Hypothèses de Kosslyn et al. (1989) et de Banich et Federmeier (1999)

Avec la pratique, pour évaluer les distances métriques, les participants pourraient développer de nouvelles catégories ou des labels verbaux afin d’évaluer les positions proches et éloignées de la barre horizontale sans (ne plus) représenter explicitement la distance métrique. Le rôle de l’hémisphère droit au cours du traitement métrique peut alors être interprété de deux manières différentes. (i) Soit le sous-système d’encodage des relations spatiales métriques deviendrait sollicité moins souvent dans le jugement métrique ; en conséquence, dans des études de champ visuel divisé, l’avantage de présenter initialement des stimuli à l’hémisphère droit dans la tâche métrique devrait diminuer avec la pratique au profit d’un avantage de l’hémisphère gauche, ou du moins cet avantage masquerait l’avantage de l’hémisphère droit (Kosslyn et al., 1989). (ii) Soit le sous-système d’encodage des relations spatiales métriques serait toujours aussi sollicité dans le jugement métrique ; ainsi, dans des études d’imagerie cérébrale, l’observation d’un avantage de l’hémisphère gauche sur l’hémisphère droit ne serait pas nécessairement synonyme d’un plus grand recrutement de l’hémisphère gauche sur l’hémisphère droit. Simplement, étant naturellement plus expert que l’hémisphère gauche pour effectuer la tâche métrique, l’hémisphère droit n’aurait pas besoin d’autant de ressources que l’hémisphère gauche ; il en résulterait alors une moindre activation (voir chapitre 4, section 1.5, l’interprétation des cartes d’imagerie cérébrale).

Contrairement à l’effet de pratique observé dans la tâche métrique, aucun changement avec la pratique ne devrait se produire dans la tâche catégorielle ; si les catégories sont connues et peuvent être utilisées pour traiter les stimuli dès le début de l’expérience, changer de stratégie au cours du temps n’augmentera pas l’efficacité du traitement. La difficulté pour l’hémisphère gauche à réaliser la tâche métrique réside dans la transformation de la catégorie perceptuelle, qui se cache derrière le label. En effet, la formation de la catégorie perceptuelle devrait être logiquement antérieure au label verbal ; sans cette catégorie, le label ne peut pas être appliqué. La catégorie semble pouvoir se constituer assez vite, mais elle prend un temps relativement long pour se consolider (parfois, dès le deuxième bloc d’essais, Kosslyn et al, 1989, Expérience 3). En termes connexionnistes, des « poids rapides ” peuvent être utilisés pour former une représentation initiale, mais un processus plus lent est nécessaire pour ajuster des poids permanents dans un réseau pour un apprentissage en continu (réactualisé à chaque moment) ; les relations spatiales catégorielles ne sont pas des propriétés statiques de notre répertoire mental. Les résultats de l’expérience 3 de Kosslyn et al. (1989) suggèrent qu’au moins une certaine forme de représentation des relations spatiales catégorielles se développe avec la pratique. L’interprétation formulée par Baciu et al. (1999) va dans ce sens. Les résultats de leur étude ont montré que le gyrus angulaire droit était activé plus fortement que le gyrus angulaire gauche pendant le début de la tâche métrique. Comparable aux effets de pratique trouvés dans les études de champ visuel divisé, l’implication du gyrus angulaire droit était réduite après la première partie de l’examen, avec un déplacement vers une implication plus grande du gyrus angulaire gauche dans la seconde partie. Pendant la tâche catégorielle, l’activation semblait plus forte dans le gyrus angulaire gauche à n’importe quel moment durant le temps de l’examen, ne révélant ainsi aucun effet de pratique.

Banich et Federmeier (1999) ont proposé que les participants pourraient appliquer plus d’une stratégie qui leur permettrait avec la pratique de traiter une tâche métrique d’une manière catégorielle. Une telle stratégie pourrait être déclenchée par l’écran de l’ordinateur lui-même devenant un cadre de référence, qui exclurait le besoin de calculer de manière métrique les relations spatiales entre les items sur lesquelles le jugement devrait être basé. Les auteurs ont ainsi fait varier les positions verticales des stimuli à travers l’écran, empêchant ainsi l’utilisation de l’écran de l’ordinateur en tant que cadre de référence. De manière inattendue, la latéralisation de la dichotomie catégorielle - métrique s’est alors restreinte aux derniers blocs d’essais ! Ainsi, bien qu’il existe des raisons de penser que la dichotomie catégorielle - métrique soit influencée par la pratique, les mécanismes exacts qui interviennent sont encore ouverts à débat.