Section II. Un statut du journaliste plus technique qu’éthique

Le meilleur garant de l’honnêteté de l’information est le journaliste. C’est lui qui, au moment de la recherche de l’information, mais aussi de sa diffusion, est au cœur du dispositif de presse. Il est le transmetteur de l’information, il s’adresse directement au lecteur ou téléspectateur pour diffuser une information véridique et honnête. Son rôle primordial nécessite que nous nous attardions sur son statut. L’exercice du journalisme comporte des droits 514 mais aussi des devoirs. Parmi ces devoirs, le journaliste doit rendre compte d’une information objective, véridique. Cette notion est apparue il y a une trentaine d’années : l’Encyclique Pacem in Terris de 1963 exposait le droit de tout être humain à une information objective. A part des chartes déontologiques sans effet juridique, il n’existe aucun texte réellement contraignant pour les journalistes, il faut pourtant se demander qui est ce journaliste dont la responsabilité sur l’honnêteté de l’information est immense.

Selon l’Encyclopédie, le journalisteest l’auteur qui s’occupait à publier des extraits et des jugements des ouvrages de littérature, de science et d’art 515 . Le gazetier, qui correspond aussi au journaliste d’aujourd’hui, est celui qui « écrit une gazette ; un bon gazetier doit être promptement instruit, véridique, impartial, simple correct dans son style, cela signifie que les bons gazetiers sont très rares » 516 . La suite de la définition donnée pour le journaliste par les encyclopédistes pourrait aussi correspondre à ce que nous attendons aujourd’hui du journaliste :

‘« le journaliste est l’auteur qui s’occupe à publier des extraits et des jugements des ouvrages de littérature, de science, d’art et de politique. Il ne serait pourtant pas sans mérite s’il avait les talents nécessaires pour la tâche qu’il s’est imposé. Il aurait à cœur les progrès de l’esprit humain, il aimerait la vérité et rapporterait tout à ces deux objets. Qu’il ait un jugement solide et profond de la logique, du goût, de la sagacité, une grande habitude de la critique. Son art n’est point celui de faire rire, mais d’analyser et d’instruire. Qu’il ait de l’enjouement, si la matière le comporte mais qu’il laisse là le ton satirique qui décèle toujours la partialité. … Qu’il cite avec exactitude et qu’il ne déguise et n’altère rien. S’il se livre quelques fois à l’enthousiasme, qu’il choisisse bien son moment ». ’

Il est intéressant de donner la définition du journal vue par les encyclopédistes, (qui correspond au support de la critique d’aujourd’hui) car le jugement porté sur ces publications est toujours d’actualité :

‘« un journal est un ouvrage périodique, qui contient des extraits de livres nouvellement imprimés…c’est un moyen de satisfaire sa curiosité, et de devenir savant à peu de frais. C’est la mémoire de ce qui se fait, de ce qui se passe chaque jour. C’est un ouvrage périodique. C’est là que les gens du monde vont puiser leurs lumières sublimes. Quelques uns de ces journaux donnent aussi le ton à la province : on achète ou on laisse un livre d’après le mal ou le bien qu’ils en disent » 517 .’

Selon Diderot, « c’est un moyen sûr d’avoir dans sa bibliothèque presque tous les mauvais livres qui ont paru et qu’ils ont loué, et de n’en avoir aucun de bons qu’ils ont déchiré ». Diderot précise qu’il faut cependant excepter de cette règle le petit nombre de ces journaux qui jugent avec candeur et qui ne cherchent point comme d’autres à intéresser le public par la malignité et par la fureur avec laquelle ils avilissent et déchirent les auteurs et les ouvrages estimables 518 .

Aucune définition légale du journaliste ne reprend ces qualités.

Notes
514.

Voir par exemple : D. PERIER DAVILLE, « Le droit du journaliste », Gaz. Pal. 1994, 2, doct., p. 1013.

515.

Encyclopédie, Volume 8 p. 898.

516.

Encyclopédie, Volume 7 p. 535.

517.

Encyclopédie, volume 8 p. 896.

518.

Cette description n’est pas obsolète et correspond aux journalistes critiques littéraire ou de cinéma, qui sont souvent considérés comme des auteurs frustrés par les critiqués eux-mêmes…