Titre 1. Un droit subjectif en devenir

Même s’il n’est pas reconnu très explicitement par le Conseil constitutionnel, les juges se réfèrent au droit à l’information, pour le concilier avec les droits de la personnalité et l’ordre public. Cette position des juges est justifiée par le fait que l’information est à destination du public dès lors, celui-ci devrait pouvoir se prévaloir de ce droit. Le droit à l’information deviendrait un droit subjectif.

Le TGI de Paris a considéré en 1995 que : « Le Conseil constitutionnel place l’impératif d’honnêteté au même rang que le respect du pluralisme de l’information. Ainsi se trouve reconnu un droit à l’information, contrepartie nécessaire à la liberté d’expression. Si le Conseil supérieur de l’audiovisuel est seul garant du pluralisme de l’information, la protection du droit subjectif à l’information relève de l’autorité judiciaire. Étant titulaire d’un tel droit, un particulier est recevable à agir s’il s’estime atteint dans les prérogatives qui y sont attachées » 593 .Cette décision est encore plus explicite puisque le juge place sur un même rang le pluralisme, l’honnêteté de l’information et le droit à l’information. Le pluralisme et l’honnêteté sont les conditions d’existence du droit à l’information, droit subjectif. Même si ce jugement semble très clair sur l’existence du droit à l’information comme droit subjectif, nous allons voir que ce n’est pas une évidence.

La notion de droit subjectif divise la doctrine comme nous aurons l’occasion de l’envisager. Mais certains éléments de définition sont propres à tous les droits subjectifs. Un droit subjectif est une permission de, ou un droit à, pour un titulaire donné, avec des moyens de contrainte à l’encontre de la personne contre qui ce droit est opposable. Les bénéficiaires de ce droit devront donc pouvoir en réclamer la protection au moyen d’une procédure susceptible d’aboutir à des sanctions en cas de non-respect des obligations. Nous pouvons relever quatre éléments caractérisant un droit subjectif, à partir des définitions données par G. Cornu 594 , R. Cabrillac 595 ou encore P. Nerhot 596 : un objet, des titulaires déterminés ou déterminables, une opposabilité 597 et une justiciabilité. L’objet du droit à l’information est l’information du public, les titulaires sont les citoyens téléspectateurs, auditeurs, ou lecteurs, mais aussi les journalistes, ils opposeront leur droit à l’Etat, aux entreprises de presse et journalistes devant les juges qui se réfèrent au droit à l’information.

La majorité des conditions d’existence d’un droit subjectif semblent remplies mais sa reconnaissance expresse est confrontée à des problèmes de justiciabilité qui subsistent, les juges adoptant des positions contradictoires.

Au préalable, il faut donc se demander quelle est la nature de ce droit à l’information : entre droit objectif et droit subjectif, entre droit de la première, deuxième ou troisième génération, droit finalement hybride…, difficile à classer parmi les autres droits et libertés (Chapitre 1). Si on peut le qualifier de droit subjectif, quels en seront alors les titulaires ? (Chapitre 2). Mais ce qui caractérise le plus un droit subjectif, qui le distingue du droit objectif, c’est la possibilité pour son titulaire de le faire valoir en justice. Malgré la compétence des juridictions et des organes de régulation, la justiciabilité du droit à l’information est encore incomplète (chapitre 3).

Notes
593.

TGI Paris, 29 novembre 1995, Recueil Dalloz, 1996, jurisprudence p. 578.

594.

G. CORNU, Vocabulaire juridique, Puf, 2000, p. 608.

595.

R. CABRILLAC (sous la direction de), Dictionnaire du vocabulaire juridique, Litec, 2002, p. 151.

596.

P. NERHOT, Dictionnaire encyclopédique et théorie et de sociologie du droit, LGDJ, 1993, p.211.

597.

Voir par exemple J. Duclos, L’opposabilité (Essai d’une théorie générale), LGDJ, 1984, n° 177.