Chapitre 1. Le droit à l’information à l’épreuve de la protection des droits des personnes

L’information est devenue une marchandise 848 dont le consommateur est le lecteur, l’auditeur ou le téléspectateur. Cette conception est largement relayée par les juges judiciaires (que l’on peut considérer comme les juges de la presse), dont la tendance est à la reconnaissance d’un droit à l’information effectif, face aux droits de la personnalité, et plus particulièrement la vie privée ou le droit à l’image.

Il faut alors définir cette notion de vie privée, droit subjectif par excellence, qu’il faut distinguer de la vie publique. Selon la résolution 428 de 1970 du Conseil de l’Europe, « le droit au respect de la vie privée consiste essentiellement à pouvoir mener sa vie comme on l’entend avec un minimum d’ingérence. Il concerne la vie privée, la vie familiale et la vie au foyer, l’intégrité physique et morale, l’honneur et la réputation, le fait de ne pas être présenté sous un faux jour, la non divulgation de faits inutiles et embarrassants, la publication sans autorisation de photographies privées, la protection contre l’espionnage et les indiscrétions injustifiables ou inadmissibles, la protection contre l’utilisation abusive des communications privées, la protection contre la divulgation d’informations communiquées ou reçues confidentiellement par un particulier » 849 . Mais la résolution 428 exprime aussi l’idée que « le respect de la vie privée d’une personne mêlée à la vie publique soulève un problème particulier. La formule « la vie privée s’arrête là où commence la vie publique » ne suffit pas à résoudre ce problème. Les personnes qui jouent un rôle dans la vie publique ont droit à la protection de leur vie privée, sauf dans les cas où celle-ci peut avoir des incidences sur la vie publique. Le fait qu’un individu occupe une place dans l’actualité ne le prive pas du droit au respect de sa vie privée ». Il devient alors difficile de respecter le droit à l’information sans mutiler le droit à la vie privée. Le journaliste devra se poser la question de savoir si l’information qu’il veut délivrer a un réel intérêt pour le public ou ne relève que de la curiosité, voire de la diffamation 850 . Il n’est pas pour autant question d’un droit de tout savoir sur tout, la protection d’autrui ayant été renforcée dans certaines dispositions, notamment en cas d’atteinte à la dignité de la personne humaine, ainsi que pour consolider la présomption d’innocence.

Le droit à l’information se trouve très souvent confronté à la protection de la vie privée (section I), mais aussi au droit à l’image 851 (section II).

Notes
848.

A propos de la « juridiciarisation, la marchandisation et l’américanisation » du droit à l’image, voir l’article de M. BRUGUIERE et GLEIZE, Actualité Dalloz 2003, n° 39.

849.

Fascicule Activités du Conseil de l’Europe dans le domaine des médias, DH-MM (97) 1, Conseil de l’Europe.

850.

Voir par exemple C BIGOT, « Protection des droits de la personnalité et liberté d’information », Recueil Dalloz, 1998, chroniques p. 235.

851.

Voir par exemple G. LEVASSEUR, « Protection de la personne, de l’image et de la vie privée », Gaz. Pal. 1994, 3, doct, p. 996.