Chapitre 1. Le triptyque veblenien de la connaissance

Ce premier chapitre vise à rendre compte de la théorie veblenienne de la connaissance, que nous définirons de manière traditionnelle comme « l’étude du rapport qu’ont entre eux le sujet et l’objet dans l’acte de connaître » [Lalande, 1992, p. 1129]. Cette définition de la gnoséologie correspond très précisément à la façon dont Veblen pose le problème de la connaissance, dans la mesure où son approche est étroitement liée à sa théorie des comportements humains. En effet, sa typologie des connaissances étant fondée sur les mobiles gouvernant la production du savoir, elle repose très largement sur son concept d’instinct 21 .

Notre lecture est le fruit d’un travail de recomposition de la pensée de l’auteur à partir de ses différents écrits gnoséologiques. La nécessité de cette reconstruction tient au fait que Veblen ne mobilise pas les mêmes distinctions conceptuelles dans tous ses travaux. Notre interprétation procède donc d’une démarche synthétique visant à articuler les éléments saillants de sa théorie de la connaissance, tels qu’ils apparaissent dans divers écrits.

Cette approche nous conduit à mettre en évidence trois types distincts de connaissances. Cette lecture ternaire s’oppose à l’interprétation dichotomique qui est généralement faite de la gnoséologie veblenienne dans la littérature. Nous nous efforcerons donc de la justifier (section 1) avant de présenter plus précisément chacune des trois formes de savoir que nous pensons avoir identifiées dans l’œuvre de l’auteur : la connaissance désintéressée (section 2), la connaissance technique (section 3) et la connaissance pragmatique (section 4).

Notes
21.

L’analyse veblenienne des instincts sera plus spécifiquement développée infra chap. 5.