Sous section 2. Une juridiction au sens de la Cour européenne des droits de l’homme ?

Le cumul par les autorités administratives indépendantes du pouvoir réglementaire et du pouvoir sanctionnateur, selon la formule de M. Lombard 822 , pose la question de la juridictionnalisation des AAI, et de la conformité de leurs règles de procédure avec l’article 6 §1 823 de la CESDHLF. Si cet article concerne a priori les juridictions, les AAI doivent aussi respecter ces principes.

Le rapport du Conseil d’Etat de 2001 824 sur les AAI repère 12 institutions dotées d’un pouvoir répressif. Outre la COB 825 désormais remplacée par l’Autorité des Marchés Financiers, ou encore le Conseil de la concurrence, le CSA fait partie de cette catégorie. L’octroi de cette répression disciplinaire tend à considérer ces AAI comme de véritables juridictions. Sans aller jusqu’à la distinction sanction disciplinaire - sanction administrative 826 , le pouvoir de répression entendu dans son sens le plus large suffit à semer le doute quant à la réelle nature du CSA pourtant considéré comme une AAI. Les conséquences de cette distinction non vraiment reconnue dans les textes concernent l’application des règles procédurales telles qu’elles sont définies par l’article 6 §1 de la CESDHLF. Celles-ci ne concernent que les sanctions disciplinaires, mais une véritable insécurité juridique se pose lorsque, sous couvert de sanctions administratives, il s’agit en fait de sanctions disciplinaires.

Le problème de la compatibilité de l’article 6 §1 de la CESDHLF avec les pouvoirs des AAI a généré un conflit jurisprudentiel entre les deux ordres juridictionnels suprêmes français comme l’explique J-F Brisson 827 .

La Cour de cassation conteste aux autorités administratives indépendantes (ce fut le cas avec la Commission des opérations de bourse, le Conseil de la concurrence et la Commission des marchés financiers 828 ) l’application de la règle traditionnelle du Conseil, qui permet à son rapporteur de participer au délibéré des décisions contentieuses, comme le souligne J. Pralus-Dupuy 829 . Les décisions seraient alors entachées d’impartialité et contraires à la CESDHLF.

M. Bonichot, dans un entretien avec « Les petites affiches » n’est pas aussi catégorique que la Cour de cassation à propos de la non-conformité de la procédure devant les instances administratives à la CESDHLF 830 . Dans un arrêt Didier du 3 décembre 1999 831 , le Conseil d’Etat considère que l’article 6 §1 de la CESDHLF doit s’appliquer dès le stade du prononcé de la sanction 832 . En l’espèce il s’agit d’une sanction prononcée par le Conseil des marchés financiers. Il n’y a pas d’atteinte à l’article 6 §1. M. Bonichot précise que cette position peut être étendue à l’ensemble des AAI, ce qui ne veut pas dire que l’atteinte à la CESDHLF sera toujours reconnue… Plus précisément, le conseiller d’Etat explique que les sanctions qui peuvent faire l’objet d’un recours juridictionnel, quand bien même la procédure ne serait pas exactement celle préconisée par l’article 6, n’entraînerait pas forcément une méconnaissance du droit à un procès équitable. Il rappelle alors que les AAI ne sont pas des juridictions et finalement privilégie le propre jugement du juge administratif par rapport aux préceptes de la CESDHLF.

Le conseiller d’Etat observe quand même que, dans l’exercice de leur pouvoir de sanctions, certaines AAI, peuvent prendre des décisions qui risquent de porter atteinte aux principes de l’article 6. Si la volonté du juge est d’éviter ce genre de situation, il devient ambigu de refuser la nature de juridictions aux AAI tout en expliquant qu’elles ont la possibilité de se comporter comme des juridictions.

Devant l’insistance des Petites affiches pour proposer la qualification de juridict