Titre 2. Le droit à l’information révélé par les principes de pluralisme et d’honnêteté de l’information

L’information objet de droit a toujours été envisagée essentiellement à travers les « faiseurs de l’information », c’est-à-dire les journalistes mais surtout les entreprises de presse. La notion de pluralisme est réellement et concrètement apparue dans les années 1980, que ce soit pour la presse écrite ou la communication audiovisuelle. Alors que les lois consacrant ce principe semble s’intéresser surtout aux diffuseurs de l’information, le Conseil constitutionnel a donné sa propre interprétation du pluralisme en l’orientant aussi vers le lecteur, l’auditeur ou le téléspectateur, qui constitue le destinataire essentiel de l’information. Nous passons d’une conception finalement très libérale, économique, à une conception plus solidariste, tournée vers le citoyen. A partir du pluralisme externe, le juge constitutionnel a mis en valeur le pluralisme interne. Le principe de pluralisme 364 , qui figure à l’article 1er de la loi du 30 septembre 1986, est un des principes fondamentaux de cette loi. La notion même de pluralisme pourrait paraître antinomique avec la notion d’information dont le corollaire est la neutralité. Le pluralisme se rapproche plus de l’opinion, de l’expression d’idées que de l’information. Pourtant, la notion de pluralisme est primordiale pour le droit à l’information. Le pluralisme doit être entendu au sens large ; il ne s’agit pas seulement de choisir entre plusieurs idées mais plutôt entre telle ou telle information qui sera plus ou moins mise en valeur selon le média qui la traite. Cette diversité des sources d’information sera garantie par le respect d’un pluralisme économique, c’est-à-dire des médias aux mains de personnes différentes plutôt que des médias concentrés dans les mains d’une seule personne. Il en résulte que le droit à l’information des citoyens est le droit de se forger une conviction grâce à la confrontation des informations et des opinons.

Le Conseil constitutionnel va d’ailleurs compléter ce cadre en ajoutant aux normes constitutionnelles applicables dans le but de satisfaire le destinataire de l’information, l’impératif d’honnêteté de l’information. S’il s’agit d’une obligation pour le transmetteur de l’information, c’est pour la satisfaction du public.

C’est avec les différentes jurisprudences du Conseil constitutionnel consacrant ces principes de pluralisme et d’honnêteté de l’information que l’on voit émerger un certain « droit à l’information ». Nous nous devons de rester prudent sur le vocabulaire employé car le Conseil constitutionnel n’a jamais consacré explicitement les termes de droit à l’information, alors que rien ne l’en empêchait vraiment. Pour autant, les formules employées ne peuvent laisser subsister aucun doute sur l’intention du juge constitutionnel de mettre le public au cœur du dispositif de l’information. Seule une information pluraliste et honnête permettra de garantir un droit à l’information. Le Conseil constitutionnel a reconnu à ces principes une valeur constitutionnelle dans la plupart de ses décisions relatives à la communication. Les mêmes types de formules sont toujours reprises, par exemple, dans sa décision du 29 juillet 1986 365 ou dans celle du 18 septembre 1986. Le Conseil constitutionnel explique que

‘« le pluralisme des courants d’expression socioculturels est en lui-même un objectif de valeur constitutionnelle ; que le respect de ce pluralisme est une des conditions de la démocratie ; que la libre communication des pensées et des opinions, garantie par l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, ne serait pas effective si le public auquel s’adressent les moyens de communication audiovisuelle n’était pas à même de disposer, aussi bien dans le cadre du secteur privé que dans celui du secteur public, de programmes qui garantissent l’expression de tendances de caractères différents dans le respect de l’impératif d’honnêteté de l’information » 366 .’

Le pluralisme, externe ou interne, économique ou d’idées, c’est-à-dire des entreprises de presse ou de l’information diffusée, est établi par l’intermédiaire de règles strictes, alors qu’aucun texte législatif n’est venu préciser ou encadrer l’honnêteté de l’information, défini essentiellement par les textes déontologiques. Dans les deux cas, c’est le CSA pour la communication audiovisuelle qui sera compétent pour sanctionner les atteintes à ces principes. Le pluralisme et l’honnêteté de l’information contribuent à la reconnaissance du droit à l’information en tant que réel concept juridique, nous pourrons même aller jusqu’à affirmer que le droit à l’information a été révélé par les principes de pluralisme et d’honnêteté de l’information.

D’une valeur supérieure affirmée par le Conseil constitutionnel, mais aussi le Conseil d’Etat pour le pluralisme qui le considère comme une liberté fondamentale (chapitre 1), la mise en œuvre des principes constitutionnels de pluralisme (chapitre 2) et d’honnêteté (chapitre 3), ont favorisé l’émergence du droit à l’information, malgré les difficultés rencontrées.

Notes
364.

Voir par exemple, R ETIEN, « Le pluralisme : objectif de valeur constitutionnelle », Revue administrative, 1986, p. 458 et 564.

365.

DC n° 86-210, 29 juillet 1986, Recueil, p. 110

366.

DC n° 86-217, 18 septembre. 1986, Recueil, p. 141