Conclusion

Ainsi, nos analyses nous ont permis de mener une réflexion sur le traitement de l’erreur à adopter en production orale pour favoriser l’apprentissage, et ce principalement avec une classe hétérogène et plurilingue d’adultes. Pour ce faire, nous avons choisi d’adopter une démarche circulaire, allant de la théorie à l’analyse de données empiriques, pour enfin revenir à des considérations didactiques consécutives. En effet, une première analyse des théories d’apprentissage nous a permis de mettre en avant différentes conceptions contradictoires de l’erreur, et de montrer l’intérêt de considérer l’erreur comme une trace et un moyen d’apprendre, plutôt que comme un élément à proscrire radicalement. Ce développement nous a également fourni les concepts nécessaires pour mener à bien notre étude de corpus, objet de notre seconde partie : le passage par une analyse de données empiriques, à savoir des enregistrements de classe, a ainsi été le moyen de constituer une typologie non exhaustive du traitement de l’erreur, en mettant au jour un certain nombre de démarches possibles et leur impact sur l’apprentissage. Une analyse critique des séquences proposées nous a permis parallèlement de mettre au jour certaines orientations méthodologiques dans la démarche des enseignants, sur lesquelles nous avons jugé bon de revenir dans notre troisième partie. En effet, il s’est avéré que la démarche méthodologique conditionnait très nettement le traitement de l’erreur adopté par un professeur ; en conséquence, il nous a paru nécessaire de développer un certain nombre de points sensibles des démarches relevées sur notre lieu de recherches, afin de déterminer les moyens de mettre en œuvre un traitement efficace de l’erreur. Bien sûr, cela n’a pu se faire sans un retour raisonné à la littérature didactique et linguistique, qui nous a permis de confirmer et de développer nos analyses.

Ce faisant, nous pensons avoir montré les risques des démarches traditionnelles ou de tendance béhavioriste pour l’enseignement des langues, ainsi que l’intérêt des approches communicatives et constructivistes, qui favorisent de beaucoup les apprentissages. En effet, le traitement de l’erreur orale s’est avéré plus efficace dans les démarches centrées sur l’apprenant, et tenant compte des différents profils d’apprentissage : en favorisant les parcours individuels, l’enseignant est à même d’aider les apprenants à construire leur propre savoir, et rompt ainsi avec une conception de l’enseignement comme transmission du savoir. Il s’avère en effet qu’un groupe d’apprenants ne peut être considéré comme une entité homogène, tant il existe de stratégies individuelles d’apprentissage. L’enseignement doit donc bien passer par une valorisation des parcours d’apprenants, ce qui ne peut se faire que par le biais d’un traitement de l’erreur tenant compte de chaque interactant. De plus, nous avons mis en évidence l’importance de l’interaction dans l’apprentissage, qui doit amener à concevoir la classe comme un lieu d’échanges, au sein duquel les apprenants peuvent se faire bénéficier mutuellement de leurs connaissances : il devient donc important de solliciter les différents savoirs et savoir-faire de chacun, et d’éviter les approches trop directives qui tendent à l’homogénéisation du groupe, et peuvent conduire à des attitudes de guidage peu favorables aux acquisitions.

Ainsi, s’il est impossible de déterminer des règles de conduite à adopter en toutes circonstances pour un bon traitement de l’erreur en production orale, nous pensons néanmoins avoir mentionné dans ce travail un certain nombre de pistes didactiques qui guideront la réflexion du lecteur : nous avons démontré l’intérêt de s’appuyer sur l’erreur pour améliorer l’apprentissage, et la nécessité pour l’enseignant de trouver le moyen d’adapter sa correction à l’apprenant concerné. Pour ce faire, il devient donc nécessaire de sélectionner les erreurs à traiter en fonction de l’apprenant et de son niveau d’interlangue, ainsi que de choisir le moment et le moyen privilégié pour la correction. Cette sélection ne peut être réalisée que grâce à une interprétation des causes des erreurs, qui permet ainsi de mettre en valeur les éléments positifs dans les productions des apprenants : outre que de nombreuses erreurs d’ordre communicatif peuvent s’avérer plus importantes que les écarts formels vis à vis de la norme, nous avons vu qu’il existe de nombreuses « bonnes erreurs » de langue, relevant de stratégies d’apprentissage pertinentes, et qui doivent donc servir de point d’appui pour l’enseignement. De plus, l’enseignant doit aider l’apprenant à prendre conscience de ses erreurs afin de l’amener à réfléchir de lui-même à ses hypothèses d’interlangue : cela peut passer par la distinction des moments communicationnel et formel, et nécessite du moins une attitude ouverte de l’enseignant qui restera réceptif aux interventions des apprenants, sans jamais chercher à donner d’emblée la réponse attendue.

En conséquence, tout comme l’évaluation, le traitement de l’erreur doit être considéré comme formatif : déculpabilisée, revalorisée, l’erreur de production orale, en tant que trace d’un système intermédiaire, et moyen de le faire évoluer, devient la pierre de touche de l’enseignement-apprentissage. Il en va de même pour l’écrit, qui par son caractère moins spontané, et plus réfléchi, suscite une production davantage consciente que l’enseignant ne devra pas juger ou sanctionner. Bien au contraire, pour favoriser les prises de risques, et par là même les acquisitions, le traitement de l’erreur écrite doit également servir les causes du constructivisme, en amenant l’apprenant à revenir sur sa production et à trouver les moyens de la parfaire. Dans le souci constant de favoriser l’apprentissage, l’enseignant en vient donc à se mettre au service de l’apprenant : il perd ainsi son statut de transmetteur, mais pour en acquérir un nouveau, autrement plus valorisant, celui de médiateur, d’aide, de garant du contrat didactique. De plus, loin d’être remis en question, loin également d’être mis en péril dans son autorité, l’enseignant pourra envisager son métier sous un angle d’autant plus intéressant : celui d’une pratique toujours renouvelée, constamment réinventée pour et avec ses apprenants, par et grâce à leurs erreurs.