Conclusion de la deuxième partie

L’objet de cette deuxième partie était de caractériser le projet scientifique de Veblen, visant à l’élaboration d’une économie « évolutionniste » ou « post-darwinienne ». C’est dans cette perspective que nous nous sommes intéressé à sa lecture des principaux courants de pensée économiques.

L’histoire de la pensée économique retracée par Veblen est principalement une histoire des préconceptions des économistes. En effet, le but de notre auteur est de mettre à jour les croyances généralement inconscientes, qui sous-tendent les théories économiques. Si sa lecture est parfois contestable et s’appuie fréquemment sur des généralisations mal fondées, sa recherche des soubassements métaphysiques des théories le conduit néanmoins à mettre en évidence certains éléments de continuité importants dans l’histoire de la pensée économique.

Toutes les critiques que Veblen adresse aux économistes portent sur leur incapacité à se défaire de préconceptions incompatibles avec le développement d’une science économique « évolutionniste ». Ainsi, les théories marginalistes, le système marxien, une partie des écoles historiques allemandes et l’évolutionnisme spencérien reposeraient, à des degrés divers, sur une approche des phénomènes économiques dépassée en regard de l’évolution de la science.

L’enjeu du projet scientifique de Veblen est précisément de doter l’économie des attributs d’une science « évolutionniste ». Cela implique de redéfinir à la fois son objet et sa méthode. Ainsi, l’économie devrait, selon lui, avoir en vue de théoriser l’évolution des institutions économiques, comme un processus non téléologique de causalité cumulative. Si la définition de son objet pâtit de son incapacité à définir précisément les frontières de la notion d’institution économique, sa « méthode génétique » est, en revanche, particulièrement novatrice. Avant de considérer la façon dont il l’a mise en œuvre pour appréhender le changement institutionnel (infra partie 4), il convient de proposer une interprétation de sa théorie des comportements humains, tant il est vrai que celle-ci joue un rôle central dans son analyse de la dynamique des institutions.