Chapitre 3. La question de la justiciabilité du droit à l’information

Les titulaires du droit à l’information sont identifiés même si leur action n’est pas complètement admise par le juge judiciaire. Mais reconnaître des titulaires ne présente pas d’intérêt si l’on ne peut opposer son droit à quelqu’un et bénéficier de moyens juridiques pour faire reconnaître et sanctionner les manquements ou les atteintes au droit à l’information.

Les journalistes pourront opposer leur droit à l’Etat s’il obstrue l’atteinte aux sources de l’information, mais le lecteur, téléspectateur ou auditeur se retournera plutôt vers le responsable éditorial responsable de la diffusion d’une information non-honnête, qu’il soit journaliste, présentateur, rédacteur en chef ou propriétaire du moyen de diffusion.

Si l’opposabilité, autre condition de reconnaissance d’un droit subjectif ne semble pas poser de problèmes, la justiciabilité apparaît plus délicate. L’instance à qui est confiée la mission du respect du pluralisme et de l’honnêteté de l’information, qualités intrinsèques de l’information, principes révélateurs du droit à l’information, est le Conseil supérieur de l’audiovisuel. Mais cette autorité administrative indépendante intervient a posteriori, uniquement pour la communication audiovisuelle et surtout, ne peut être saisie directement par le citoyen, celui-ci ne peut que l’alerter. D’ailleurs, dans un article du journal « Le Monde » de 1994 722 , J. Lang aurait préféré confier au Conseil d’Etat de nouvelles attributions pour assurer l’honnêteté et le pluralisme de l’information, ainsi que l’honneur des particuliers. Il préfère le Conseil d’Etat au CSA car pour lui, seule une instance juridictionnelle ancienne détient une autorité morale assez forte pour résister aux pressions du quatrième pouvoir et assurer l’application effective des sanctions. L’idée semble intéressante et la pratique lui donne raison. Le droit à l’information est en train de devenir un droit subjectif, confier son respect au Conseil d’Etat permettrait de l’asseoir complètement. Mais en l’absence d’une telle possibilité, le juge judiciaire semble le plus compétent, sur le fondement de l’article 1382 du Code civil, même si le recours au référé judiciaire comme administratif pourrait accélérer cette reconnaissance pleine et entière du droit à l’information comme droit subjectif (section I). Ces recours permettent de passer outre les carences du droit à l’information, à savoir une régulation par définition insaisissable pour le citoyen, même si le CSA à tendance à se « juridictionnaliser » (section II).

Notes
722.

Le Monde, 1er décembre 1994, p. 2.