La Naissance de l’amour

Paul : Salut, Hélène.

Marcus : Je viens avec toi, je vais acheter des cigarettes.

Paul : Comment tu as rencontré Hélène ?

Marcus : Mais pourquoi tu me demandes ça, maintenant ?

Paul : Ch’ais pas ? Comme ça.

Marcus : Ce ne sont pas les rencontres qui sont importantes, c’est ce qui se passe après.

Paul : Peut-être… J’aimerais quand même savoir.

Marcus : Ben, ça s’est passé comme toutes les rencontres, bêtement.

Paul : Bêtement ?

Marcus : Ben, oui. Comme toujours, des amis communs, on se revoit après, puis voilà. En fait, pour tout dire : j’avais pas envie d’elle. J’l’avais trouvée intéressante, mais je sais pas… y’avait quelque chose qui me retenait.

Paul : Alors, comment ça s’est fait ?

Marcus : Ben, c’est elle qui a sauté le pas. C’était très élégant la manière dont elle a fait ça, je dois dire. On était chez elle, et il y avait une petite fille qui dormait dans son lit, une nièce ou je ne sais quoi. Et vers la fin de la soirée, elle a dit : « Mais, c’est très impoli ce que j’ai fait là. » Et elle est allée mettre la petite fille dans un autre lit. Pas mal, hein ?

Paul : Pas mal ! Tu l’aimais pas ?

Marcus : Non, c’est venu après.

Paul : Et elle ? Elle t’aimait ?

Marcus : Peut-être, oui !

Buraliste : 6,40. Merci, au revoir.

Paul : Salut.

Marcus : Salut.

Sans dialogue.

Hélène : Arrête, heu… de déconner. C’est fini, mon énervement.

Marcus : Ben, on a qu’à sortir, si tu n’as pas envie de faire la cuisine.

Hélène : J’ai pas envie de sortir.

Marcus : Tu m’aimes plus ?

Hélène : Qu’est-ce que ça à voir ?

Marcus : Ben alors, dis-le moi.

Hélène : Ce ne sont pas des chose qu’on dit sur commande.

Marcus : Alors fais-moi un baiser.

Hélène : Voilà.

Marcus : Encore une fois Lénine avait presque raison.

Hélène : À propos de quoi ?

Marcus : Encore une fois Lénine avait presque raison !!

Hélène : À propos de quoi ?!

Marcus : Quand il a dit : « Les capitalistes nous vendront jusqu’à la corde pour nous prendre ! » Il aurait dû ajouter : « Espérons qu’ils nous laisseront le temps de faire le nœud coulant. »

Hélène : J’comprends rien à ce que tu racontes.

Marcus : C’est à propos de la bombe atomique made in France qu’on risque de prendre sur la gueule si on y va.

Hélène : Où ?

Marcus : À la guerre.

Hélène : C’est prêt, viens dîner.

Ulrika : Paul, viens je suis bête.

Ulrika : Toi tu n’es pas comme les autres. Tu me regardes quand tu fais ça. Toi, comme tu le fais, ce n’est pas uniquement cause… pour / que / ce / soit / mouillé (en détachant chaque mot).

Ulrika et Paul : (rires).

Ulrika : Tu as des trucs ?

Paul : Hein ?

Pharmacienne : Oui ?

Ulrika : Bonjour, on voudrait, je voudrais, des… comment ça s’appelle ici ?

Paul : Préservatifs.

Ulrika : Des préservatifs.

Pharmacienne : Une boîte de combien ?

Ulrika : Je sais pas… la plus petite.

Pharmacienne : Une boîte de six.

Ulrika : Ouais.

Pharmacienne : Vingt-deux.

Ulrika : Je vis seule moi depuis deux ans. En Allemagne, plus question pour moi de vivre avec un type. Tu as envie de savoir pourquoi ?

Paul : Évidemment !

Ulrika : C’est pas évident que tu veuilles le savoir. Ça pourrait être juste de la délicatesse pour me baiser tout à l’heure. Voilà : moi, je ne veux plus retomber dans la situation de l’amour. À cause du premier que j’aie eu. De mon premier amour, Werner. Elles sont belles tes mains. Les siennes aussi étaient belles. Quand il manquait d’alcool, elles tremblaient, son corps tremblait aussi, tout son corps. Une fois, on est parti en vacances. On ne partait jamais, parce qu’on n’avait pas… pas d’argent ; et lui, il était toujours en vacances. Mais c’était pire que s’il travaillait, il n’arrêtait pas de faire rien, tu comprends ? Même la nuit. Il parlait toute la nuit, je ne dormais jamais. Et le matin, il tremblait.

Paul : Comment vous faisiez pour l’argent ?

Ulrika : Je faisais mes articles, et ses parents lui en donnaient un tout petit peu. Le dernier souvenir que j’aie de lui, il était à l’hôpital, dans un service fermé, il y avait des barreaux partout. Il était allongé sur son lit… une infirmière est venue lui donner des pilules. Et j’ai pensé ça, c’est ça mon dernier vrai souvenir, ce que j’ai pensé devant lui… j’ai pensé qu’elles étaient de la même couleur que celles qu’il prenait avec sa bière brune. Comme si, après tout, ici ou ailleurs en liberté, c’était pas très différent pour lui. Je ne devrais pas te parler de ça, ce n’est pas bon pour toi.

Paul : Pour moi ?

Ulrika : Pour toi, pour moi, tu comprends ?

Ulrika : Si tu n’avais pas eu quelqu’un, je serais resté avec toi.

Paul : Tu veux que je te porte ton truc ?

Paul : Tu as vu, il fait beau. Ah, non, tu as raison, il fait un temps dégueulasse. Tu veux qu’on se remette ensemble ?

Fanchon : Tu dis ça pour elle !

Paul : Non, pour nous, pour moi, pour Pierre…

Fanchon : Tu m’aimes ? Parce que si tu m’aimes pas, c’est pas la peine tu sais, je peux très bien me débrouiller toute seule. Tu m’aimes ?

Paul : Bien sûr, que je vous aime.

Fanchon : Non, mais moi ?

Paul : Toi, moi, Pierre, elle, c’est la même chose.

Fanchon : Mais moi ?

Paul : C’est la famille, c’est la seule chose qui compte : la famille.

Paul : Tiens, c’est drôle, c’est la fenêtre de la chambre où Jean s’est flingué. C’est drôle…

Paul : Tu te rends compte le ministre de la défense a démissionné. C’est génial !

Fanchon : Alors, on va pas faire la guerre…

Paul : Et oui, quand même.

Fanchon : Alors, pourquoi c’est génial ?

Paul : Mais oui, quand même. Un ministre de la guerre qui veut pas faire la guerre, c’est génial non ?

Fanchon : Si ça n’empêche pas de faire la guerre, je vois pas à quoi ça sert.

Sage-femme : Bonjour. Alors, heu… oui, c’est une césarienne. Vous voulez toujours une péridurale ? Vous ne voulez pas qu’on vous endorme, vous êtes sûre ?

Fanchon : Non.

Sage-femme : Bon, ben… préparez-vous, on va venir vous chercher.

Paul : Tu as peur ?

Fanchon : Non.

Sans dialogue.

Infirmière : Venez, c’est par là On aspire pour qu’ils puissent respirer, sinon ça les gêne. Quand ils naissent, ils avalent le liquide, mais après ça les gêne pour respirer. Donc, on aspire, par la bouche, par le nez… Ça les gêne, ça les fait tousser, en même temps ça les aide à recracher tout ce qu’ils ont. Allez, encore un fois dans la bouche, et après c’est fini. Oh, c’est pas hein… Voilà, mademoiselle, te voilà, hop. Bien lui tenir la tête, hein… Voilà, comme ça, c’est parfait.

Paul : Hey, tu as vu, la guerre est finie…

Fanchon : Oui…

Paul : 150000 morts…

Sans dialogue.

Paul : Ben mon vieux, qu’est-ce qui t’arrives ?

Marcus : On ne veut plus que j’écrive ! Ça suffit, ils ont dit !

Paul : Qui a dit ça ?

Marcus : Je ne sais pas à quel niveau ça se situe, mais sûrement au plus haut, au plus haut !

Paul : À propos, j’ai une fille, elle s’appelle Judith.

Sans dialogue.

Michèle : Votre grâce, je retir…

Lavaudant : Paul, t’es peut-être pas obligé… je sais pas, la première fois, t’es peut-être pas obligé de venir sur elle. Peut-être, c’est mieux que tu restes au fauteuil, là… je sais pas, c’est des choses à l’intuition… et c’est très, très important que tu la regardes, pendant qu’on tire… très, très important que tu restes le regard sur elle, sur Michèle. Allez, on reprend, juste ce moment-là, juste ce moment… Allez, allez… la fin Bernard.

Bernard : En outre, ma cliente ne dispose pas d’autant de force que cette personne, qui est habituée à effectuer un travail physique.

Paul : Elle m’a bien, elle m’a bien…

Lavaudant : C’est rien, c’est rien, vas-y, enchaîne, enchaîne… c’est rien, Paul.

Paul : Elle m’a bien nourrie. Tirez.

Lavaudant : Reste sur elle, reste sur elle.

Paul : Qu’est-ce qui te prend ?

Lavaudant : Prends-le peut-être plus à toi, Marie, prends-le carrément sur toi. Essaie de te le réapproprier. Prends-le carrément… Exagère peut-être cette chose. Prends-le devant… plus… La même chose… Allez, juste cette chose… Allez… Tirez pour de vrai, j’sais pas… c’est-à-dire, tirez peut-être moins long, mais tirez pour de vrai, qu’il y ait peut-être une vrai chose d’inquiétude, si tu veux… c’est-à-dire presque faites-lui mal. Mais peut-être plus court, qu’on voit que réellement, je sais pas, qu’il y a quelque chose de malsain, de dangereux. Allez, la même chose, Daniel…

Daniel : En outre, ma cliente ne dispose pas d’autant de force que cette personne qui est habituée à effectuer un travail physique.

Paul : Elle m’a l’air bien nourrie. Tirez.

Marcus : C’est bizarre, comme les choses arrivent. J’étais comme ça, comme maintenant, là, en train de regarder au fond de ma tasse de café… Et puis tout à coup, sans que j’aie l’impression qu’il ce soit passé quelque chose, tout avait changé. Je continuais de regarder au fond de ma tasse de café, parce que je ne n’avais rien d’autre à faire, parce qu’il n’y avait rien d’autre à faire. Plus rien n’avait de sens. Le monde avait perdu son sens. Je ne sais pas combien de temps je suis resté immobile devant ma tasse… Je me souviens que tout à coup, je me suis mis à pleurer. Évidemment, je n’avais pas plus de raison de pleurer que de faire autre chose, mais au moins, c’était une délivrance, en tout cas j’éprouvais quelque chose.

Lettre dépliée par Marcus : « Darling, je passe te prendre à 8h. Love, C. »

Paul : Et Hélène ?

Marcus : Quoi Hélène ?

Paul : Elle disait quoi, je veux dire ? Elle a pas pu t’aider ?

Marcus : Elle était pas là, elle était à Rome. Je lui en ai même pas parlé. De toute façon les femmes dans ce genre de situation, elles servent pas à grand chose.

Paul : Et maintenant.

Marcus : Maintenant, quoi ?

Paul : Qu’est-ce qu’elle dit ?

Marcus : Elle est au courant de rien, elle est toujours à Rome, et pour pas mal de temps encore, je crois.

Marcus : Personne ne sait ce qui se passe aujourd’hui parce que personne ne veut qu’il se passe quelque chose. En réalité, on ne sait jamais ce qui se passe, on sait simplement ce qu’on veut qu’il se passe, et c’est comme ça que les choses arrivent. En 17, Lénine et ses camarades ne disaient pas : « Nous allons faire la révolution, parce que nous voulons la révolution ». Ils disaient : « Toutes les conditions de la révolution sont réunies, la révolution est inéluctable. » Ils ont fait la révolution qui n’aurait jamais eu lieu s’ils ne l’avaient pas faite, et qu’ils ne l’auraient pas faite s’ils n’avaient pas pensé qu’elle était inéluctable, uniquement parce qu’ils la voulaient. Chaque fois que quelque chose a bougé dans ce monde, ça a toujours été pour le pire. Voilà pourquoi personne ne bouge, personne n’ose provoquer l’avenir, faudrait être fou pour provoquer l’avenir, faudrait être fou pour risquer de provoquer un nouveau 19, un nouveau 14, un nouveau 37 !

Paul : Alors, il ne se passera jamais plus rien.

Marcus : Si, parce qu’y aura toujours des fous et des cons pour les suivre. Et des sages pour ne rien faire. Tu sais, j’ai compris où était mon problème. Parce qu’il ne suffit pas de flipper, il faut encore savoir pourquoi.

Paul : Tu as raison, il n’y a pas que le plaisir dans la vie.

Marcus : Ben, justement, c’est ça mon problème, le plaisir et la vie ; jusqu’à présent, j’ai pris trop de plaisir à vivre, et je n’ai pas assez travaillé. Or, le travail, c’est la seule chose qui compte, sans ça on n’est rien…

Paul : L’obsession…

Marcus : Le talent n’est rien, tout le monde en a, mais ce que très peu de gens ont, c’est la ténacité, la persévérance.

Paul : L’obsession…

Marcus : Voilà, l’obsession. Le travail, c’est l’obsession pleinement assumée, et inlassablement exercée. L’obsession assumée et exercée, c’est-à-dire le travail, c’est ce qui différencie les grands des autres, c’est là où s’arrêtent les petits, et où commencent les grands. Le reste n’est qu’une question de temps. Et comme j’ai déjà perdu assez de temps comme ça, je m’y mets de ce pas, je commence à travailler !

Paul : Bravo, sur quoi ?

Marcus : Sur quoi ? C’est une bonne question, mais pas aussi importante qu’elle en a l’air. Toutes les grandes œuvres, c’est-à-dire les grands travaux, ne sont bâties sur rien qu’elles-mêmes, leur base c’est leur sommet, leur début c’est leur fin. Tu crois que « Longtemps je me suis levé de bonne heure » serait une phrase mémorable si elle n’inaugurait pas trois mille pages qui se terminent par « dans le temps » ?

Paul : C’est lumineux 989 .

Marcus : C’est pourquoi ta question est bonne, mais pas essentielle. Je pourrais décider, comme ça, arbitrairement de mon sujet, puisque de toute façon, ce qui en fera une œuvre, ce seront les années que j’empilerai dessus. Je pourrais dire que ce sera toi, oui toi, infime personnage, quoique plein de bonté, et décréter que mon œuvre commencerait ainsi : « Aujourd’hui, j’ai parlé avec Paul. » Qu’est-ce que tu en dis ?

Paul : J’en dis, que tu dis que tu pourrais le faire, mais est-ce que tu le ferais ?

Marcus : Mais bien sûr je le ferais, la preuve je le ferai.

Paul : Attends…

Marcus : Mais oui, infime intelligence, nous sommes passés du conditionnel au futur, je le ferais, je le ferai !

Paul : Ah, ah, ah…

Marcus : Hélène, Hélène, Hélène. Pourquoi tu m’as quitté ?

Hélène : Comment ? Écoute, c’est pas le moment. Attends-moi dehors, j’ai bientôt fini.

Marcus : Hélène, pourquoi tu m’as quitté ?

Hélène : Je sais pas. Écoute, ça sert à rien de poser ce genre de question.

Marcus : Mais je ne te demande pas grand chose. Jusqu’à présent, je t’ai pas mis des bâtons dans les roues, je t’ai pas beaucoup emmerdée.

Hélène : Alors pourquoi tu commences maintenant ?

Marcus : Parce que j’ai besoin de savoir pourquoi tu m’as quitté ?

Hélène : Mais pourquoi ? Je t’ai quitté, point, qu’est-ce que ça changera de savoir pourquoi ?

Marcus : Ça changera que j’arrêterai de me poser cette question, et ce sera un grand changement, crois-moi !

Hélène : Pourquoi ?

Marcus : Parce que j’en peu plus de me poser cette question sans même avoir l’espoir d’avoir une réponse. Parce que je veux comprendre quelque chose à ma vie.

Hélène : Ben, voilà, t’as trouvé.

Marcus : Quoi ?

Hélène : Voilà, la réponse, tu viens de la dire. Ma vie, ma vie, toujours ma vie. Notre vie, tu ne t’es jamais posé de question dessus, c’était toujours ta vie. Tu voulais une réponse, la voilà.

Marcus : C’est faux. C’est pas la réponse. Tu as dis ça comme ça. Tu as sauté sur le premier mot que j’ai dit, pour te débarrasser de ma question. C’est à cause de ce mec ?

Hélène : Mais non…

Marcus : Mais, c’est à cause de quoi alors ?

Hélène : Je viens de te dire. À cause de toi, de ton égoïsme.

Marcus : Mais mon égoïsme, si égoïsme il y a, te gênait pas trop jusqu’à ce que tu rencontres ce mec.

Hélène : Tu veux que je te dise que c’est à cause de ce mec, comme tu dis ? Et ben, d’accord, c’est à cause de ce mec.

Marcus : Non, ne me dis pas ça, ne me le dis pas… Ne me dis pas que tu m’as quitté pour ce type qu’il m’a suffit de voir une seule fois sans même lui parler pour m’apercevoir… qu’il a une tête de nœud. Je suis désolé, mais tu seras d’accord avec moi, ce garçon a l’air idiot. Je n’ai jamais vu un regard aussi vide, un visage aussi plat, des traits aussi nets gommés par l’infatuosité.

Hélène : Dis donc, tu l’as bien regardé.

Marcus : Mais tu es d’accord, hein, tu es d’accord ?

Hélène : Non, pas du tout, mais si ça peut te faire plaisir.

Marcus : Non, non, ça me fait pas plaisir. Je cherche seulement à comprendre, c’est tout. Il est ici ?

Hélène : Non.

Marcus : Tu l’as quitté ?

Hélène : Non.

Marcus : Mais il est à Rome ?

Hélène : Non, à Paris, il travaille.

Marcus : On peut se remettre ensemble alors, jusqu’à ce que tu retournes à Paris. J’ai beaucoup changé tu sais…

Hélène : Non !

Marcus : Mais merde, je t’aime moi. Tu comprends ce que ça veut dire ?

Hélène : Je sais, ce sont des choses qui arrivent.

Marcus : D’aimer ?

Hélène : D’aimer encore quand on n’est plus aimé.

Hélène : Qu’est-ce que tu fais là ? Qu’est-ce que tu veux ?

Marcus : Te parler !

Hélène : De quoi ?

Marcus : Je voulais te dire…

Hélène : Écoute, je suis crevée, il faut que je dorme.

Marcus : Laisse-moi dormir avec toi, une dernière fois, juste dormir. Je t’en supplie.

Hélène : Bon, d’accord.

Marcus : Mais qu’est-ce que c’est que ça ?

Hélène : Quoi ?

Marcus : Ben, ça !

Hélène : Ah ! Il aime ça, ça l’excite.

Marcus : Ça l’excite, ça l’excite, ça l’excite, ça l’excite…

Marcus : Moi aussi j’aimerais bien avoir un bébé… ou bien vous pourriez me donner celui-là, c’est plus facile quand c’est déjà fait. Autrement, c’est un peu la roulette…

Pierre : C’est quoi la roulette déjà ?

Marcus : C’est un jeu de hasard…

Fanchon : Pierre, va ranger ta chambre !

Pierre : Non !

Paul : Allons, va le faire.

Pierre : Pourquoi ?

Paul : Parce qu’une chambre doit être rangée.

Pierre : Pourquoi ?

Fanchon : Pour que tu puisses retrouver tes affaires.

Pierre : Justement, je les retrouve plus quand ma chambre est rangée.

Paul : Bon, ça suffit, hein ! Ne discute pas, vas-y !

Fanchon : Et mets tes chaussons.

Pierre : Pourquoi ?

Fanchon : Pour pas attraper froid.

Pierre : Vous rigolez, on crève de chaud ici.

Paul : Et parce que tu vas te faire mal aux pieds.

Pierre : Je me suis jamais fait mal aux pieds, et même si je me faisais mal aux pieds, qu’est-ce que ça peut vous faire ?

Paul : Ça peut nous faire que c’est nous qui devrons te soigner !

Pierre : Bon, ça va alors, c’est pour vous que je dois mettre mes chaussons, pas pour moi, fallait le dire.

Paul : Oui, il fallait le dire que tu voulais une fessée

Fanchon : C’est pour nous, c’est pour toi, parce que si tu te fais mal, ça nous fait mal aussi, tu comprends. Toi et nous, c’est la même chose.

Fanchon : Tu pourrais débarrasser la table ? Pourquoi c’est toujours moi qui suis obligée de toujours tout faire ici ?

Paul : Arrête ! Tu sais très bien que c’est faux… Hier au soir, j’ai débarrassé, j’ai fait la vaisselle…

Fanchon : Tu dis ça comme si c’était un exploit, un sacrifice… Chaque fois que tu fais quelque chose ici, on en entend parler pendant des semaines. Mais, c’est normal mon vieux, c’est la moindre des choses !

Paul : Tu as raison, ce serait la moindre des choses si… si j’avais envie de la faire. Seulement, faire la moindre des choses pour moi dans cette maison, c’est un calvaire… un calvaire !

Pierre : J’ai déjà dit que j’aimais pas les disputes.

Paul : On ne se dispute pas vraiment mon amour… on discute.

Paul : Bonjour, je peux vous parler ? N’ayez pas peur, je ne veux pas vous draguer.

Étrangère : Je n’ai pas peur. Vous êtes seul ici ?

Paul : Oui, j’ai une femme et des enfants à Paris.

Étrangère : Moi aussi, je suis seule ici, et j’ai un mari et des enfants à Londres.

Paul : On dirait que c’est un endroit où les gens viennent pour être seuls. Non ?

Étrangère : On dirait….

Étrangère : Ça fait si longtemps que je n’ai pas été heureuse.

Paul : Et maintenant ?

Étrangère : Je suis heureuse.

Paul : Vous allez rester ici ?

Étrangère : Je ne sais pas.

Paul : Qu’est-ce qui va se passer avec les enfants ?

Étrangère : Pour l’instant, je ne pense qu’à moi. J’ai trop longtemps pensé à eux, seulement à eux. À un moment, on ne peut pas faire autrement que de se sauver, sauver sa peau ou son âme, c’est la même chose. De toute façon, je ne vois à quoi je leur servirais sans âme.

Sans dialogue.

Sans dialogue.

Paul : Il faudrait qu’on trouve quelqu’un pour garder les enfants, jeudi. Jean, nous a invité à dîner.

Fanchon : Qui y aura ?

Paul : Y’aura Christian, quelqu’un qu’on connaît pas, Marcus et Ulrika.

Fanchon : Je garderai les enfants.

Paul : Pourquoi ?

Fanchon : Parce que j’ai pas envie de venir… parce qu’il y aura Ulrika.

Paul : Qu’est-ce que tu as contre elle ?

Fanchon : Rien de particulier… J’l’aime pas en général , c’est tout.

Paul : Ça ne t’empêche pas de venir, t’es pas obligée de lui parler.

Fanchon : J’préfère rester… mais vas-y toi ! T’en fais pas pour moi.

Sans dialogue.

Sans dialogue.

Paul : Tu es mon bébé.

Jean : Tu peux dormir ici, Paul, si tu veux.

Paul : Est-ce que tu veux qu’on parle encore ? Tu as envie que je reste ?

Ulrika : Oui ! Je n’ai fait que penser à ça depuis la dernière fois… surtout à te parler. C’est simple et étrange. Je suis comme en convalescence, et il n’y a que toi pour m’aider à guérir complètement.

Ulrika : On ne fait pas l’amour, et on voit comment ça se passe maintenant. Après… après… O.K. ? O.K. ?

Paul : Je t’aime.

Ulrika : Il ne faut pas m’en vouloir. Oh…

Sans dialogue.

Jean : C’est ton fils au téléphone, il vient te parler.

Paul : J’arrive.

Jean : J’ai dit que tu étais endormi sur le canapé.

Paul : D’accord.

Paul : J’étais crevé, je me suis endormi sur le canapé.

Fanchon : Qu’est-ce qui s’est passé ? T’aurais pu prévenir. On était inquiet.

Paul : Je t’ai dit, j’étais crevé, je me suis endormi sur le canapé.

Fanchon : Pierre veut te parler.

Paul : Oui, mon fils ?

Pierre : Papa ? Pourquoi t’es pas revenu, hier soir ?

Paul : Parce qu’il faisait très tard, et j’étais fatigué…

Pierre : Et…

Paul : Alors, j’ai… j’ai dormi avec mes amis.

Pierre : Mais…

Paul : Mais ça n’est pas grave, dis ? Ça n’est pas grave ?

Pierre : Mais moi je voulais te voir ce matin…

Sans dialogue.

Ulrika : Bonjour.

Jean : Bonjour.

Clara : Tu veux du café ?

Ulrika : Merci.

Paul : Tu sais, je sais pourquoi tu veux pas vivre avec moi : parce que tu veux pas que… je quitte mes enfants.

Ulrika : Non ! Tes enfants, c’est ta responsabilité, pas la mienne.

Sans dialogue.

  • Séquence 41. Ext. Jour. Quai de la Gare de l’Est.

Ulrika : J’ai reçu une lettre de Ruth, elle est au courant pour nous. Alors, voilà ce que ça dit : « Tu devrais accepter Paul. Il n’y a pas pire que la solitude. Un jour, tu t’en rendras compte. Tu renonceras à tes tours de prestidigitation, à cette magie un peu noire. À ces subterfuges pour échapper à tout lien, pour rester dans cette solitude. Une drogue que tu supportes, celle-là, pour le moment. Tu as trente ans ; tu ne tiendras pas le coup seule, aussi longtemps. Ton travail te donne assez de solitude comme ça. » Hmm… j’adore Ruth. Elle a raison. Mais pour moi, un type, c’est quelqu’un qui t’expédie des mots durs au visage, comme une poignée de cailloux qu’il flanquerait aux carreaux de quelqu’un qui dort. Et si ce ne sont pas des mots durs, des mots plaisants, des mots d’amour. Je suis la personne qui dort. Je suis la personne qui dort. J’ai trop peur maintenant de vivre avec un homme. Je ne t’aime pas Paul, tu sais ?

Paul : Je sais…

  • Séquence 42. Int. Jour. Pièce de l’appartement de Fanchon et Paul.

Paul : Tu es mon bébé. Hihou…

  • Séquence 43. Int. Nuit. Chambre de Fanchon et Paul.

Fanchon : C’est inquiétant… qu’on puisse changer comme ça, du jour au lendemain, comme une girouette, non ? Pas comme une girouette, d’ailleurs, parce que la girouette, on sait que c’est le vent qui la fait tourner, tandis que nous ? C’est ça qui m’a fait peur ! Vraiment peur, quand je suis tombée amoureuse de Kalif.

Paul : Kalif ? Ah, oui. Kalif.

Fanchon : Oui, Kalif.

Paul : Qu’est-ce qui t’a fait peur ?

Fanchon : D’être capable… d’entendre, comme tu dis, quelqu’un qui soit différent de toi. D’être devenue une étrangère à celle que j’étais, celle qui t’avait aimé, qui t’avait fait deux enfants.

Paul : Oui, ce doit être curieux.

Fanchon : Et toi, c’est pas la même chose, non ?

Paul : Non… pas vraiment non, pas vraiment… Oui ! Tu crois que les enfants sont pareils ?

Fanchon : Comment pareils ?

Paul : Pareils que nous, qu’ils peuvent changer, comme ça, du jour au lendemain, devenir des étrangers.

Fanchon : Pourquoi tu poses cette question ?

Paul : Pourquoi je demande ça, parce que c’est nos enfants.

Fanchon : Ah, nos enfants.

Paul : Ça compte, non ?

Fanchon : Bien sûr que ça compte !

Paul : Qu’est-ce que tu fais là mon fils ? Pourquoi tu ne dors pas ?

Pierre : Je dormais, je me suis réveillé. Pourquoi vous dormez pas ?

Paul : Parce qu’on parle, tu vois !

Pierre : Vous parlez de quoi ?

Paul : De toi !

Pierre : De moi ?

Paul : Et on disait que tu étais le plus gentil garçon du monde, surtout quand tu dors !

Pierre : Parce que… je suis pas gentil quand je ne dors pas ?

Paul : Je veux dire surtout quand tu dors à l’heure où les enfants doivent dormir.

Pierre : Vous avez dit ça ?

Paul : Oui, presque ! Allez, hop, toi aussi, tout le monde au lit.

  • Séquence 44. Ext. Nuit. Rue de Paris.

Sans dialogue.

  • Séquence 45. Int. Jour. Café.

La Jeune Femme : Excusez-moi. Je voulais vous dire que j’aime beaucoup ce que vous faites.

Paul : C’est gentil. Asseyez-vous. Vous voulez un café ?

La Jeune Femme : Oui.

Paul : Vous voulez qu’on déjeune ensemble ?

La Jeune femme : D’accord. Je dois passer un coup de fil. S’il vous plaît, c’est où le téléphone ?

La Jeune Femme : Ça va.

Paul : On y va ?

  • Séquence 46. Int. Nuit. → Int. Nuit. → Int. Nuit. Chambre de l’appartement de Paul et Fanchon, escalier de l’immeuble, retour chambre.

Paul : Je n’en peux plus ! Je n’en peux plus ! Trois heures que la petite ne veut pas dormir.

Pierre : Maman, elle pleure. Elle est en haut sur le palier.

Paul : Va lui dire de redescendre.

Pierre : Je lui ai déjà dit.

Paul : Va lui dire que je lui demande pardon.

Pierre : Et que tu l’aimes ?

Paul : Oui, va lui dire.

  • Séquence 47. Int. Nuit. Chambre de l’appartement de Fanchon et Paul.

Paul : J’en ai marre… j’en ai marre. C’est pas au papa, c’est à leur mère de s’occuper des bébés. Tu sais ce qu’il a fait un jour mon père ? Un jour, il a dit qu’il en avait assez, il a laissé ma mère toute seule avec nous.

Pierre : Arrête de me parler de ça.

  • Séquence 48. Ext. Nuit. Rue de Paris.

Paul : Je n’ai dit qu’à une seule femme, ce que je n’ose pas vous dire.

La Jeune Femme : Et moi, j’ai encore rien dit. Vous voulez que je vous le dise ?

Paul : Pas encore.

La Jeune Femme : Pas encore ? Vous avez raison.

  • Séquence 49. Ext. Nuit. Rues attenantes à l’immeuble de Fanchon et Paul.

Pierre : Papa, Papa, Papa, etc.

  • Séquence 50. Ext. Nuit. Voiture de Paul.

Marcus : Deux hommes roulent vers leur destin… La voiture, ça m’a toujours inspiré. La voiture, et le train, toujours. Et tu sais que je n’ai compris pourquoi il n’y a encore que très peu de temps. Tu sais pourquoi ?

Paul : Non.

Marcus : C’est un peu difficile à expliquer. Ce n’est pas à cause du mouvement, du changement, c’est au contraire à cause de la limitation. Je me suis rendu compte que j’étais assuré, rassuré, que la situation dans laquelle j’étais était limitée dans le temps. Et que je pouvais donner libre cours à mon imagination. Tu vois ? Bizarre, hein ? Tu vois ?

Paul : Non, je sais pas pourquoi.

Marcus : Eh bien, pour que mon imagination me mène jusque-là où j’ai peur d’aller. Tu vois ?

Paul : Oui et non.

Marcus : Aller jusqu’à sa source, la grande faille, la vie, la scène primitive, ou je ne sais quoi, le secret, l’interdit auquel mon œuvre prend ses forces et sur laquelle elle est bâtie.

Paul : Haaaa…

Marcus : Pas mal, hein ? À ses sources. Seulement, je ne voyage pas assez.

Paul : Tu n’as qu’à passer ton permis.

Marcus : Non, parce que si je conduisais, je ne pourrais plus penser.

Paul : Paye-toi un chauffeur, alors.

Marcus : C’est ce que j’ai l’intention de faire quand j’aurais eu le Nobel. Après toutes mes œuvres s’intituleront « Gloire de mon chauffeur », tome 1, tome 2, tome 3…

Paul : Génial.

Marcus : Je ne sais pas… Je pense beaucoup en ce moment. Je te parlais de destin tout à l’heure.

Paul : Humm…

Marcus : J’en suis arrivé à la conclusion que je n’avais plus de destin. Mine de rien, il m’a fallu un sacré courage. Jusqu’à présent, j’avais pensé que j’avais un destin, et qu’en fin de compte, ma responsabilité était très limitée. Par exemple, autrefois, j’aurais pensé, mon destin est d’aller à Rome avec Paul. Aujourd’hui, je sais que ce n’est pas vrai. Rome n’est pas notre destin, c’est notre destination. Et même on pourrait dire que… en fait, tu vois, c’est simple… l’Occident tout entier souffre de la perte du destin que les Grecs nous ont léguée, et que l’Église chrétienne a reprise en héritage. Nous errons au hasard. Les gens se fixent des destinations pour pallier leur manque de destin. C’est pourquoi nos vies sont de plus en plus ternes. D’ailleurs, tu remarqueras, il n’y a qu’aux vedettes qu’on attribue un destin.

Paul : Tu as vu, une étoile.

Paul : Tu aimes ton père ?

Marcus : Je le haïssais. Putain, la plus grande joie de ma vie, ç’aurait été de lui défoncer la tronche.

Paul : Tu l’as pas fait lui défoncer la tronche.

Marcus : Lui défoncer la tronche ! Métaphoriquement s’entend. Lui dire son fait, l’homme qu’il avait été, le père. Là, il l’a jamais su. S’il avait pu le savoir, ç’aurait été un autre homme. Mais c’était trop tard, je n’étais déjà plus son fils. Ce qui est faux, d’ailleurs. On reste toujours un fils. C’est pourquoi je regrette encore. C’était peut-être trop tard pour que ça lui fasse quelque chose à lui, mais pas trop tard pour que ça me fasse quelque chose à moi. Je n’ai pas été assez égoïste ou j’ai eu peur qu’il en souffre. Mais pourquoi tu me poses cette question ?

Paul : Parce que j’ai un fils.

Marcus : Tu es un bon père, non ? Puis y’avait aussi qu’il me devait de l’argent, depuis dix ans le salaud ; j’avais peu de chance de le récupérer, mais enfin, je voulais quand même pas la gâcher.

Paul : Il te l’a rendu ?

Marcus : Tu peux croire ? Dix ans après. Ça faisait la moitié de la somme que je lui avais prêtée. Et tu sais quoi, ce salopard, quand il est mort, il avait soixante mille balles sur un compte en banque. Et il devait de l’argent à tous ses amis, y compris sa petite maîtresse de trente ans qui n’avait pas un rond.

Paul : Il avait quel âge ?

Marcus : Dans les soixante-quinze ans environs.

Paul : Et tu les as récupérés ?

Marcus : Non, pas moi, ma sœur, qui me les avait promis, mais… elle s’est bien démerdée . Elle lui ressemble un peu dans son genre.

Paul : Toi, ton père, il est resté ?

Marcus : Hein ? Quoi, mon père ?

Paul : Il est resté ?

Marcus : Oui, malheureusement jusqu’au bout. J’attendais qu’il se tire pour baiser ma mère, mais à la longue je me suis lassé, c’est moi qui suis parti le premier.

Paul : Moi, il est parti.

Marcus : Hein ?

Paul : Il est parti.

Marcus : Il est parti quand ?

Paul : Tôt.

Marcus : Et alors ?

Paul : On est copain, ami même, je lui demande conseil sur tout.

Marcus : C’est un vrai père pour toi.

Paul : Oui, j’ai pas besoin d’un deuxième.

Marcus : Et ta mère ?

Paul : On se voit pas souvent.

Marcus : Tu vois comme la vie est injuste. Il ne faut pas être père trop tôt, il faut se le garder pour la bonne bouche. D’ailleurs, ils ont compris, ils font tous ça, maintenant, ils se tirent, ils laissent la mère investir et y reviennent toucher les dividendes.

Paul : Ouais, t’es dégueulasse de parler comme ça !

Marcus : Quoi, parce que je te dis la vérité ? Tu crois que tu serais le fils de ton père si t’étais pas parti ?

Paul : J’en sais rien mais… je me suis bien tiré, mais toi…

Marcus : Mais quoi ? Tu crois que le refoulé t’a pas rattrapé, tiens paf, dans la nuque le coup du refoulé. C’est vrai que tu es un peu… (suite de la phrase incompréhensible).

  • Séquence 51. Ext. Jour. Voiture de Paul sur une route de montagne arrivant à un poste frontière.

Douanier : Messieurs. Coupez votre moteur s’il vous plaît. Vous voulez bien réveiller votre ami, j’aimerais voir sa tête quand il dort pas.

Paul : C’est pas la même ?

Douanier : Non, les yeux !

Paul : Oh, Marcus, Marcus.

Douanier : C’est bon.

  • Séquence 52. Ext. Jour. Autoroute en Italie.

Paul : C’est quand même autre chose l’Italie !

Marcus : Tu vois la différence ?

Paul : J’y suis dans la différence, je la sens, au fond. Qui a dit que voyager ne nous change pas ?

Marcus : Baudelaire.

Paul : Il avait tort. On ne vit pas qu’à l’intérieur, on vit sur la terre quand même. Tu connais la Madona de Monterchi 990 , on devrait aller la voir, c’est pas loin, près d’Arezzo.

Marcus : On va à Rome !

Paul : Comme tu dis ça. D’accord, à Roma. « Vivre et mourir là », comme disait Musset à propos de Venise mais c’est tout comme…

  • Séquence 53. Ext. Jour. Rue de Rome.

Sans dialogue.

  • Séquence 54. Int. Jour. Hall d’entrée d’un hôtel à Rome.

Marcus : On est à Rome.

Hélène : Tu… Tu viens pas alors ?

Marcus : Ben, si, si tu veux, oui.

Hélène : Ben, viens alors.

Marcus : Tu es sûre ?

Hélène : Oui, sûre, sûre.

Marcus : Bon, ben , j’arrive maintenant alors.

Hélène : Oui, viens.

Marcus : J’arrive.

  • Séquence 55. Int. Jour. Chez Hélène à Rome.

Sans dialogue.

  • Séquence 56. Int. Jour. Chambre d’hôtel de Paul.

Sans dialogue.

  • Séquence 57. Ext. Jour. Rue de Rome attenante à une église.

Paul : Ça va ?

Marcus : Ça va.

Paul : Je rentre tout à l’heure à Paris.

Marcus : Heu… bon je rentre, tu viens avec moi.

Paul : Je préfère pas.

Marcus : Bon, tu m’attends alors.

Paul : D’accord.

Paul : Qu’est-ce que tu allais faire la dedans ?

Marcus : Rien, voir.

  • Séquence 58. Ext. Nuit. Rue de Paris.

La Jeune Femme : Hein, c’est pas beau l’adultère ?

Paul : C’est pas ça ce qu’on va faire.

  • Séquence 59. Int. Nuit. Chambre d’hôtel à Paris.

Paul : Ça t’ennuie si je te raconte des choses qui ne te regardent pas ?

La Jeune Femme : Non, elles me regardent si tu as envie de me les raconter.

Paul : Il y a très longtemps, j’aimais une femme.

  • Séquence 60. Ext. Jour. → Int. Jour. Rue de Paris, restaurant chinois.

Pierre : Dis, Papa, qu’est-ce qu’on fait samedi ?

Paul : Samedi ?

Pierre : Ouais ?

Paul : Mais on est mercredi, et on a encore rien fait. Attends qu’on ait fait quelque chose mercredi et on parlera de ce qu’on fera samedi.

Pierre : Mais tu sais pas ?

Paul : Non, je sais pas, vraiment pas.

  • Séquence 61. Int. Nuit. Chambre d’hôtel.

La Jeune Femme : Y’a longtemps, j’ai eu un accident ; une voiture m’a renversée. Là regarde, je peux pas encore m’asseoir sur mes (inaudible).

Paul : J’ai remarqué que tout à l’heure, dans la rue, tu boîtais un peu, j’aurais crû à une foulure, une entorse.

La Jeune Femme : C’est surtout quand il fait humide que je boite. Elle m’a cassée en six sur toute la longueur cette voiture. J’ai rien vu, c’était la nuit, j’avançais sur une avenue. J’ai attendu la voiture, les gens roulent très vite dans cette direction. Je l’ai fait parce que quelqu’un m’aimait plus, qu’il m’a laissée.

  • Séquence 62. Int. Nuit. Chambre d’hôtel.

Sans dialogue.

  • Séquence 63. Int. Nuit. Chambre d’hôtel.

La Jeune Femme : J’aime pas trop les chambres d’hôtel. Celle-là, je vais l’installer comme une chambre d’une maison.

  • Séquence 64. Int. Nuit. Chambre d’hôtel.

Paul : Quand je te caresse comme je le faisais des spirales en coquilles, tu sais, celles que la mer jette sur le sable… Les enfants touchent la mousse. Les autres femmes, je les branlais. Sinistre et hygiénique. Je les branlais.

  • Séquence 65. Int. Nuit. Chambre d’hôtel.

La Jeune Femme : Merde, j’ai mes règles.

Paul : C’est la première fois que je trouve ça si beau, ce sang.

  • Séquence 66. Ext. Jour. Rues attenantes à un café.

Un texte sur un carnet, écrit par Paul, lu par la Jeune Femme :

« Que l’amour, pas le cinéma, pas la vie sans toi, pas les jours d’horreur que je passe seul, la beauté de tes yeux. »

La Jeune Femme : Tu vois pas tes enfants aujourd’hui ?

Paul : Non, c’est après-demain. Tu veux qu’on se retrouve, tout à l’heure ?

La Jeune Femme : Je dois aller visiter une chambre. On va pas continuer à dépenser tout ton argent pour payer l’hôtel.

Paul : Je viens avec toi ?

La Jeune Femme : Si tu veux.

Paul : Je te retrouve où ?

La Jeune Femme : C’est rue de Rivoli. On a qu’à se retrouver à midi, devant le Châtelet. Tu m’aimes ?

Paul : Mais, oui, je t’aime.

La Jeune Femme : Prouve-le moi.

Paul : Si tu veux, je peux te faire un enfant.

La Jeune Femme : J’veux pas un enfant, j’voulais juste un baiser.

Paul : Mais, même.

La Jeune Femme : Hein ?

Paul : Mais même.

La Jeune Femme : Tchao.

Notes
989.

La réplique n’est pas certaine.

990.

Paul fait sans doute référence à la Madone del Parto, de Piero Della Fransceca.