Caractéristiques de la présentation (polarité, couleur)

Les traits élémentaires des stimuli auxquels les participants doivent répondre ont fréquemment affecté les décisions spatiales critiques. La polarité du stimulus semble très importante. Avec des stimuli composés d’une barre horizontale et d’un point, Wilkinson et Donnelly (1999, Expérience 1) ont rapporté un effet de la polarité : les temps de réponse des participants étaient plus rapides quand les stimuli étaient présentés en blanc sur fond noir qu’en noir sur fond blanc. Cependant, les résultats ont attesté d’une absence d’interaction hémisphérique dans les tâches catégorielles et métriques quelle que soit la polarité. De plus, Cowin-Roth et Hellige (1998) ont utilisé des stimuli composés de deux points alignés horizontalement et d’une barre, apparaissant soit en vert sur fond rouge, soit en rouge sur fond vert. Ils ont montré que la reconnaissance des stimuli présentés sur un fond rouge était plus difficile que la reconnaissance de stimuli présentés sur un fond vert à la même luminance, l’utilisation d’un fond rouge rendant difficile le traitement des basses fréquences. Kosslyn et al. (1992) ont mis l’accent sur le fait que les deux hémisphères cérébraux présenteraient différentes propriétés de champs récepteurs, ce qui, en retour, engendrerait une spécialisation fonctionnelle différente dans les tâches spatiales. Comme nous l’avons précisé plus haut, ils ont démontré que les réseaux prédisposés à recevoir de l’information provenant de neurones visuels ayant des champs récepteurs relativement larges se recouvrant beaucoup (principalement sous le contrôle du système magnocellulaire) seraient sensibles à l’information spatiale de basse fréquence et à l’information spatiale métrique. Au contraire, les réseaux recevant une entrée filtrée sous des unités ayant de petits champs récepteurs se recouvrant peu (principalement sous le contrôle du système parvocellulaire), seraient sensibles aux hautes fréquences spatiales et à l’information spatiale catégorielle. Ainsi, l’utilisation d’un fond rouge entravant le traitement des basses fréquences devrait avoir pour conséquence de gêner le traitement au niveau du système magnocellulaire, et ainsi, de diminuer les performances dans la tâche métrique uniquement. Effectivement, l’atténuation des performances dépendant de la voie magnocellulaire semble diminuer sélectivement les performances métriques (Cowin-Roth & Hellige, 1998 ; Hellige & Cumberland, 2001). Récemment, Okubo et Michimata (2002) ont confirmé que le fait de retirer les basses fréquences atténuait la performance métrique de l’hémisphère droit.

À un certain niveau de traitement, l’hémisphère gauche et l’hémisphère droit sont dominants pour le traitement de l’information visuelle réalisé par des canaux spécialisés dans les fréquences spatiales hautes et basses respectivement (Christman, Kitterle, & Hellige, 1991 ; Hellige, 1993 ; Kitterle, Christman, & Hellige, 1990 ; Sergent, 1983, 1987 ; Sergent & Hellige, 1986). L’analyse des résultats de l’étude de Cowin-Roth et Hellige (1998) a révélé une interaction des facteurs « tâche » et ‘«’ ‘ champ visuel ’» lorsque les deux conditions de présentation (stimuli rouges présentés sur fond vert et inversement) étaient mélangées. Cependant, les performances issues de la tâche métrique étaient moins bonnes quand les stimuli étaient présentés en vert sur fond rouge qu’en rouge sur fond vert. Dans la tâche catégorielle, l’effet inverse a été observé, mais n'était pas significatif. Notons que la préservation de l’asymétrie hémisphérique dans la condition de présentation sur fond rouge est un argument en faveur du fait que les tailles des champs récepteurs des neurones ne diffèrent pas d’un hémisphère à l’autre. Il semblerait simplement que l’utilisation de l’information selon qu’elle provienne de cellules à grands ou à petits champs récepteurs soit mieux gérée respectivement par l’hémisphère droit et par l’hémisphère gauche. De plus, dans sa critique de la spécialisation hémisphérique associée à la distinction catégorielle-métrique, Sergent (1991a) a noté, avec de forts contrastes entre les stimuli cibles et le fond de présentation, aucun effet supposé de latéralisation, tandis que cet effet est apparu avec des contrastes plus bas. Les contrastes et la luminance pourraient spécifiquement affecter la contribution des cellules ayant différentes tailles de champ récepteur. Les résultats de Cowin-Roth et Hellige trouvent également une explication dans le modèle d’Ivry et Robertson (1998). Leur théorie du double filtrage des fréquences spatiales propose que le traitement sensoriel initial est identique dans les deux hémisphères ; c’est un mécanisme attentionnel qui sélectionnerait ensuite l’information pertinente à la réalisation d’une tâche par rapport à la région pertinente spécifique du spectre sensoriel. Ce modèle est proche de celui de Kosslyn (1994) dans la mesure où, dans les deux modèles, les différences hémisphériques seraient dues à des mécanismes de haut niveau comprenant un biais de sélection spécifique à chacun des deux hémisphères (les fréquences spatiales dans le modèle d’Ivry et Robertson (1998), la taille des champs récepteurs des neurones dans le modèle de Kosslyn (1994)).