2.2. La justification darwinienne de l’instinct de sympathie sociale et de l’instinct du travail bien fait

Veblen a introduit le concept d’« instinct of workmanship » dans un article publié en 1898. Cette « propension à tirer parti des moyens matériels de la vie » est, selon Veblen [1898b, pp. 80, 82], « le trait le plus générique, le plus indéfectible de la nature humaine ». Le seul autre instinct à pouvoir lui disputer cette caractéristique est un penchant qui lui est étroitement associé et que notre auteur désigne sous le terme d’« instinct de la solidarité de groupe » 421 [1898b, p. 89]. En vertu de celui-ci, l’homme est un « animal social » et « pacifique » [1898b, p. 85]. Veblen [1914, p. 25] se réfèrera plus tard à cet instinct par l’expression « parental bent ». Ayant sans doute conscience de l’ambiguïté de ce terme, il précise qu’il déborde largement le cadre des rapports familiaux et doit être entendu comme une « sollicitude parentale à l’égard du genre humain » 422 [1914, p. 26]. Comme l’a bien résumé Raymond Aron [1970, p. xxiii], il désigne un « penchant à éprouver et à manifester les affections typiques des parents » à l’égard de quelque être humain que ce soit.

Après avoir discuté des traductions françaises d’« instinct of workmanship » et de « parental bent » (2.2.1.), nous préciserons les arguments darwiniens que Veblen met en avant pour justifier leur existence chez l’être humain (2.2.2.).

Notes
421.

« sense of group solidarity ».

422.

« The parental solicitude in mankind ».