1.5. Conclusion

Ainsi, cet exposé des différentes conceptions de l’erreur dans les théories d’apprentissage nous montre la difficulté qu’il y a à définir l’erreur indépendamment de la méthodologie d’enseignement adoptée. De plus, cela laisse entrevoir les problèmes sous-jacents à la question du traitement de l’erreur en classe de langue étrangère. Nous pouvons notamment en déduire de nombreuses réflexions sur l’enseignement des langues, que nous voudrions reprendre ici.

Nous avons entrevu les dangers des conceptions béhavioristes, qui sont encore en vigueur chez de nombreux enseignants. Cependant, après nous être penchée sur les travaux sur l’interlangue et les parlers bilingues, il nous paraît indéniable que l’erreur n’est plus à proscrire, mais qu’il convient de s’appuyer sur elle dans la classe de langue. L’article de P. Bange nous a également permis de mettre en évidence la nécessité du signalement de l’erreur : quoiqu’on en dise, c’est par la prise de conscience de ses erreurs que l’apprenant progresse.

Nous pensons que l’idée d’une correction-incitation, exprimée par Bange, est possible dans bien des cas : il existe en effet certaines démarches qui tentent de répondre à leur façon à ce problème : il existe notamment des méthodes de signalement par gestes codés qui peuvent s’avérer fructueuses. De plus, grâce à cet exposé, nous avons pris conscience de l’importance de valoriser les erreurs : que dire par exemple d’un apprenant qui formule la séquence *j’ai prendu, si ce n’est qu’il applique intelligemment une règle du passé composée surgénéralisée ? Il apparaît également que toutes les erreurs ne doivent pas ou ne peuvent pas être corrigées : il conviendrait que l’enseignant ait une idée du degré d’interlangue de ses apprenants pour parvenir à sélectionner les erreurs à travailler : on ne corrigera pas, par exemple, un mauvais emploi du subjonctif chez un apprenant débutant sans risquer de le perturber.

Les travaux sur le bilinguisme nous amènent également à réfléchir sur la frontière entre travail sur la forme et communication : couper un apprenant qui communique, donc fausser la bifocalisation, peut s’avérer inutile voire néfaste à l’apprentissage. La démarche qui consiste à retravailler après coup des erreurs ciblées semble a contrario productive : C. Tagliante propose notamment la correction différée pour répondre à ce problème du traitement de l’erreur : ‘ « On se gardera donc d’interrompre un apprenant qui, dans une activité de simulation de communication, fait des erreurs. En revanche, on fera fréquemment des pauses-grammaires » ’ ‘ (Tagliante, 1994 : 40). ’De plus, il semble nécessaire de sortir d’une conception de l’erreur centrée sur la forme, pour prendre en compte d’autres types d’erreurs parfois bien plus importants : décalages culturels ou de politesse, incompréhension d’un interlocuteur conduisant à l’échec de l’acte communicationnel… La correction différée peut, semble-t-il, être un moyen judicieux pour revenir sur ce genre de problèmes sans interférer immédiatement sur l’acte de communication. Dans tous les cas, on se rappellera que la répétition pure et simple d’énoncés n’est pas le moyen le plus avisé d’apprendre, et que, comme nous le verrons plus bas, une prise par l’apprenant ne conduit pas nécessairement à une saisie, c’est-à-dire à l’intégration dans son répertoire verbal de la forme répétée.