En tant qu’elle intéresse les sciences sociales, « l’action instinctive est téléologique et ce de façon consciente », si bien qu’elle peut être considérée comme « intelligente dans une certaine mesure » [1914, pp. 3, 30]. Cette affirmation est essentielle à la bonne compréhension de la théorie veblenienne des comportements humains. En effet, elle montre que notre auteur n’oppose nullement les instincts à l’intelligence. Au contraire, ils entretiennent, selon lui, un double rapport étroit. D’une part, « si les fins de la vie, c’est-à-dire les buts à atteindre, sont données à l’homme par ses propensions instinctives, les moyens d’accomplir les choses qui, conformément à ces inclinations, en valent la peine, sont affaire d’intelligence » 387 [1914, p. 6]. Autrement dit, l’intelligence joue un rôle primordial dans la définition des moyens permettant de satisfaire ces mobiles généraux de l’action humaine que sont les instincts. D’autre part, « l’instinct gouverne aussi la portée et la méthode de l’intelligence dans toutes ses manifestations » 388 [1914, p. 6]. En d’autres termes, si l’intelligence est nécessaire à l’accomplissement des fins instinctives de l’être humain, les instincts sont eux-mêmes indispensables à l’exercice de l’intelligence. Comme nous le montrerons (infra 2.3. dans ce chapitre), c’est « l’instinct du travail bien fait » qui permet à Veblen de donner un fondement instinctif à l’intelligence humaine. Pour l’heure, il convient de discuter les thèses que Veblen a élaborées sur la base d’une autre caractéristique essentielle des instincts, c’est-à-dire le fait d’être des « propensions innées et persistantes de la nature humaine » [1914, p. 2].
« The ends of life, then, the purposes to be achieved, are assigned by man’s instinctive proclivities ; but the ways and means of accomplishing those things which the instinctive proclivities so make worth while are a matter of intelligence ».
« Instinct also governs the scope and method of intelligence in all this employment of it ».