Sous section 2. La liberté d’expression en droit européen

Précisons au préalable que malgré quelques textes 187 consacrant plus ou moins directement la liberté d’expression, le juge communautaire n’a eu que peu d’occasions de s’intéresser à cette liberté, et encore moins pour des affaires relatives à la presse. La Cour de justice des communautés européennes est intervenue pour définir la liberté 188 et pour en préciser ses limites 189 .

Nous nous intéresserons plus particulièrement à la position du Conseil de l’Europe et de son organe juridictionnel car un grand nombre de litiges français relatifs à la liberté d’expression se retrouvent devant lui. Le Conseil de l’Europe a eu l’occasion de préciser certaines notions à travers quelques textes, mais bien évidemment, le texte fondateur est la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales de 1950 déjà évoquée. A partir des deux paragraphes de l’article 10, la Cour européenne va élaborer un véritable régime juridique des médias, favorisant la liberté plutôt que ses limites.

Notes
187.

La Charte des droits fondamentaux ou encore, la directive T.V sans frontières du 3 octobre 1989 qui définit le cadre juridique de la libre circulation des émissions de T.V. dans l’UE. Les Etats-Unis ont dénoncé le caractère unilatéral de cette directive qui ne servirait pas à promouvoir la culture mais à restreindre le commerce et la liberté de choix du consommateur. L’audiovisuel est alors considéré comme un produit plutôt qu’un service tel que l’entend l’UE, et a fortiori la France. La pratique démontre que ces allusions protectionnistes des Etats-Unis sont elles aussi unilatérales. La directive s’articule essentiellement autour de quatre thèmes : la publicité, le droit de réponse, les droits d’auteur et la protection de la jeunesse. Elle fait partie des droits fondamentaux dont la Cour de justice assure le respect (CJCE, 17 janvier 1984, VBVB et VBBB c/ Commission, Rec. p. 19). Elle est appréhendée par rapport à la libre circulation (des informations) et au maintien du pluralisme par rapport aux pratiques anti-concurrentielles.

188.

CJCE 17 janvier 1984, VBVB et VBBB contre Commission, affaires jointes 43/82 et 63/82, Recueil p. 19.

189.

Par exemple : en ce qui concerne l’obligation d’allégeance des fonctionnaires européens, (CJCE 13 décembre 1989, Oyowe et Traore contre Commission, affaire C-100/88, Recueil p. 4285). La Cour a considéré quelle n’était pas contraire à la liberté d’expression. Quant au contentieux Irlandais relatif à l’interdiction de l’avortement s’accompagnant d’une interdiction de diffuser des informations, la CJCE ne s’est pas prononcée de façon très explicite à ce sujet, elle n’a pas vraiment résolu le problème (CJCE 4 décembre 1991, The society for the protection of the unborn children contre Grogan, affaire C-159/90, Recueil p. I-4685). A propos de la libre circulation des marchandises (CJCE 26 juin 1997, Heinrich Bauer Verlag, aff. C-219/91, Rec. I p. 5485.), les juges ont considéré que les restrictions à la liberté peuvent être justifiées par la nécessité de maintenir la liberté de la presse. Pour la Cour, l’interdiction par une loi nationale de vendre des périodiques contenant des jeux-concours dotés de prix peut porter atteinte à la liberté d’expression. Dans cette affaire Vereinigte Familiapress, la CJCE a placé pour la première fois sur le même plan la liberté d’expression et la libre circulation des marchandises (CJCE 26 juin 1997 Vereinigte Familiapress, Recueil I p. 3689, Revue Trimestrielle des Droits de l’Homme 1998 p 682). Malgré ces quelques décisions, la CJCE précise régulièrement que les limites à la liberté d’expression doivent être appréciées à la lumière de l’article 10 de la CESDHLF et ne sont licites que si elles sont nécessaires. (Ce rappel a été affirmé par exemple dans la jurisprudence de la CJCE du 18 juin 1991, Ert c/ Dimotiki Etairia Plioroforissis, aff C-260/89, Rec. I p. 2951).