Sous section 1. Les règles anti-concentration et de transparence

En matière audiovisuelle, c’est l’émergence du secteur privé qui a rendu nécessaire la mise en place d’une régulation. L’évolution de la communication audiovisuelle explique par conséquent la création de la Haute autorité pour la communication audiovisuelle (HACA) par la loi du 29 juillet 1982 435 . L’AAI 436 est, comme son nom l’indique, une autorité indépendante 437 dont le rôle est de réguler un domaine déterminé. Son statut s’efforce d’assurer son indépendance vis-à-vis de l’Etat en vue de lui permettre d’assurer pleinement ses fonctions de protection des droits et des libertés dans son domaine de compétence. L’AAI est, selon la formule de J-L Autin 438 , une curiosité juridique dont la liste des autorités pouvant être qualifiées comme telles est difficile à cerner 439 .

Le CSA, créé par la loi du 17 janvier 1989, a remplacé la CNCL. Il s’agit donc de la troisième instance de régulation audiovisuelle en France.Même si certains peuvent contester l’indépendance du CSA à travers son mode de fonctionnement, il n’empêche que son rôle est primordial dans le paysage audiovisuel français. Son pouvoir de sanction commence à être important, alors que d’autres se prononcent pour son inefficacité. Il est chargé de vérifier la mise en oeuvre des principes de pluralisme 440 et d’honnêteté de l’information. Il peut sanctionner les comportements fautifs par un ensemble de sanctions dont la mise en demeure, la recommandation, voire même la suspension de l’autorisation d’émettre 441 .

Certaines règles concernent le pluralisme au sens strict et économique, à travers notamment les normes anti-concentration, et la transparence, d’autres servent à garantir le pluralisme d’idées et éviter la propagande politique. Même si les textes sont différents pour la presse écrite et la communication audiovisuelle, les règles sont similaires, elles visent notamment à limiter la concentration des médias aux mains d’une seule personne. Si le législateur est évidemment compétent pour établir de telles règles, le Conseil constitutionnel n’a pas hésité à censurer certaines dispositions. Le juge constitutionnel ne se contente pas d’affirmer la nature constitutionnelle du principe, il participe activement à l’élaboration des règles sur lesquelles le CSA pourra exercer un contrôle.

Il existe des règles spécifiques 442 selon que l’on se place au niveau de la presse écrite ou de la communication audiovisuelle.

Notes
435.

En tant que telle, la Haute autorité est hors hiérarchie et dispose d’une véritable autonomie par rapport au Gouvernement et aux départements ministériels, propre à favoriser le droit à l’information. Dès 1982, les présidents de chaînes sont devenus responsables pour l’équilibre des programmes et l’honnêteté de l’information, auprès de la HACA. Mais cette dernière s’occupe plus des relations médias-politique, que de l’honnêteté et du pluralisme de l’information. La HACA a été remplacée par la Commission nationale pour la communication et les libertés (CNCL) en 1986, à laquelle s’est substitué le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) en 1989.

436.

Pour approfondir sur le rôle des AAI, voir Conseil d’Etat, rapport public 2001, « Les autorités administratives indépendantes », (Etudes et documents n°52), 2001, La Documentation française, 472 p.

437.

Les AAI se caractérisent par leur indépendance à l’égard de l’administration, nécessaire à la protection des libertés publiques. L’intervention de magistrats est possible. Les AAI sont nées dans un contexte de rejet de l’interventionnisme étatique, sans évacuer une certaine méfiance vis à vis des privatisations. Ces nouvelles institutions correspondent à une vision nouvelle et plurielle de l’intérêt général de la société.

438.

J-L AUTIN, « Autorités administratives indépendantes », jurisclasseur, Fasc. 75, 1772475, 1997.

439.

Voir par exemple P. Sabourin, « Les AAI : une catégorie nouvelle ?  », AJDA 1983, p. 275.

440.

A cet égard, J. Langlois-Glandier, qui détient des actions chez Vivendi Universal, a démissionné de l’instance de régulation en mars 2002 alors qu’une enquête de la Cour des comptes s’est inquiétée d’une possible prise illégale d’intérêts. Nommée le 24 janvier 1997 par le Président du Sénat R. Monory, J. Langlois-Glandier, une figure du paysage audiovisuel français - qui a notamment dirigé la Société française de production (SFP), présidé France 3 et l’Institut national de l’audiovisuel (INA)- a laissé le CSA dans une situation délicate vis à vis de son image d’autorité indépendante, étant donné qu’elle détenait ces parts au moment de la négociation de la fusion avec Canal Plus.

441.

Nous aurons l’occasion d’approfondir ce pouvoir de sanction dans une seconde partie.

442.

Notre intention est de donner un simple aperçu des règles régissant la matière, pour comprendre ce qu’est le pluralisme et la transparence en France, une thèse entière pourrait être consacrée à ces notions. Pour approfondir, voir par exemple : J-C, MASCLET, « La loi sur les entreprises de presse », AJDA 1984, p. 6443.