2.3. Des sous-systèmes distincts ?

Intérêts et justification de l’existence de sous-systèmes distincts

Consécutivement aux travaux d’Ungerleider et Mishkin (1982) et afin de préciser le rôle de la voie pariétale, Kosslyn (1987) a proposé de distinguer, à l’intérieur du système des relations spatiales, deux sous-systèmes qui permettraient de justifier l’existence de représentations des relations spatiales métriques et catégorielles. Considérons deux contextes dans lesquels nous utilisons l’information spatiale. Tout d’abord, il peut s’avérer nécessaire d’encoder les relations spatiales pour identifier un objet ou une scène. Pour atteindre cet objectif, le cerveau n’a pas besoin de représenter l’information métrique de manière précise ; les différences dans les positions précises de deux objets ou de deux parties ne sont souvent pas pertinentes (et en fait peuvent être nuisibles) pour les discriminer d’autres objets ou parties. Plutôt, les relations spatiales sont assignées à une catégorie, telle que « connecté à ”, « à gauche de ”, « au-dessus de ”. Par ailleurs, nous utilisons l’information spatiale pour guider nos actions, comme bouger les yeux ou atteindre un objet ou encore naviguer entre des objets. En fait, de nombreuses cellules dans les lobes pariétaux postérieurs semblent jouer un rôle dans le contrôle du mouvement ou dans l’enregistrement de la position d’un effecteur. Pour guider une action, l’information spatiale métrique doit être spécifiée ; en sachant simplement qu’une table est proche d’un mur, cette seule information ne va pas nous éviter de nous cogner dans un coin de la table. Ces considérations conduisent à faire l’hypothèse que le cerveau représente les relations spatiales de deux manières, par des représentations catégorielles et par des représentations métriques.

De plus, pour Kosslyn et al. (1989), ces deux types de représentations qualitativement différents seraient produits par des sous-systèmes de traitement distincts. Pour les auteurs, chaque sous-système correspond à un groupe de neurones qui travaillent ensemble pour transformer une entrée en un type spécifique de sortie : plus la différence entre les réseaux d’entrée et de sortie est grande, plus il y a de chances que des sous-systèmes séparés réalisent les transformations. Par ailleurs, pour Banich et Federmeier (1999), le traitement spatial catégoriel et le traitement spatial métrique sont supposés orthogonaux puisque caractériser les relations spatiales entre deux items via un seul système (c’est-à-dire soit catégoriel soit métrique) ne fournit pas d'information sur les relations existant entre ces deux items via l'autre (voir Kosslyn, 1987 ; Kosslyn et al., 1989). Par exemple, décrire les relations entre une tasse et une bouilloire en termes catégoriels, tels que déclarer que la tasse est à la droite de la bouilloire ne fournit pas d'information sur leur relation métrique - c’est-à-dire si la tasse est à 6 mm, 1 cm ou 3 m de la bouilloire. Une validation de l’hypothèse de l’existence de sous-systèmes distincts dans le traitement des relations spatiales catégorielles et métriques consiste à démontrer que chacun des deux types de relations spatiales siège préférentiellement (non obligatoirement de manière absolue) au sein de l’un des deux hémisphères cérébraux, cette préférence hémisphérique étant différente pour les deux types de relations spatiales. Ajoutons qu’une absence de spécialisation hémisphérique ne conduirait pas nécessairement à la conclusion selon laquelle un seul sous-système produirait les deux types de représentation, reflétant ainsi une absence de l’existence de sous-systèmes de traitement distincts. En effet, une interprétation alternative consiste à considérer que des sous-systèmes de traitement distincts pourraient co-exister au sein d’un même hémisphère cérébral.