voir dans ton entier.

Lolla : Tu me vois pas entier ?

Martin : Jamais.

Lolla : Alors tu m’aimes jamais en entier ? C’est pour ça que tu me dis jamais que tu m’aimes.

Martin : Qu’est-ce que ça veut dire aimer ?

Lolla : Ça veut dire quelque chose quand on le dit… Ben, oui… Ça veut dire qu’on a envie de le dire par exemple.

Martin : Mais avoir envie de dire quelque chose dont on ne sait pas ce que ça signifie, c’est avoir envie de rien dire.

Lolla : Peut-être… Mais à force de se poser des questions sur tout ce qu’on va faire ou dire, on ne fait plus rien et on ne dit plus rien. Comme ça…

Martin : C’est pour moi que tu dis ça ?

Lolla : Oui… Moi quand je parle, c’est pour dire quelque chose à quelqu’un.

Martin : Tu te trompes… Viens voir ici un peu…

Lolla : Ah, non hein… non ! Si tu crois que tout se résout en baisant.

Martin : Tu me reproches de rien faire, et puis quand je veux faire quelque chose…

Gérard : Tu devrais faire le portrait de Lolla. Tu verrais qu’elle existe en elle-même.

Martin : Je sais qu’elle existe… Mais je sais aussi que ça pourrait être une autre.

Gérard : Tu penses que les femmes, c’est interchangeables ?

Martin : Si on veut, ouais… C’est pour ça que j’en change pas. Parce que je sais que si c’est une autre, ce sera la même. Alors que toi tu verras… T’arrêteras pas de courir après la femme idéale… t’arrêteras pas d’en changer… sans te rendre compte que la femme idéale, c’est toi qui peux la créer… Y’a que toi qui peux la créer ta femme idéale. Ta peur de la fin d’un amour, c’est la peur de la mort. Y’a que « les grandes choses qui ont une grande fin », comme disait Heidegger…

Gérard : Qui ?

Martin : Un autre Martin.

Gérard : Tu crois qu’on vit avec des citations, mais les citations, c’est dans les livres… Et la vie…

Martin : … et la vie, c’est dans les livres.

Gérard : Mais idiot, t’es con toi…

Martin : Tu verras… l’amour a été inventé par les troubadours. Il a commencé dans les livres, et il finira…

Gérard : Ouais, quand y’aura plus de livres.

Martin : On est peut-être la dernière génération sous le ciel à aimer ou à parler de l’amour.

Gérard : Ah, et selon-toi, ça revient au même ?

Martin : Tu vois que t’es pas si idiot : t’as compris !

Martin : De toute façon t’as pas à t’inquiéter. Elle te quittera pas ta Gretchen… Sauf si tu le veux.

Martin : « Silenzio da luna, Sergi la sera, e vai... » Qu’est-ce c’est encore ? Je vais aller voir…

Lolla : T’as bien dormi ?

Martin : Tiens, comme ça ? Ça va ?… Ouais… heu… ouais.

Lolla :Moi aussi… mais j’me rappelle pas de mes rêves…

Marianne : Moi je m’en fous… Je peux me tirer si ça continue, parce que là si c’est ça l’amour, je n’en veux plus !

Gérard : Lolla n’existe pas pour moi…

Lolla (presque imperceptible) : Il est froid ou chaud ?

Gérard : C’est la femme de mon copain, c’est tout ! Pour elle aussi, tu te trompes complètement. Je suis le copain de son mec, c’est tout ! D’ailleurs, tu sais très bien tout ça… Je vois pas pourquoi tu dis ça.

Lolla (à Martin) : T’es bête…

Gérard : Tu peux pas le penser ! C’est impossible…

Marianne : Ah, oui ! Et qu’est-ce que tu crois que je peux penser toute seule dans la chambre toute la nuit pendant que tu es coincé avec elle ? Aux petites étoiles ?

Gérard : Fourré… pas coincé, mon amour.

  • Séquence 7. Int. Jour. → Ext. Jour. → Int. Jour. Chambre escalier, chambre à Positano.

Sans dialogue.

  • Séquence 8. Ext. Jour. Terrasse à Positano.

Marianne : Tu crois qu’il va revenir ?

Martin : Ben, oui… dans deux jours.

Marianne : Non, mais s’il ne revenait pas ?

Martin : Pourquoi veux-tu ?

Marianne : Comme ça… je ne sais pas… Parce qu’il en aurait assez.

Martin : T’es folle. Il arrête pas de me bassiner avec son amour pour toi.

Marianne : Bassiner ?

Martin : Casser les pieds, quoi !

Marianne : Mais ça ne veut rien dire, ça ! Moi, j’ai toujours l’impression qu’il est comme un oiseau… près à s’envoler…

Martin : Heureusement… Sinon tu ne l’aimerais pas… C’est peut-être pas grand chose de plus que ça, l’amour : la peur de ne plus être aimé.

Marianne : Non… C’est beaucoup d’autres choses… des millions d’autres choses.

Martin (en imitant l’accent de Marianne) : Beaucoup d’autres choses…

Marianne : Ooohhh… L’amour, c’est…

Martin : Ouais, c’est quoi ?

Marianne : C’est… c’est tout ce qu’on ne peut pas dire.

Martin : Sans doute… Écoute pas ce que je dis, va. Je suis qu’un vieux cynique.

Marianne : C’est quoi ?

Martin : Quoi donc ?

Marianne : Un cynique, c’est quoi ?

Martin : Les cyniques, c’étaient des grecs qui avaient toujours raison… Mais maintenant ils sont plus à la mode, parce que plus personne n’en a plus rien à foutre de leur raison. Ce qu’on veut, c’est…

Marianne : C’est quoi ?

Martin : C’est… je sais pas… c’est

Marianne : Aimer, aimer, aimer…

  • Séquence 9. Ext. Jour. Terrasse à Positano.

Lolla : Tu m’aimes pas beaucoup, hein ?

Marianne : Pas beaucoup, non… mais je t’aime bien.

Lolla : Je comprends pas…

Marianne : Je veux dire que je suis contente que tu sois là… Car si tu n’étais pas là, moi non plus je ne serais pas là… et tout ça ne serait pas là… et eux non plus ne seraient pas là… Et c’est quand même le paradis, non ?

Lolla : Je me demande quand est-ce que ça va finir ?

Marianne : Tu es pressée ?

Lolla : Non. Mais j’ai peur…

Marianne : Parce que tu es heureuse ! Si tu n’étais pas heureuse, tu n’aurais pas peur... ce n’est pas beaucoup plus que ça le bonheur : la peur de ne plus être heureux.

Lolla : Non. C’est beaucoup d’autres choses.

Marianne : Oui… Peut-être… Ne fais pas attention à ce que je dis : je suis une vieille sinistre !

Lolla : Quoi ?

Marianne : Sinistre ! Les sinistres, c’étaient des grecs qui avaient toujours raison.

Lolla : Sinistre, ça veut dire pas gai.

Marianne : Mais… c’est vrai que je ne suis pas gaie… Je suis grave. C’est Gérard qui dit ça.

Lolla : C’est quoi la différence entre grave et triste ?

Marianne : Grave, ça ne veut pas dire triste. Grave, ça veut dire que quand on est heureux, on sait pourquoi.

  • Séquence 10. Int. Jour (pénombre). Chambre à Positano.

Marianne : Mais… ça n’est pas possible…

  • Séquence 11. Int. Jour. Chambre à Positano.

Marianne : « Und dann legt’ er froh sich nieder,

Schlief getröstet ein,

Still sich freuend, wenn es wieder

Morgen würde sein.

Und so sass er viele Tage,

Sass viele Jahre lang,

Harrend ohne Schmerz und Klage,

Bis das Fenster klang,

Bis die Liebliche sich zeigte,

Bis das teure Bild sich

Ins Tal herunterneigte,

Ruhig, engelmild.

Und so sass er, eine Leiche,

Eines Morgens da,

Nach dem Fenster noch das bleiche

Stille Antlitz sah. » 988

C’est une histoire… d’un vieil homme qui est assis devant une fenêtre… et qui attend son amour… et un jour il est mort… mais ça n’est pas grave. C’est très, très beau… hein ?

  • Séquence 12. Ext. Jour. Rue à Paris.

Sans dialogue.

  • Séquence 13. Ext. Jour. × Ext. Jour. Pièce donnant sur l’extérieur × cour intérieure d’un immeuble.

Grand-mère : On parlait souvent de toi… On t’aime beaucoup. On a Thomas, alors on t’aime… obligatoirement… Tu comprends ?

Marianne : Oui, je comprends.

Grand-mère : C’est la vie ça… Mais il sera heureux plus tard… Tu verras… Il deviendra grand, un beau garçon. Tu l’as fait beau, tu l’as fait intelligent… Il est très gentil, on l’aime beaucoup.

Thomas : Après-demain, tu seras encore là ?

Gérard : Oui.

Thomas : Et après ?

Gérard : Je serais toujours là, oui.

Thomas : Comment tu le sais ?

Gérard : Je le sais parce que je le veux.

Grand-mère : Thomas, viens… viens mettre ta veste… Il fait froid mon chéri… viens mettre ta veste… viens avec Mamie… viens… Tu veux pas ? Et ben, tant pis. Tu vas avoir froid.

  • Séquence 14. Ext. Jour. Rue de Paris.

Marianne : C’est pour toi…

Thomas : J’en mange... un petit bout.

Marianne : Oui.

Thomas : Un petit bout…

Marianne : Oui.

Marianne : Au revoir… À bientôt, hein ?

Thomas : Oui.

Gérard : Salut Thomas !

Marianne : Merde… On y va ?

  • Séquence 15. Int. Jour. Cuisine de l’appartement de Marianne et Gérard.

Gérard : Pourquoi on prend pas Thomas avec nous ? Il serait plus heureux.

Marianne : C’est pas possible.

Gérard : Pourquoi ?

Marianne : Parce que sa grand-mère ne veut pas me le rendre.

Gérard : Mais qu’est-ce que ça veut dire ? Elle a pas le droit ! Personne ne peut t’empêcher d’avoir ton enfant avec toi !

Marianne : Si justement. C’est une histoire de papiers, de nationalité, c’est compliqué mais c’est comme ça.

Gérard : Qu’est-ce que ça peut faire la nationalité, hein ?

Marianne : Arrête de m’embêter avec ça.

Gérard : J’t’embête pas, moi… je veux juste comprendre.

  • Séquence 16. Int. Jour. → Int. Jour. → Int. Jour. Lieux indéterminés.

Sans dialogue.

  • Séquence 17. Int. Jour. Appartement de Marianne et Gérard.

Marianne : Tu m’aimes ?

Gérard : Oui.

Marianne : Comment ?

Gérard : Très fort.

Marianne : Mais ça ne veut rien dire très fort ! On peut aimer les spaghettis très fort !

Gérard : Non… non, non. En français, y’a que les gens qu’on aime très fort.

Marianne : Mais, je ne suis pas les gens.

Gérard : D’accord. Alors je t’aime… heu… à la folie, comme un fou.

Marianne : Je ne veux pas. Parce que le jour où tu ne seras plus fou, tu ne m’aimeras plus.

Gérard : Alors, disons que je t’aime mortellement.

Marianne : Et ça veut dire quoi ?

Gérard : Ça veut dire que je t’aime, que je t’aimerai jusqu’à la mort, plus fort que la mort et au-delà de la mort.

  • Séquence 18. Int. Jour. Cuisine de l’appartement de Marianne et Gérard.

Sans dialogue.

  • Séquence 19. Int. Jour. Un café.

Gérard : Tu te rends compte qu’elle l’a envoyé chercher ses affaires. Tu peux croire un truc comme ça ? Mais ce que tu croirais encore moins, c’est le mec. J’te jure, d’une certaine manière moi ça ma réconforté… Tu l’aurais vu… oh… les cheveux jusque-là… crades… catogan… des pattes… Perfecto… bottes de cowboy… Tu sais ce qui me dit ? Yeah man ! Non, j’te jure… ouais j’te mens pas… Yeah man… Je viens chercher les affaires… En fait, ça doit être un loub’ qui sort d’Aubervilliers… mais cool, tu vois… Genre… ch’uis cool… t’es cool… elle est cool… tout est cool, quoi ! C’est incroyable… c’est incroyable… Le monde s’écroule… y’a plus rien qui tient debout autour de toi… t’as les tripes qui traînent sur le trottoir… tout le monde se prend les pieds dedans sans même s’excuser… et puis pour couronner le tout… yeah man… J’le crois pas… j’te jure… j’le crois toujours pas. Yeah man. C’est comme si j’avais un trou… au milieu du… là… tu vois, un puits sans fond… avec lequel je me balade… et toute la journée je pense qu’à une chose… surtout ne pas regarder dedans… éviter de jeter le moindre coup d’œil… pour pas y tomber… Toi, ça va ?

Martin : Oh, impec’… Moi, elle m’a épargné le type, c’est déjà quelque chose… En revanche, j’ai pas eu droit à la lettre… moi c’était un coup de fil… juste un petit coup de fil, tu vois… mais cool aussi… Genre… l’amour, ça va ça vient, on sait pas pourquoi… mais… heu… toute façon t’as beaucoup compté pour moi… et puis… heu… on reste amis…

Gérard : Ah, ouais… ouais… ce sera même mieux qu’avant, dans un sens… comme dirait « Yeah man ». Tu t’es quand même bien gouré.

Martin : Gouré ?

Gérard : Y’a pas trois mois tu me disais que les femmes ne partent jamais…

Martin : C’est vrai… mais j’ajoutais parce qu’elles sont déçues…

Gérard : Ouais… et qu’on les décevait parce qu’on ne les aimait plus…

Martin : Ouais… c’est ça…

Gérard : Alors, elles nous ont plaqués comme des merdes parce qu’on les aime plus ?

Martin : Exact…

Gérard : Le seul problème, c’est que nous on le savait pas qu’on les aimait plus… elles auraient pu nous prévenir… on aurait été moins surpris… hé !

Martin : Ben, elle nous ont prévenus, mais on l’a pas vu…

Gérard : Oh ? oh ?

Martin : Ben, hé…

Gérard : Quoi ?

Martin : Attends deux mois, même pas un… Dans un mois tu verras que tu l’aimais plus !

Gérard : Ben, comment elle a fait pour le savoir avant moi ?

Martin : Parce que c’est pas un homme… c’est une femme ! C’est fin les femmes… et puis, heu… très rapide.

Gérard : Ouais… drôlement plus rapide.

  • Séquence 20. Int. Jour. Salon de l’appartement de Gérard.

Sans dialogue.

  • Séquence 21. Int. Jour. Chambre de l’appartement de Gérard.

Sans dialogue.

  • Séquence 22. Int. Jour. Chambre de l’appartement de Gérard.

Linda : On se voit ici, demain, à la même heure ?

Gérard : Ah, non… J’ai un rendez-vous.

Linda : Huit heures, alors ?

Gérard : Ch’ais pas… j’essaierai.

Linda : Essaie, je t’en prie… J’ai trop besoin… trop besoin de ça ! Téléphone-moi ce soir… Si tu tombes sur mon mari, tu lui dis que tu voudrais me parler au sujet du fauteuil… Salut.

  • Séquence 23. Int. Jour. Appartement de Gérard.

Martin : Gérard ? On va… on va prendre un café ?

  • Séquence 24. Int. Jour. Lieu indéterminé, peut-être l’appartement de Gérard.

Sans dialogue.

  • Séquence 25. Int. Jour. Salon de l’appartement de Gérard.

Gérard : Allô ?

Marianne : Allô ? Heu… Allô ? Oui ? C’est moi…

Gérard : C’est toi ?

Marianne : Oui, c’est moi. Il y a une personne là ?

Gérard : Quoi ?

Marianne : Rien, c’est pas grave… C’est tout ce que tu veux me dire ?

Gérard : Ben… c’est toi qui appelles… C’est que tu as quelque chose à me dire, non ?

Marianne : Oui… heu… hmm… Comment ça va ?

Gérard : Bien… et toi ?

Marianne : Moi aussi… bien .

Gérard : Heu… c’est bien si on va tous les deux bien…

Marianne : Oui… Quoi de neuf, après ?

Gérard : Sinon ?… Quoi de neuf, sinon ?… Heu… rien… je vis. Et toi ?

Marianne : Je vis aussi…

Gérard : C’est bien… tout le monde peut pas en dire autant…

Marianne : Quoi ?

Gérard : Non, rien… c’est pas grave… (Il tousse). Pardon…

Marianne : Je pourrais te rappeler ?

Gérard : Oui, bien sûr… pourquoi pas ?

Marianne : Alors… je te rappelle.

Gérard : Hein ?

Marianne : Je te rappelle… Je t’embrasse, beaucoup, beaucoup…

Gérard : Oui…

  • Séquence 26. Ext. Jour. → Int. Jour. Palier de l’appartement de Gérard, toilettes de l’appartement, salle de bains de l’appartement.

Marianne : Il est en prison.

Gérard : Tu viens vivre ici en attendant qu’il sorte ?

Marianne : Je viens vivre ici en attendant que tu ne veuilles plus de moi.

Gérard : Pour la vie alors ?

Marianne : Pour la vie…

Marianne : Mais il n’y a pas de papier ici ! Et pourquoi pas ?

Gérard : Y’en a plus.

Marianne : Gérard, Gérard, viens, viens voir… c’est de l’héroïne !

Gérard : Quoi ?

Marianne : C’est de l’héroïne !

  • Séquence 27. Int. Jour. Une rame de métro.

Martin : Oh ! Ça va ?

Gérard : Oh… Ça va ?

Martin : Quoi de neuf ?

Gérard : Marianne est revenue…

Martin : Ah, bon… T’es heureux, alors ?

Gérard : Ouais…

Martin : Et ben, ch’uis heureux pour toi alors… On se voit plus des masses, hein ?

Gérard : Non…

Martin : Ecoute… tu passes me voir quand tu veux… d’accord ?

Gérard : Ouais, d’accord…

Martin : Salut.

  • Séquence 28. Int. Soir (pénombre). → Int. Soir. → Int. Soir. → Int. Soir. Chambre de l’appartement de Marianne et Gérard, cuisine, chambre, autre chambre.

Gérard : Allô ?… Quand ? Heu… Ch’uis avec… heu… Marianne. Attends… attends… je vais demander… Marianne ? C’est Linda… Elle peut passer ?

Marianne : Pourquoi pas ?

Gérard : Marianne, j’te présente Linda… Linda… Marianne.

Linda : Guten abend… Wie guess ?

Marianne : Bonsoir.

Gérard : Va lui demander de venir…

Marianne : Quoi ?

Gérard : … de venir avec nous… Va lui demander…

Marianne : Elle ne veut pas. Elle dit que c’est toi qu’elle veut… Non mais reste avec moi…

Gérard : Tu viens avec nous ?

Linda : Elle ne veut pas. Elle m’a demandé, mais en me suppliant de refuser… Reste, tu la retrouveras plus tard. Moi, j’ai besoin de toi ce soir. Regarde les coups… y me tape dessus.

Gérard : Quel salaud !

Linda : Après tout ! Si ça peut lui faire plaisir… Baise-moi maintenant…

Gérard : J’peux pas… J’peux pas.

Linda : Bon, ben, ça va comme ça… Soyez heureux.

  • Séquence 29. Ext. Jour. → Int. Jour. Cour intérieure de l’immeuble de l’appartement de Marianne et Gérard, chambre de l’appartement.

Marianne : Tu l’as ? Que ça !! Rends-moi le fric !

Gérard : J’en n’ai plus.

Marianne : Tu veux dire que tu as payé ça 500 balles ?

Gérard : Normal…

Marianne : Normal, normal… Je vais crever, et tu trouves ça normal…

Gérard : Calme-toi… On en trouvera toujours…

Marianne : Et le fric ?

Gérard : Le fric aussi… pour ça… on en trouve… On en trouve toujours.

  • Séquence 30. Int. Jour. Cuisine de l’appartement de Marianne et Gérard.

Marianne : Tu as vu ce qu’ils racontent là ? Qu’ils vont nous couper le gaz…

Gérard : C’est pas grave…

Marianne : Et l’électricité…

Gérard : C’est pas grave…

Marianne : Tu crois qu’on peut le payer ? Il reste combien ?

Gérard : Ch’ais pas… mais de toute façon, c’est pas grave…

Marianne : Mais arrête, à la fin… On va crever de froid… et de faim… et de manque… tout ça dans le noir… et ça n’est pas grave… Et qu’est-ce qui est grave alors ?

Gérard : Oh, rien… Non, ce qui serait grave…

Marianne : Ça serait quoi ?

Gérard : Ben, c’est qu’on ne s’aime plus !

Marianne : Parce que l’amour, ça nous chauffe… ça nous éclaire… ça nous nourrit… et ça nous défonce ?

Gérard : Exactement ! Tu viens de donner la définition de l’amour la plus exacte… la plus exacte que j’aie jamais entendue !

Marianne : Tu crois vraiment ce que tu dis ?

Gérard : Bien sûr !

Marianne : Alors, tu m’aimes vraiment !

Gérard : Évidemment ! Sinon tu serais morte depuis longtemps !

Marianne : Tu sais, je crois que ça c’est vrai… Et moi ? Tu penses que je t’aime vraiment ?

Gérard : La preuve !

Marianne : Quoi ?

Gérard : Ben, ch’uis toujours vivant…

Marianne : Je crois que ça l’est moins vrai…

Gérard : T’as qu’à essayer de… de… ch’ais pas moi… de plus m’aimer… tu verras.

Marianne : D’accord, j’essaie.

Gérard : Arrête… Je me sens déjà pas bien… Déconne pas !… J’vais crever, moi… j’vais vraiment finir par crever… Hein ? Qu’est-ce que tu dis ?

Marianne : Rien…

  • Séquence 31. Int. Jour. Atelier de peinture de Martin.

Martin (lisant une lettre de Gérard adressée à Marianne) : « Paris… mardi 15 avril… Marianne, Je t’aime. Je te quitte pour que tu réagisses. Je te préfère bien vivante loin de moi, que morte à côté de moi. Je ne veux pas que plus tard tu puisses en douter. Je t’aimerai toujours, encore toujours. Amour. Gérard. »

Gérard : Elle est retournée en Allemagne. Je veux que tu fermes l’enveloppe et que tu gardes la lettre… S’il m’arrive quelque chose, tu la lui donnes. Je veux pas qu’elle me prenne pour un salaud.

Martin : J’te l’avais dit que tu partirais !

Gérard : Ouais, mais c’est pas du tout pour c’que tu croyais !

Martin : Tu sais ce qui compte dans la vie ? C’est la musique… Tu peux mettre toutes les paroles que tu veux et en changer autant de fois que tu veux… la musique, c’est toujours la même ! Et moi, la musique, j’la connais !

Gérard : Tu connais que t’chi, oui… Tu connais que tu t’aigris, que tu te fatigues… que tu vieillis… c’est tout ce que tu connais… excuse-moi de te le dire… mais ce qui se passe, là, c’est quelque chose de très fort, de très grave… c’est quelques chose de très beau ! C’est pas quelque chose que tu peux écrire dans ta musique.

Martin : Ouais… Hmm.. Attends un peu…

Gérard : Attends un peu quoi ?

Martin : Le temps ! Tu verras…

Gérard : Mais tu sais plus dire que ça, toi… Tu sais plus dire que ça ! Eh, t’as qu’à attendre toi… Moi, je vais vivre pendant ce temps-là ! Salut !

Martin : Hmmm… Holà !

  • Séquence 32. Int. Jour. Parquet d’un lieu indéterminé, sans doute l’appartement de Gérard.

Sans dialogue.

  • Séquence 33. Int. Jour (pénombre). Cuisine de l’appartement de Martin.

Gérard : Ça va ?

Martin : Eh, ben… pourquoi pas ? Et toi ? Ça va ?

Gérard : Non ! Non… Ça vaut pas le coup d’en parler.

Martin : Oh… ?

Gérard : Hé… heu… Pff…

  • Séquence 34. Ext. Jour. → Int. Jour. Place de la République, le balcon d’un appartement, l’appartement.

Aline : Bonjour…

Gérard : Vous voulez un café ?

Aline : Non… Ch’uis une amie de Catherine.

  • Séquence 35. Int. Jour. L’appartement.

Aline : Vous voulez manger ?

Gérard : Oui !

  • Séquence 36. Int. Jour. Salle à manger d’un appartement.

Gérard : Santé !

Ami : Santé ! (Après avoir bu une gorgée de vin) Humm… Pas mal !

Ami : C’est du mouvant. Ça se coupe à la fourchette tellement c’est tendre. Tiens…

Aline : Merci.

Ami : On en est met un morceau là… Allez !

Aline : Merci.

  • Séquence 37. Int. Jour. Cuisine de l’appartement d’Aline et Gérard.

Gérard : Tiens… tiens…

Aline : Merci… Chut ! T’entends pas ?… Non, c’est rien.

Gérard : Tiens…

Aline : Merci.

Marianne : Allô ? C’est moi, Marianne… Tu ne veux pas venir ? Je suis triste. Je suis dans la rue… et tout.

Aline : Qui est-ce ?

Gérard : C’est Marianne. Elle est au café, en face…

Aline : Ben, vas-y toi. Parce que moi, j’veux pas la voir !

Gérard : Tu m’attends ? J’arrive.

Marianne : Oui, oui, oui…

  • Séquence 38. Int. Jour. Café.

Gérard : Ça va ? (Au barman) Je peux avoir la même chose ? Et t’es venue comment ?

Marianne : En train.

Gérard :En train ? C’est long ! (Au barman) Merci… C’est pas trop dur ?

Marianne : Martin m’a donné ça de ta part… Tu sais, j’ai eu une septicémie.

Gérard : Oh, merde !

Marianne : Mais ils l’ont guérie… maintenant, ça se soigne ces trucs là.

Gérard : Ah ! Bon ! Ça va maintenant ?

Marianne : Oui, ça va… Et tu sais… je ne prends plus rien… sauf le médicament qu’on me donne. Je suis comme toi, maintenant… super clean.

Gérard : C’est bien…

Marianne : Oui, c’est bien… C’est un petit garçon ou une petite fille que tu as eu ?

Gérard : Un petit garçon.

Marianne : Tu te rappelles comment tu me disais que tu m’aimerais toujours ?

Gérard : Oui… Pourquoi est-ce que tu me demandes ça maintenant ?

Marianne : Tu n’as pas vu comment tu me parles ?… Comme si j’étais ta grand-mère ou je ne sais pas… J’ai l’air si vieille que ça ?… Je suis si loin de ta vie ?

Gérard : Ah, arrête… Moi je disais ça comme ça… pour dire quelque chose…

Marianne : Tu continues de t’enfoncer… Bon, on y va ?

Gérard : Écoute, je préfèrerais qu’on cherche un hôtel… Aline ne veut pas que tu viennes à la maison.

  • Séquence 39. Ext. Jour. Rue et façade d’un hôtel.

Marianne : Ça serait bien si tu pouvais rester un peu…

Gérard : Je peux pas.

Marianne : Va manger… et tu reviens après.

Gérard : Non… je peux pas. À demain.

  • Séquence 40. Int. Jour. Salon de l’appartement d’Aline et Gérard.

Aline (à Marianne à l’autre bout du téléphone) : Écoutez, je suis désolée de vous déranger, mais je suis inquiète… C’est Aline, la fe… On avait rendez-vous avec Gérard et il est pas venu, alors je voulais savoir si vous l’auriez pas vu ?… Vous croyez ?… Je suis très gênée, hein, de vous déranger… surtout pour ça… Vous l’aimez plus ?… Ben, ça me fait plaisir, parce que même si je ne vous connais pas, j’étais quand même embêtée de… Si vous voulez on pourrait se voir ?… Au revoir…

  • Séquence 41. Int. Jour. Chambre d’hôtel de Marianne.

Marianne : Oui ? Aline a appelé… Elle te cherchait.

Gérard : Bon, ben… je vais la rappeler.

Marianne : Ton hôtel est très sale.

Gérard : Ouais… mais c’est pas cher.

Marianne : Il y a des cafards dans le lit… J’en ai trouvé hier soir avant de me coucher.

Gérard : On en trouvera un autre… mais ça risque d’être plus loin.

Marianne : Ça vaut pas le coup de changer… Je pars demain.

  • Séquence 42. Int. Jour. Café.

Marianne : Je ne t’imaginais pas comme ça.

Aline : Comment tu m’imaginais ? Plus comme toi ?

Marianne : Oui, peut-être… Tu sais, c’est difficile d’imaginer comment les autres changent.

Aline : Tu veux dire au point d’être avec quelqu’un d’aussi différent de toi ?

Marianne : Peut-être, oui… Je ne sais pas.

Aline : Tu peux dire ce que tu veux, tu sais.

Marianne : Oui. C’est peut-être ça. Ce n’est qu’en te voyant que je me rends compte à quel point Gérard a changé.

Aline : Il ne me parle jamais de toi. Il était heureux avec toi ?

Marianne : Je ne l’ai peut-être pas rendu très heureux, non… Mais c’était une autre époque…

Aline : Qu’est-ce que tu veux dire ?

Marianne : On n’avait peut-être pas besoin d’être heureux… Ce n’était peut-être pas ça qu’on cherchait en tout cas.

Aline : Ben, c’était quoi alors ?

Marianne : À être des héros… À changer la vie peut-être…

Aline : Oui, c’est ça ! Et puis maintenant qu’il ne cherche plus à être un héros ou à changer la vie comme tu dis, il est avec quelqu’un comme moi. C’est ça ?

Marianne : Depuis le début tu veux te mettre en colère contre moi. Mais je ne t’aiderai pas… je le ferais si ça pouvait servir à quelque chose… Mais ça ne sert à rien. On ne peut rien faire contre le passé. Peut-être on a été très heureux. Peut-être on a été très malheureux. Peut-être on a été des héros. Peut-être pas. Mais de toute façon tu n’en sauras rien, parce qu’on n’en sait plus rien nous-mêmes. On a été et on n’est plus. Voilà.

Aline : Voilà ! Ben ça me semble être un très bon mot de fin ça ! Salut l’héroïne !

Marianne : C’est un très bon jeu de mots… Tu m’avais dit que tu m’inviterais… Je n’ai pas beaucoup d’argent tu sais.

Aline : Ah, au moins, ça, ça n’a pas changé !

Marianne : Non, ça n’a pas changé.

  • Séquence 43. Ext. Jour. Vitrine d’un café.

Aline :Salut Marie !

Marie : Salut.

Aline :Ça va ? Bonjour.

Marie :Comment tu vas ?

Aline : Ça va. Je te présente Gérard…

Marie :Bonjour.

Gérard :Bonjour.

Aline : On se connaît pas ?

Marie :Adrienne… Aline…

Adrienne :Bonjour…

Marie : Gérard… Adrienne…

Aline : Excusez-moi, mais je suis obligé d’y aller à cause du petit, hein… Salut, à bientôt.

Marie : Au revoir.

Gérard : Au revoir.

Marie : C’est une amie…

  • Séquence 44. Int. Jour. Café.

Adrienne : Ça m’a fait plaisir que vous m’appeliez.

Gérard : Et moi, ça m’a fait plaisir que vous acceptiez de boire un verre avec moi.

Adrienne : Et ben, si on commence comme ça… qu’est-ce que ça va être après ?

Gérard : Après ?

Adrienne : Quand on va baiser ?

Gérard : Ah, ouais…

Adrienne : T’as pensé à moi depuis la dernière fois qu’on s’est rencontré ? Fort ?

Gérard : Comment ça, fort ?

Adrienne : Fort !

Gérard : T’es vraiment dégueulasse.

Adrienne : Non. C’est naturel.

Gérard : Et toi ?

Adrienne : Moi aussi.

Gérard : Fort ?

Adrienne : Doux.

  • Séquence 45. Int. Jour. Salle de bains de l’appartement d’Aline et Gérard.

Aline (à Ben) : Hop, là… Regarde qui arrive…

Gérard : Excuse-moi, hein… j’aurais dû te prévenir.

Aline : C’est pas grave, je comprends.

Gérard : Ben, qu’est-ce que tu comprends ?

Aline : Ben, que t’es pas eu envie de me prévenir. On est comme ça parfois.

Gérard : Comme ça… Comment comme ça ?

Adrienne : Ben, y’a des choses qu’on sait qu’on devrait faire, et puis on les fait pas, voilà.

Gérard : Voilà ! Remarque, t’as raison… c’est simple… voilà… Ça te suffit ? Tu me demandes pas ce que j’ai fait ?

Aline : Non ! Non ! Si tu veux pas me le dire…

Gérard : Oh, et puis me dis pas que tu comprends… me dis pas que tu comprends…

Aline : Et ben, je comprends, je comprends… Allez, tape-moi dessus si ça peut te faire plaisir…

Gérard : Aline… arrête, bordel… Tais-toi… arrête… Tais-toi…

  • Séquence 46. Int. Jour. Salon de l’appartement d’Aline et Gérard.

Aline : Marianne est morte !

Gérard : Hein ?… Comment c’est arrivé ?

Aline : Elle était en bicyclette, et puis on l’a retrouvée morte sur le côté de la route.

Gérard : Elle… elle a eu un accident ?

Aline : Non… Elle s’est trouvée mal… on sait pas… Elle était à Ibiza, tu sais ?

Gérard : Ouais… ouais… je sais, ouais… heu…

Aline : On vient juste de me téléphoner là maintenant.

  • Séquence 47. Ext. Jour. → Ext. Jour. → Ext. Jour. Gare de l’Est, cimetière, endroits de Berlin.

Sans dialogue.

  • Séquence 48. Int. Jour. Chez Martin en Allemagne.

Gérard : Ça marche la peinture ?

Martin : Ben, je vends tout ce que je fais, hein… C’est pas le luxe, mais c’est pas la misère non plus… le juste milieu disons… Ça me permet de vivre sans avoir autre chose à faire que ma peinture… c’est déjà quelque chose. Je sais pas si tu te rappelles quand… enfin, quand on se voyait beaucoup… On pensait qu’il suffisait d’ouvrir les bras pour recevoir tout ce qu’on voulait… Amour… Gloire… Bonheur… Argent… Talent… Aujourd’hui, j’ai compris que c’est exactement le contraire qui se passe dans la vie… Il faut fermer les bras et les garder serrés, très serrés, parce que la vie te retire tout ce que tu retiens pas très très fort, hein… Et toi ?

Gérard : Moi… J’ai un fils !

Martin : Ah, oui, c’est vrai… et quel âge a-t-il maintenant ?

Gérard : 6 mois… et demi…

Martin : Dis donc, dis donc…

Gérard : C’est incroyable ce que ça change la vie d’avoir un enfant, tu peux pas savoir…

Martin : Dis donc, je t’ai rien offert à boire. Tu veux un café ? Quelque chose ?

  • Séquence 49. Ext. Jour. Rue de Paris.

Adrienne : C’est vrai ce qu’on m’a dit… que tu venais de perdre quelqu’un qui était très important pour toi.

Gérard : C’est possible.

Adrienne : Comment ça, c’est possible ?

Gérard : Ben.. c’est possible qu’on te l’ait dit… c’est possible que ce soit vrai… Mais là, vraiment, j’ai pas envie d’en parler… Voilà… Adrienne, tu as vraiment de très belles chaussures…

Adrienne : Ouais, hein… Mais elles me font mal !

Gérard : La prochaine fois je te baiserai avec !

  • Séquence 50. Ext. Jour. Cour intérieure de l’immeuble d’Aline et Gérard.

Aline : Je crois que ce serait bien si tu me quittais !

Gérard : Pardon ?

Aline : Tu m’as très bien entendue… T’inquiète pas, ce serait pour un temps seulement… Va vivre carrément avec elle… Puis quand t’en auras assez, tu reviendras… Parce que tu vois, moi, tout d’un coup, j’en ai marre de te voir toujours absent.

Gérard : Comment tu peux être aussi sûre de toi ?

Aline : C’est pas de moi que je suis sûre, c’est de toi… Quand je t’ai connu, t’étais au plus bas… et j’t’ai aimé tout de suite… pour ce que tu étais… pas pour ce que tu pourrais être un jour. Je suis peut-être pas très intelligente, ni très cultivée, ni rien du tout, hein… mais y’a une chose que je sais : une femme qui aime un homme pour ce qu’il est, cet homme il pourra jamais la quitter ! C’est comme ça, mon vieux… Je suis ta bourgeoise… ta régulière… Je suis ta faiblesse…

Gérard : Qu’est-ce que tu peux être salope quelquefois.

Aline : Seulement quand tu en as besoin… Pour te remettre les yeux en face des trous !

Gérard : Mais si je reste avec toi, c’est uniquement pour Ben !

Aline : Mais bien sûr ! Mais, Ben, c’est moi aussi. C’est comme ça que l’as voulu. T’as pas voulu faire un enfant comme on achète un kilo de pommes de terre. T’as voulu le faire avec moi. Et pourquoi, tu crois ? Pour être plus libre ? Pour pouvoir te barrer quand tu voudrais ? Hein ?… Ou pour être plus sûr de pas pouvoir me quitter ?

Gérard : Tu prends des risques Aline…

Aline : Mais non…

Gérard : Si…

Aline : Tu sais très bien que si je te dis tout ça, c’est parce que je t’aime… Et parce que je pense que c’est pour ton bien…

Gérard : Ah, ah, ah… On croirait entendre ma mère, hein ?

Aline : Oh…

Gérard : Si, si !

Aline : Allez, c’est ça, claque-la bien… et n’oublie pas d’aller chercher Ben à la crèche.

Notes
987.

C’est dans le scénario avant-tournage, conservé à la Bifi, que l’on apprend que Gérard dit « la mère » et non « la mer ». Cf. op. cit., p. 2.

988.

Ces vers constituent les deux dernières strophes d’une ballade de Friedrich von Schiller : Ritter Toggenburg (Le Chevalier Toggenburg). Elle évoque un chevalier qui attend en vain sa belle, rentrée au couvent alors qu’il était à la guerre. Il meurt en regardant par la fenêtre alors qu’il s’est installé depuis des années à côté du couvent. Tous nos remerciements à Marie-Charlotte Dumont pour nous avoir communiqué cette information et pour son travail de retranscription.