2.3.5. Synthèse et critique des études comportementales, des simulations, des études neuropsychologiques et des études de neuroimagerie

Une première critique concernant les effets de latéralisation observés peut être attribuée à la technique expérimentale elle-même. En effet, le choix de participants strictement droitiers (population plus homogène au niveau de la latéralité hémisphérique que celle des gauchers) et de stimuli noirs présentés sur fond blanc ayant des contrastes limités et une durée de présentation relativement courte (inférieure ou égale à 100 ms) a une probabilité plus grande de donner des résultats tranchés au niveau des engagements hémisphériques notamment dans la latéralisation des mécanismes catégoriels et métriques. De plus, il semblerait que les hémisphères soient différemment prédisposés au traitement des inputs provenant des neurones visuels ayant des tailles de champs récepteurs différents (c’est-à-dire des champs récepteurs relativement larges pour l’hémisphère droit et des champs récepteurs relativement petits pour l’hémisphère gauche) et soient différemment sensibles aux bandes de fréquences spatiales (c’est-à-dire des fréquences relativement hautes pour l’hémisphère gauche et des fréquences relativement basses pour l’hémisphère droit). Des champs récepteurs larges et des fréquences spatiales basses facilitent le traitement métrique, tandis que des champs récepteurs petits et des fréquences spatiales hautes facilitent le traitement catégoriel. Ces résultats ont été mis en évidence dans des études de simulation informatique. Pour aller plus loin, la différence dans la facilité d’utiliser des outputs de neurones ayant de larges ou de petits champs récepteurs pour traiter les deux types de relations aurait un effet direct sur des résultats concernant d’autres travaux portant sur la spécialisation hémisphérique. Les travaux de Delis, Robertson, et Efron (1986), de Robertson et Delis (1986) et de Sergent (1982) ont rapporté que l’hémisphère gauche est préférentiellement recruté pour encoder des parties, tandis que l’hémisphère droit joue plus particulièrement un rôle dans l’encodage de formes globales. Ainsi, l’hémisphère gauche pourrait être l’hémisphère le plus adapté pour recevoir des outputs de neurones ayant de petits champs récepteurs, tandis que l’hémisphère droit pourrait être l’hémisphère le plus adapté pour recevoir des outputs de neurones ayant des champs récepteurs plus larges (Kosslyn, Anderson, Hillger, & Hamilton, 1994).

Il faut mentionner également que la tendance vers des résultats en faveur d’une latéralisation dans des études en champ visuel divisé pourrait être troublée par le phénomène appelé ‘«’ ‘file drawer’” : le fait que de nombreuses études qui n’ont pas pu prouver une différence ou démontrer des résultats clairs, ne seront jamais publiés (Jager & Postma, 2003). Ainsi, la force du soutien pourrait être surestimée. D’un autre côté, il pourrait être mentionné que l’absence de spécialisation hémisphérique pourrait refléter l’insensibilité de la technique de champ visuel divisé plutôt qu’une équivalence hémisphérique. Cependant, deux autres lignes de preuves empiriques – les lésions des patients et les études d’imagerie cérébrale – fournissent des preuves convergentes en faveur de la latéralisation supposée des processus catégoriels et métriques. Même si certaines recherches ne vont pas dans ce sens (par exemple, Sergent, 1991a), l’étude sur une lésion unilatérale de Laeng (1994), de même, une étude TEP (Kosslyn et al., 1998) et une étude d’IRMf (Baciu et al., 1999) ont montré une différentiation hémisphérique dans la réalisation d’une tâche catégorielle comparée à une tâche métrique. Les preuves en faveur d’une supériorité de l’hémisphère droit ont été les plus clairs. Comme il a également été conclu pour les expériences réalisées en champ visuel divisé, une spécialisation de l’hémisphère gauche dans le traitement des relations catégorielles semble plus difficile à révéler. Par ailleurs, quand cet effet se manifeste, il est beaucoup plus faible que l’avantage de l’hémisphère droit pour le traitement des relations spatiales métriques. Néanmoins, ce résultat devient évident lorsque les résultats provenant de toutes les expériences sont considérés ensemble dans une méta-analyse (voir Jager & Postma, 2003). Après avoir décrit les études comportementales, de simulation, neuropsychologiques et de neuroimagerie, il semble donc, comme l’avaient déjà énoncé, il y a plus de dix ans, Kosslyn et ses collaborateurs, que ‘ « ’ ‘  these findings suggest that the distinction between categorical and coordinate spatial relations encoding is both conceptually sound and computationally plausible  ’» (Kosslyn et al., 1992, p.575).