Autocorrection

Nous n’avons relevé, dans notre corpus, qu’un seule séquence d’autocorrection réellement visible. Nous entendons par là un moment où l’apprenant revient de lui-même sur sa formulation pour la corriger. L’autocorrection peut, en général, être auto-initiée, l’apprenant revient alors de lui-même sur sa production, ou hétéro-initiée, dans le cas où un autre acteur, enseignant ou apprenant, lui signale la présence d’une erreur et l’amène à se reprendre. La séquence observée et reproduite ci-dessous est auto-initiée :

Séquence 18 :
1 Y   (lecture) je me souviens 2001 musée des # hôpitaux&des hôpitaux
2 P1 très bien\ vous vous êtes corrigée toute seule c’est très bien  

L’extrait ci-dessus montre commentYoumna, après avoir oublié la liaison, se reprend parfaitement. On voit ainsi que cette apprenante connaît la règle, mais que, sans doute occupée à déchiffrer le texte de lecture, elle oublie de l’utiliser d’emblée. Nous pouvons voir également à quel point cette correction est valorisée par l’enseignante (en 2) : sa satisfaction nous semble mettre en relief l’importance de l’erreur à ses yeux, lors même qu’elle s’apprêtait à reprendre Youmna.

Cette séquence concerne une activité de lecture, mais on peut, en général, obtenir des réactions similaires dans tout type de production. Or, comme nous l’avons suggéré en première partie, l’intérêt d’une séquence d’autocorrection est double : il révèle la capacité de réflexion de l’apprenant, ainsi que la présence d’une règle existant dans son interlangue, et qu’il a simplement omis d’utiliser au moment opportun. En cela, l’autocorrection répond, selon la terminologie de Corder, à un lapsus, et non plus à une erreur, dans le sens où l’apprenant aurait été capable de produire la forme correcte. Il s’agit donc d’erreurs de performances, très intéressantes pour l’enseignant puisqu’elles montrent avec efficacité le niveau de l’élève, son degré d’interlangue : elles répondent ainsi à ce que Bange nomme les problèmes d’exécution, révélant simplement que la règle, non encore automatisée, est en voie d’acquisition. Elles semblent également avoir lieu le plus souvent lorsque la concentration de l’apprenant est portée sur un autre aspect de la communication : en cela, elles apparaissent plus fréquemment en production libre, où le sens prime sur la forme.

Susciter l’autocorrection semble donc utile en cours de langue, car il permet à l’enseignant d’évaluer les éléments linguistiques connus ou non des apprenants, tout en donnant la possibilité à l’élève de prendre conscience de ses savoirs et savoir-faire, ce qui contribue à le rendre actif dans son apprentissage. En outre, cela diminue l’autorité de l’enseignant, qui n’est plus le seul à détenir le savoir.

Le fait que nous n’ayons relevé qu’une séquence de ce type nous semble être dû à la grande fréquence des corrections immédiates, déjà mentionnée, qui interviennent souvent très rapidement, et peut-être avant que l’apprenant lui-même n’ait l’occasion de s’autocorriger. En effet, ces corrections immédiates ne favorisent pas l’autocorrection puisqu’elles donnent d’emblée la forme correcte ou normée, sans chercher à savoir si la correction trouve écho ou non dans l’interlangue de l’apprenant. Bien sûr, il peut également s’agir d’un problème lié à l’évaluation par l’enseignant de ce que sont censés savoir les apprenants : il nous est arrivé d’assister à quelques séquences où l’autocorrection, hétéro-initiée, échouait. Dans ce cas, l’enseignant postule que la forme, « déjà vue », est disponible et demande à l’apprenant de la retrouver ; cela avait souvent lieu au cours même de l’activité d’acquisition (nous en verrons un exemple en troisième partie, cf. 3.1.1.). Ce fait doit être mis en avant car il nous semble problématique, mettant parfois l’apprenant en situation d’échec. Tout porte à croire que les séquences autocorrigées doivent être suscitées, mais seulement en fonction du niveau de l’apprenant, c'est-à-dire quand l’erreur commise semble être un lapsus. Ce niveau doit être évalué, non sans difficulté, par l’enseignant. L’autocorrection (ou tentative de) ne sera en effet favorable à l’apprentissage que si elle permet de mobiliser des règles déjà latentes dans l’interlangue.