2.3.2. Simulations de réseaux de neurones

Kosslyn et al. (1990) ont fait l’hypothèse que les sous-systèmes de traitement des relations spatiales catégorielles et métriques correspondent à des réseaux neuronaux différents, chacun d’entre eux faisant correspondre une entrée (une représentation d’une paire de localisations) à une sortie (une représentation d’une relation spatiale). Les auteurs ont également fait l’hypothèse que des réseaux séparés sont utilisés pour réaliser des types de cartes entrée - sortie qualitativement différentes, comme lorsque différents types de représentations de relations spatiales sont traitées. En 1992, Kosslyn et al. ont conduit une série de simulations de réseaux de neurones dans le but de trouver des arguments supplémentaires en faveur de l’hypothèse de spécialisation hémisphérique. La première partie de cette étude avait pour objectif de rendre compte de l’existence de représentations séparées pour les relations spatiales catégorielles et métriques. Deux types de réseaux ont été comparés, chaque type réalisant à la fois les tâches catégorielles et métriques simultanément. Dans un type de réseau, toutes les unités cachées étaient connectées à toutes les unités de sortie (réseau non divisé), tandis que dans l’autre type de réseau, les unités cachées étaient séparées en deux groupes, chaque groupe étant connecté uniquement à des unités de sortie d’un type de tâches (réseau divisé). Les auteurs ont proposé que lorsque deux types de tâches dépendent de computations distinctes, un réseau divisé aurait de meilleures performances qu’un réseau non divisé à cause d’une réduction des interférences d’une forme de computation sur l’autre. Effectivement, les résultats ont montré que les réseaux divisés produisaient généralement moins d’erreurs que ne le faisaient les réseaux non divisés. Ces résultats soutiennent l’idée que les deux types de relations spatiales sont conceptuellement différents, c’est-à-dire que leurs représentations ne sont pas logiquement entrelacées. La seconde partie de l’étude consistait à spécifier la nature du mécanisme sous-jacent aux différences hémisphériques observées dans le traitement de l’information spatiale catégorielle versus métrique. Comme nous l’avons souligné précédemment, une spécialisation hémisphérique dans l’encodage des relations spatiales pourrait être une conséquence d’une prédisposition différentielle des inputs provenant de neurones visuels à avoir différentes tailles de champs récepteurs et une sensibilité différente aux fréquences spatiales. Pour tester cette possibilité, les auteurs ont examiné le type de champs récepteurs que les unités cachées de différents réseaux ont développé après avoir été entraînés à traiter soit les relations catégorielles soit les relations métriques. Les résultats ont montré que les réseaux entraînés à réaliser une tâche catégorielle avaient développé des champs récepteurs plus petits que les réseaux entraînés à réaliser une tâche métrique. De plus, les réseaux ayant de larges champs récepteurs ont mieux réalisé la tâche métrique que les réseaux ayant de petits champs récepteurs, mais le pattern opposé attendu pour la tâche catégorielle n’était pas significatif, bien qu’une tendance ait été trouvée ; ces résultats rejoignent ceux observés dans les études comportementales. Par ailleurs, à travers leur modélisation, Kosslyn et al. (1992) ont testé les résultats de l’étude de Sergent (1991a), qui ont suggéré que le pattern de latéralisation ne se manifesterait plus quand les stimuli sont présentés avec un fort contraste. En particulier, Sergent a avancé l’hypothèse que l’avantage de l’hémisphère droit dans le traitement de l’information métrique disparaîtrait car l’hémisphère droit serait plus efficace dans le traitement de l’information de basse qualité. Kosslyn et al. (1992) ont proposé une explication différente permettant de rendre compte de la disparition de l’avantage de l’hémisphère droit : pour eux, elle serait liée au fait que lorsque les stimuli sont présentés avec de forts contrastes, un plus grand nombre de neurones requis dans le traitement de l’information de bas niveau apporteraient leur contribution aux entrées des systèmes de plus haut niveau dans les deux hémisphères. Dans ce cas, même un chevauchement minimal des petits champs récepteurs pourrait suffire à encoder l’information de la localisation spatiale métrique dans l’hémisphère gauche.

Cook, Früh, et Landis (1995) ont critiqué ces simulations de réseaux en affirmant que ces modèles ne traitaient pas des représentations « spatiales » ; les corrélations input – output, plus que les propriétés de processus d’encodage des relations spatiales, expliqueraient les performances de ces modèles. Cependant, Baker, Chabris, et Kosslyn (1999) ont rapporté de nouvelles simulations de réseaux de neurones sur les traitements catégoriel et métrique, en utilisant des modèles de simulation qui éliminent les corrélations input – output dans l’ensemble des stimuli. En accord avec les premiers résultats de Kosslyn et al. (1992), des performances relativement meilleures dans les tâches métriques ont été obtenues alors que la taille des champs récepteurs des réseaux augmentait.