1.2. La lecture veblenienne d’Adam Smith

Après avoir exploré les soubassements métaphysiques de la physiocratie, Veblen porte son attention sur la pensée d’Adam Smith qu’il considère comme « le point de départ de l’économie classique » [1899b, p. 113]. Selon lui, l’œuvre de Smith exprimerait une approche du monde moins animiste que celle des physiocrates. Plus précisément, il identifie dans la pensée smithienne une combinaison de deux préconceptions : l’une « qui s’en tient aux faits » et qui le conduit à appréhender le monde en termes strictement causals, et l’autre « animiste », semblable à celle des physiocrates (1.2.1.). Si la valeur de l’œuvre de Smith réside, pour Veblen, dans les développements qu’il a tirés de la première, c’est sa préconception téléologique qui gouvernerait, en dernière instance, son système (1.2.2.). La prééminence de celle-ci le conduirait notamment à opérer une « normalisation des données », consistant à rationaliser l’histoire et à légitimer les règles de répartition sociale de la richesse (1.2.3.).